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29/11/2004
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Diamants sales, diamants de la pauvreté : la lutte continue
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(MFI) Deux ans après l’adoption du processus de Kimberley, destiné à moraliser le commerce mondial du diamant, les contrôles s’améliorent tant sur le plan international qu’en Afrique. Mais beaucoup reste à faire, à la fois pour combattre la contrebande des diamants sales qui ont financé de nombreux conflits africains, et pour faire en sorte que ces pierres ne soient plus les diamants de la pauvreté mais servent au développement des pays producteurs.
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Fin octobre 2004, à Ottawa, la réunion annuelle du processus de Kimberley, dont le Canada assure depuis janvier dernier la présidence, a reconnu les avancées réalisées en matière de contrôle international. Mais l’organisation non gouvernementale britannique Global Witness qui, la première, avait mené campagne contre les « diamants de la guerre », et la canadienne Partnership Africa Canada ont mis le doigt sur les faiblesses du système, dans deux rapports publiés à cette occasion.
Le premier, intitulé « The Key to Kimberley : Internal diamond controls » (La clé de Kimberley : contrôles internes des diamants), examine la mise en application du nouveau système en Belgique, aux Etats-Unis, au Canada, en Angola, au Ghana et en République démocratique du Congo (RDC). Il déplore les faiblesse des contrôles – même si le système belge par exemple est jugé très efficace à condition d’être « totalement mis en œuvre » – et recommande des mesures plus strictes pour éliminer les diamants illégaux des circuits licites. Global Witness et d’autres ONG, y compris Amnesty International, déplorent notamment la faiblesse des données statistiques, en particulier de la part de la Russie, deuxième producteur mondial.
Le deuxième rapport, titré Le riche et le pauvre – diamants du développement et diamants de la pauvreté, se penche plus particulièrement sur la situation des chercheurs de diamants en Guinée, Sierra Leone, Angola et RDC et met à jour une triste réalité : un million de « creuseurs » africains assurent péniblement leur subsistance grâce aux diamants alluviaux. « La plupart des creuseurs artisanaux, qui évoluent dans une économie de casino en espérant toucher le gros lot, gagnent en fait seulement un dollar par jour en moyenne. Leur travail ardu et salissant se situe complètement en marge du marché de l’emploi officiel. Cela les place dans la tranche de revenus qui confine à la pauvreté absolue. Le slogan maintenant n’est plus "diamants de la prospérité" mais bien "diamants de la pauvreté" », souligne l’étude.
Vers la mise en place d’une organisation africaine du diamant ?
Parmi les résultats du mode de contrôle « par les pairs », c’est-à-dire les délégations mandatées par les responsables du processus de Kimberley, figure la suspension, en juillet 2004, du Congo Brazzaville accusé d’exporter plus de diamants qu’il n’en produit, en provenance notamment de la RDC. Le Congo a fait son mea culpa et a décidé de vérifier ce commerce avec l’aide d’experts britanniques de la société Independant Diamond Valuator ; celle-ci se propose d’assister le pays dans la mise en œuvre d’un système crédible de certification, afin de l’aider à réintégrer le processus.
De plus, les ministres des Mines des pays producteurs d’Afrique centrale se sont prononcés, en novembre 2004, en faveur de la création d’un organisme régional de contrôle des pierres précieuses. Dans une déclaration dite « de Brazzaville », les ministres ou leurs représentants d’Angola, de Centrafrique, de RDC, du Congo Brazzaville et du Gabon – qui assistait à la réunion en tant qu’observateur – ont indiqué que cet organisme, placé sous la tutelle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), serait « la première étape vers la mise en place d’une organisation africaine du diamant ». De son côté, l’Angola a indiqué qu’il comptait organiser en 2006 une conférence internationale regroupant les plus grands producteurs. L’Afrique, dans son ensemble, est le plus gros producteur mondial de diamants dont le commerce légal constitue, pour des pays comme le Botswana, la Namibie ou l’Afrique du Sud, une source de financement de la croissance.
Le processus de Kimberley, du nom de la ville minière sud-africaine qui a accueilli la première réunion des acteurs concernés, est le résultat de longues négociations entre producteurs, consommateurs et industriels du diamant ; en réaction à la pression croissante de la communauté internationale, ceux-ci se sont mis d’accord sur des règles communes destinées à moraliser ce commerce et mettre fin aux trafics qui ont financé plusieurs guerres sanglantes. Lancé en mai 2000, le processus a été endossé par les Nations unies dès décembre 2000. Il a abouti le 5 novembre 2002 à la signature, à Interlaken en Suisse, d’une déclaration ministérielle adoptant formellement le nouveau système de certification dont la mise en œuvre est basée sur les lois en vigueur et les systèmes de contrôle des pays signataires, à condition qu’ils correspondent aux critères établis par le processus de Kimberley.
La Chine, 1er consommateur de diamants en Asie et le 5e dans le monde
Depuis janvier 2003, le système de certification prévu (un régime de contrôle des exportations et des importations des diamants bruts) doit en principe bloquer le commerce des diamants illicites et les empêcher de pénétrer le marché légal, ce à travers la mise en place de certificats d’origine théoriquement infalsifiables. Ceux-ci doivent accompagner tout colis de diamants, exporté obligatoirement dans un emballage scellé, et être visés par les autorités du pays exportateur comme par les services douaniers du pays importateur.
L’industrie du diamant, qui redoutait une désaffection du public et la concurrence des diamants industriels, s’est ralliée au processus afin de rassurer les consommateurs, en particulier aux Etats-Unis qui représentent le plus gros marché mondial. Ainsi, le géant minier sud-africain de Beers, accusé à l’époque de se fournir auprès des rebelles angolais, a affirmé dès mars 2000 que tous les diamants bruts qu’il commercialisait étaient accompagnés d’un document garantissant qu’ils ne provenaient pas d’une zone rebelle. Le Congrès mondial du diamant d’Anvers en Belgique a préconisé des contrôles plus stricts tout comme le Conseil mondial du diamant basé à New York.
Les clients ne sont toutefois pas près de manquer. Outre les pays arabes du Golfe, toujours friands d’or et de diamants et dont le pouvoir d’achat s’est accru avec la hausse du prix du pétrole, la Chine est de plus en plus présente sur ce marché. Une enquête récente publiée par l’Association joaillière de Chine précise que les consommateurs chinois ont dépensé en 2003 un montant de 1,235 milliard de dollars pour les bijoux en diamant. Le pays est ainsi devenu le 1er consommateur de ces pierres précieuses en Asie et le 5e dans le monde. L’enquête révèle que dans les grandes villes comme Pékin, 4/5e des nouveaux mariés veulent acheter une bague en diamant.
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Marie Joannidis
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