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04/02/2005
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Concurrence franco-britannique… pour la bonne cause
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(MFI) Alliées ou rivales selon les circonstances, la France et la Grande-Bretagne mènent la course en tête du peloton des bailleurs de fonds pour proposer de nouveaux financements destinés à combattre la pauvreté dans le monde, en particulier en Afrique.
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La concurrence franco-britannique « pour la bonne cause » intervient à un moment où les Nations unies (Onu) réclament des efforts accrus tant de la part des pays riches que des pays pauvres pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Fixés en 2000, ces objectifs visent à réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015 et à combattre des pandémies comme celles du paludisme ou du sida. Le président français Jacques Chirac, qui se veut l’avocat des plus pauvres, a choisi fin janvier le Forum économique de Davos, en Suisse, pour reparler de taxe mondiale afin d’obtenir de nouvelles sources de financement pour le développement. Il avait déjà officiellement présenté cette idée en septembre 2004 sans recueillir l’adhésion des principaux bailleurs, à commencer par les Etats-Unis.
S’adressant par visio-conférence au Forum de Davos, dans la foulée de l’extraordinaire mouvement de solidarité mondiale à la suite du raz-de-marée qui a dévasté l’Asie du Sud, le président français a évoqué les « tsunamis silencieux » que sont les famines, les maladies infectieuses ou les violences dans des régions livrées à l’anarchie. Soulignant que l’augmentation de l’aide publique reste nécessaire, il a estimé que les pays en développement ont besoin de financements prévisibles et stables, c’est-à-dire fondés sur des mécanismes pérennes. Il a à ce propos évoqué plusieurs idées de nouvelles taxes : sur les transactions financières internationales, sur la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux, sur le carburant utilisé par le transport aérien ou maritime et enfin sur les billets d’avions.
Tony Blair a mis sur pied une Commission pour l’Afrique
Jacques Chirac, qui s’est rendu début février à Brazzaville à un sommet sur la préservation des forêts d’Afrique centrale, considérée par les experts comme un moyen important de lutte contre la pauvreté, a exprimé le soutien de la France à la facilité financière proposée par Londres. La Grande-Bretagne préside le G8 en 2005 et préconise en effet la création d’une facilité de financement internationale (IFF) fondée sur l’emprunt, par laquelle les donateurs financeraient l’augmentation de leur aide par l’émission d’obligations sur les marchés. Ce nouveau mode de financement pourrait servir dans une première phase à la vaccination et à la lutte contre le sida. « Le sommet du G8 de Gleneagles (en Ecosse), en juillet prochain, doit permettre de franchir une étape décisive sur le financement du développement. Je sais que mon ami Tony Blair [le Premier ministre britannique] a de grandes ambitions à cet égard. Et il aura tout l’appui de la France », a souligné le président Chirac. Il a aussi proposé au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan d’organiser, à Paris, une réunion dans le but « d’humaniser » la mondialisation.
Londres, pour sa part, a déjà indiqué que l’Afrique constituera l’une de ses priorités pour le prochain sommet du G8. Tony Blair a d’ailleurs mis sur pied une commission sur l’Afrique composée de personnalités éminentes, dont le Français Michel Camdessus, « sherpa » du président Chirac pour le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Il a aussi envoyé en janvier 2005 son chancelier de l’Echiquier Gordon Brown dans plusieurs pays africains, où ce dernier a évoqué un plan Marshall pour l’Afrique, à l’instar du programme américain qui permit la reconstruction de l’Europe après 1945, ainsi que des annulations supplémentaires de dette.
Tony Blair s’est personnellement engagé à Davos dans cette lutte contre la pauvreté, aux côtés de personnalités aussi diverses que l’ex-président américain Bill Clinton, les chefs d’Etat nigérian et sud-africain Olusegun Obasanjo et Thabo Mbeki ou le patron de Microsoft Bill Gates. Il a ainsi donné avec Chirac le ton de ce forum, à l’écoute des préoccupations de son pendant altermondialiste, le Forum social de Porto Alegre (FSM) au Brésil, qui se tenait en même temps et qui s’est terminé par un « Mur de propositions ». Le FSM sera décentralisé dans plusieurs pays en 2006 et devrait se tenir en Afrique en 2007.
Selon le New York Times, George Bush n’a pas tenu sa promesse
Selon les experts, il faudrait quelque 50 milliards de dollars d’aide publique au développement supplémentaires par an d’ici 2015 pour atteindre les OMD. Mais on est encore loin du compte. Ainsi les Etats-Unis, principal donateur en valeur absolue devant le Japon, n’ont toujours pas rempli le contrat annoncé par le président Bush à Monterrey en 2002 pour récompenser les pays pauvres les plus méritants, c’est-à-dire ceux qui entreprennent les réformes politiques et économiques préconisées par Washington. Selon le quotidien américain The New York Times, George Bush n’a pas tenu sa promesse de porter progressivement l’aide à 5 milliards de dollars par an d’ici 2006. Le quotidien lui reproche de demander moins de fonds qu’annoncé au Congrès, déjà fortement sollicité pour la lutte contre le terrorisme et la guerre en Irak.
Le secrétaire général de l’Onu Kofi Annan a, pour sa part, déploré au sommet de l’Union africaine réuni fin janvier, à Abuja au Nigeria, les retards pris par les bailleurs. « L’Afrique n’est pour l’instant pas sur les rails pour atteindre les OMD. Mais elle peut les atteindre d’ici à 2015 si le partenariat mondial promis depuis longtemps se mobilise véritablement », a-t-il dit. Un sommet réunira en septembre prochain à l’Onu à New York tous les Etats membres pour examiner les progrès accomplis depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire. Kofi Annan a aussi souligné que la lutte contre la pauvreté devait être au centre des efforts menés afin de bâtir « un système de sécurité collective efficace », préoccupation des Américains comme de leurs partenaires, européens ou non.
Marie Joannidis
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