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04/02/2005
Culture et développement : l’entreprise, au péril de la culture ?

(MFI) L’expérience d’un chef d’entreprise face aux blocages d’ordre culturel, racontée par Marcel Zadi Kessy : dans cet ouvrage, paru il y a quelques années, l’auteur signalait qu’il existait selon lui des voies pour tourner favorablement le facteur culturel.

L’environnement socioculturel a une influence considérable sur la vie de l’entreprise moderne. En Afrique celle-ci rencontre de grandes difficultés d’adaptation. Y a-t-il incompatibilité entre la culture africaine et la gestion d’entreprise, ou faut-il trouver un mode de management spécifique ? Marcel Zadi Kessy, qui dirige la Société de Distribution d’Eau de la Côte d’Ivoire (SODECI) et la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE), répond à ces questions et propose des solutions issues de sa propre expérience, dans un livre intitulé Culture africaine et gestion de l’entreprise moderne (éditions CEDA, 1998).

Des blocages culturels contre l’entreprise

La tradition africaine peut générer des blocages culturels qui vont à l’encontre d’une gestion saine de l’entreprise. L’esprit communautaire qui régit les relations familiales en Afrique entre en conflit avec l’individualisme et la recherche du profit, sur lesquels se fondent les principes de l’économie capitaliste. Le salarié africain subit une « pression communautaire » : pour faire face aux demandes d’argent de ses proches, il doit bien souvent s’endetter mais ne cherche pas pour autant à s’impliquer davantage dans la nécessaire productivité de son entreprise. Le « mythe du chef », fortement ancré dans les mœurs, trouble les relations hiérarchiques en introduisant une distance rigide entre la direction et les salariés, nuisant à une bonne communication professionnelle. Le conformisme et le respect de l’ancienneté en Afrique isolent le dirigeant, qui souvent ne met pas ses salariés au courant des objectifs de l’entreprise. A ces difficultés s’ajouteraient le poids du sacré, la croyance en des facteurs relevant de la sorcellerie, et le fatalisme qui, associés au culte du secret, rendent difficile une gestion rationnelle. La tradition orale aggrave la rétention d’informations et l’imprécision des objectifs de management. Enfin, comme le dit Marcel Zadi Kessy, pour les Africains « le temps ce n’est pas de l’argent », ce qui va à l’encontre des notions de rentabilité et d’efficacité. Il en conclut : « L’heure africaine, qui végète dans nos mentalités, c’est bien celle du sous-développement ! »

Un management africain

Bien comprise et bien employée, la culture africaine peut en revanche être un atout pour l’entreprise capitaliste. C’est la thèse que défend l’auteur de Culture africaine et gestion de l’entreprise. Le manager doit s’appuyer sur la mentalité communautaire et la solidarité pour créer un « esprit de groupe ». A sa charge il revient d’engager des actions sociales et d’établir un contrat de confiance en associant systématiquement les syndicats à la stratégie globale de la société qu’il dirige. Les salariés considèrent alors leur entreprise comme une « seconde famille » et la production de richesses comme un « effort collectif ». C’est alors que peut se manifester pleinement, selon l’auteur, « la volonté de maintien de l’ordre au sein de la communauté », inhérente à la mentalité africaine. L’auteur rapproche le dialogue au sein de l’entreprise de la tradition de l’arbre à palabres. Le sens de la discipline en découle, si les règles sont clairement expliquées, convaincantes et acceptées par tous. Cela peut prendre la forme concrète d’une « charte de la politique managériale », comme celle établie par Marcel Zadi Kessy pour la SODECI. Enfin il relève de la responsabilité du chef d’entreprise de prendre en compte le « particularisme africain » pour dynamiser son entreprise.

(1) Le thème « Culture et développement » a été choisi pour les débats organisés les 17 et 18 février 2005 à l’occasion du Forum de Bamako, par l’Institut des Hautes études en management (IHEM).

Claire Pouly


Point de vue : l’inadaptation des modèles de management

(MFI) Invité du Forum de Bamako (17-18 février), où les participants étaient invités à débattre des relations entre la culture et le développement, Marcel Zadi Kessy livre ici sa vision des défis rencontrés par l’entreprise moderne en Afrique dans la gestion des hommes.


La culture peut être définie comme un ensemble de particularismes qui distinguent une société, un peuple, une nation ou une entreprise des autres, en ce qui concerne les habitudes, les manières de penser, les croyances et valeurs, les doctrines, les règles de fonctionnement et les politiques. Le développement serait une démarche de changement planifiée afin de rendre un continent, un pays ou une organisation plus apte à atteindre ses objectifs à court et moyen terme.

Comment alors, la culture vue dans ce sens peut véritablement influencer l’entreprise moderne au plan social, au plan technologique, au plan économique et au plan politique ?

1. Difficultés de management des entreprises africaines
Dans l’analyse de la situation des entreprises africaines, l’on distingue trois types de difficultés : les difficultés liées au contexte historique, les difficultés d’ordre macro-économique et enfin les difficultés d’ordre culturel.

2. La culture africaine : un concept à redéfinir
La société africaine repose sur des fondements tels que la primauté de la collectivité, l’esprit communautaire, le sens de la solidarité et du partage, l’hospitalité, etc. De façon spécifique, en Afrique, lorsqu’un individu travaille dans sa plantation, chante, danse, fait la cuisine, construit une maison, célèbre une naissance ou un mariage, pleure son mort, il exprime sa culture. La culture africaine peut-elle être un levier puissant pour le développement durable des entreprises africaines du 21e siècle ?

3. Culture africaine et développement durable de l’entreprise en Afrique
Comment forger une culture d’entreprise à partir de la culture africaine en vue d’assurer un développement durable de l’entreprise ?

Mettre en œuvre une véritable culture d’entreprise à partir des fondements de la société africaine, telle est la voie vers laquelle doit tendre le chef d’entreprise en Afrique. Il s’agit de valeurs telles que la solidarité, l’esprit de famille, l’hospitalité, le sens de la discipline, la convivialité, la confiance, la coresponsabilité, le respect, l’écoute, etc. Ainsi, les travailleurs de l’entreprise autant que ses dirigeants ont intérêt à développer des sentiments très forts d’union, d’entente, de fraternité et de solidarité.
Par exemple, dans les deux sociétés que je dirige, au titre de l’éthique de solidarité, élément fondamental de la culture africaine sur laquelle nous nous sommes appuyés, nous avons créé cinq fonds sociaux pour un meilleur épanouissement de nos salariés, et partant pour un développement plus harmonieux des deux entreprises.

1. Le Fonds Commun de Placement : Ce fonds permet aux travailleurs de détenir une partie du capital de leur entreprise. La contribution est volontaire et tous les travailleurs y ont adhéré. La part de chaque travailleur n’est restituée qu’en cas de départ définitif de l’entreprise. Par ce fonds, les travailleurs sont en partie collectivement propriétaires de la société.

2. Le Fonds de Solidarité : Ce fonds est constitué de cotisations mensuelles des travailleurs en fonction de leur catégorie et des contributions de l’entreprise. Il permet de venir en aide à titre gracieux aux travailleurs, à l’occasion d’événements heureux ou malheureux, qui surviennent dans leur famille (décès, mariage, naissance, etc.).

3. Le Fonds Epargne et Emprunt : C’est un fonds volontaire qui permet au travailleur qui le désire d’épargner au moins pendant quatre mois avant d’emprunter le double de ce qu’il a épargné. Le remboursement se fait sans intérêt.

4. Le Fonds Epargne Logement : Il permet au travailleur qui veut construire ou acheter une maison d’épargner au moins pendant trois ans et de constituer son apport personnel pour obtenir un crédit auprès de la Banque de l’habitat avec laquelle nous avons signé une convention particulière.

5. Le Fonds Solidarité Santé-Sida : Ce fonds, constitué par les cotisations de l’ensemble du personnel et des contributions de l’entreprise a pour but de mobiliser des ressources pour aider à soigner avec des antiretroviraux et par la méthode de la trithérapie, ainsi que toutes les formes de traitement homologuées par l’Organisation Mondiale de la Santé, ceux des nôtres qui seraient infectés.

Conclusion

Je pense que les difficultés rencontrées par les entreprises africaines s’expliquent, en partie, par l’inadaptation de leurs modèles de management d’inspiration étrangère, aux réalités culturelles africaines. En Afrique, la prise en compte des valeurs culturelles dans la gestion de nos entreprises est une exigence pour leur développement véritable et pour leur pérennité. Pour réussir ce pari difficile nous devons éviter de nous renier et de perdre notre âme qui est notre raison d’être.

Marcel Zadi Kessy


Marcel Zadi Kessy est ingénieur de formation; il a commencé sa carrière dans l’administration ivoirienne avant d’entrer à la Société de Distribution d’Eau de la Côte d’Ivoire (SODECI) dont il est devenu le Président Directeur Général en 1985. Fondateur de l’Union Africaine des Producteurs et Distributeurs d’Eau, Marcel Zadi Kessy est membre du Conseil d’Administration de plusieurs sociétés et a été Président du Conseil National du Patronat Ivoirien (CNPI). En 1990, il devient PDG de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE). Depuis 2002, il est le Président du Conseil d’Administration de SODECI/CIE, fonction qu’il occupe à ce jour.




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