|
|
18/02/2005
|
Pétrole : les petits producteurs d’Afrique sont courtisés
|
(MFI) La soif de pétrole des géants asiatiques – la Chine et l’Inde – qui pousse la demande mondiale et attise la hausse des prix du brut favorise la chasse à l’or noir à travers le continent africain, y compris auprès de producteurs petits ou simplement potentiels.
|
La prospection pétrolière s’est étendue du Golfe de Guinée – où se trouvent les « grands » : Nigeria, Angola, Guinée Equatoriale mais aussi Gabon et Congo Brazzaville – jusqu’à la Mauritanie et au Sénégal, de même qu’en Afrique centrale et à l’est, le long du littoral de l’Océan indien. Cette nouvelle concurrence intéresse notamment des petites et moyennes compagnies indépendantes, canadiennes, australiennes, françaises ou autres, et les grands groupes d’Etat chinois et indiens. Les « majors » américaines – Exxon Mobil et Chevron Texaco – ou Européennes comme Total, BP ou Shell sont déjà présents chez les principaux producteurs africains au sud du Sahara, mais aussi en Afrique du nord. Le Soudan, quant à lui, déjà entré dans le club des nouveaux producteurs comme le Tchad, est surtout l’apanage de la Chine, qui n’a pas d’états d’âme quant à la situation de violence intérieure, et de la compagnie malaisienne Petronas, qui aspire à rejoindre les « majors ».
Les experts sont d’accord sur le potentiel de la Mauritanie, mais restent encore prudents sur ceux du Niger ou du Mali, où cependant la prospection va bon train. « Il y a beaucoup d’effervescence autour de la zone Mauritanie, Sénégal, Maroc », reconnaît Jean-Pierre Favennec de l’Institut français du pétrole (IFP). Concernant le Niger, il estime que des découvertes sont possibles car du pétrole a déjà été trouvé au Tchad non loin de la frontière nigérienne, au nord du lac Tchad. « Certains petits producteurs comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire ont vu leur production décliner ; mais heureusement, de nouveaux gisements ont été découverts au Gabon et la production est en hausse au Congo Brazzaville », ajoute-t-il.
Le Sahel en ligne de mire
La Mauritanie, pays sahélien très pauvre, attend désormais la manne pétrolière. Son premier champ de pétrole à Chinguetti, découvert en 2001 par la compagnie australienne Woodside, devrait être opérationnel d’ici la fin 2005 avec une production qui pourrait atteindre les 80 000 barils/jour. Selon les experts pétroliers, ce premier champ, situé en eau profonde près de la capitale Nouakchott, pourrait contenir des réserves de près de 100 millions de barils.
Au Niger, autre pays pauvre du Sahel, plusieurs compagnies pétrolières ont obtenu des licences d’exploration et semblent optimistes quant aux possibilités de trouver du brut dans l’est du pays, selon des sources françaises. Dès 2003, Niamey a ainsi signé avec la Chine deux conventions pour la recherche, l’exploitation, le transport et la commercialisation dans le Ténéré et dans la région d’Agadez (permis Bilma).
La compagnie malaisienne Petronas a annoncé début 2005 une découverte dans le bassin du Termit, à près de 1 000 km à l’est de Niamey, non loin de la frontière tchadienne.
Le Mali a pour sa part signé fin 2004 une convention de partage et de production portant sur cinq blocs du bassin de Taoudenit au Sahara avec un consortium australien, Baraka Mali Venture (BMV). Certains experts parlent déjà de la production des premiers barils de brut vers 2008. Plusieurs autres compagnies sont sur les rangs pour d’autres permis, y compris bien sûr les Chinois.
Des recherches un peu partout
Face aux incertitudes politiques du Moyen-Orient, qui possède les deux tiers des réserves connues de brut, les pays consommateurs occidentaux et asiatiques, mais surtout les Etats-Unis, considèrent désormais l’Afrique comme une province pétrolière « stratégique ».
Les opérations de prospection vont ainsi bon train aussi bien au large des côtes africaines qu’à l’intérieur des terres. L’offshore est toutefois considéré comme une zone protégée des aléas politiques et des conflits, comme l’a montré l’évolution pendant la guerre civile en Angola, désormais deuxième producteur de l’Afrique sub-saharienne après le Nigeria, et plus récemment, sur une échelle plus modeste, la Côte d’Ivoire.
Plusieurs découvertes ont ainsi eu lieu récemment au large des côtes ivoiriennes où des compagnies indépendantes ont lancé de nouvelles prospections. Ces recherches foisonnent un peu partout : au large de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone. Mais aussi de la Guinée Bissau, du Sénégal et de la Gambie en Afrique de l’Ouest. On espère également trouver du pétrole du côté de l’Océan Indien, au large du Kenya, du Mozambique et de Madagascar. Sans oublier les rêves de certains pétroliers à propos du sous-sol de l’Ituri, dans l’extrême nord-est de la RDC, une fois la paix revenue.
Pour les pays enclavés se pose le problème de l’exportation en cas de découverte en quantité suffisante. L’exemple du Tchad, qui achemine son pétrole à travers l’oléoduc Doba – Kribi au Cameroun, sert de référence.
Face à l’intérêt porté à leur pétrole, les Africains tentent de mieux s’organiser, notamment en revitalisant l’APPA, l’Association des pays africains producteurs de pétrole. Réunis à Alger à la mi-février 2005, les ministres de l’Energie des douze pays producteurs de pétrole du continent – Algérie, Angola, Bénin, Cameroun, Congo, Côte d’ivoire, Egypte, Gabon, Guinée équatoriale, Libye, Nigeria et RDC – ont ainsi accueilli deux nouveau membres : l’Afrique du Sud, qui produit du pétrole à partir du charbon, et le Tchad.
La production totale des pays membres de l’APPA était estimée en 2003 à 8 millions de barils par jour, les réserves prouvées étant évaluées à 98 milliards de barils.
La réunion d’Alger a non seulement permis d’échanger les expériences mais aussi d’examiner les moyens de combattre la pollution marine des côtes africaines et méditerranéennes résultant de l’accroissement de la production.
L’IFP, souligne Jean-Pierre Favennec, assiste les Africains en apportant son expertise et en formant des techniciens et des cadres. L’Institut organise ainsi des stages de formation et prévoit un Sommet de l’Energie en Afrique en novembre prochain à Dakar.
|
Marie Joannidis
|
|
|