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18/03/2005
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Coton : l’Afrique a la « fibre »
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(MFI) Pour la deuxième année consécutive, un « Forum sur la fibre africaine » organisé par la société civile vient de se tenir à Bamako. L’occasion de faire le point sur les modes de résistance à encourager face aux règles du marché mondial.
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Dans la bataille autour du coton africain, contre les règles commerciales inégales imposées par les pays riches, la ville de Bamako continue d’être un point de repère important. Pour la deuxième année consécutive, la capitale malienne vient en effet d’abriter un « Forum sur la fibre africaine » qui s’est achevé le 4 mars. Organisé par le Forum pour un Autre Mali, présidé par l’ancienne ministre de la Culture du Mali, Aminata Traoré, l’événement a de nouveau réuni paysans, artisans, femmes, consommateurs et intellectuels, venus de l’ensemble des pays de l’Uemoa. Quelques représentants du Forum social mondial et d’organisations du Nord, comme le député Vert français Noël Mamère, ont fait également partie des présents.
La situation des femmes, très touchées par la faiblesse des prix du coton, ainsi que le démantèlement de l’Accord multifibre intervenu le 1er janvier 2005, ont occupé les débats, tout comme les menaces que fait peser la biotechnologie sur la paysannerie africaine. « Les nations riches et les institutions financières internationales font miroiter les Organismes génétiquement modifiés (OGM) à des pays extrêmement pauvres et meurtris, en leur donnant l’impression qu’en les adoptant ils résoudront les problèmes de productivité. Mais le défi, ce n’est pas la productivité ! Les marchés sont déjà inondés. Nous demander de nous servir des OGM permet de ne pas réviser la question des prix, tout simplement. N’est-ce pas cynique ? », s’est demandée Aminata Traoré.
Mieux sensibiliser et informer les producteurs
Afin de sortir, au moins en partie, du schéma de dépendance du marché mondial des matières premières, on a de nouveau parlé de la nécessité de trouver des techniques et des moyens de transformer le coton localement. Or des exemples prouvent déjà que cette transformation est possible et viable : les tissages de la styliste sénégalaise Aïssa Ndione, qui ont notamment réussi à séduire de grandes enseignes européennes, en font partie. Mais cela ne suffit pas, il faut aussi changer les modes de consommation. « L’artisanat local meurt parce que les marchés sont inondés de friperies venues de l’extérieur. Une vieille couverture en laine venue d’Europe coûte ainsi dix fois plus cher qu’une belle couverture peule d’ici », note Aminata Traoré. Mais si les citoyens ont besoin d’être sensibilisés à l’importance de soutenir la production locale, le Forum a montré à ses organisateurs que les petits producteurs manquent eux aussi cruellement d’informations. Habitués à la langue de bois des experts ou des hommes politiques, ils ont rarement la possibilité de comprendre tous les enjeux des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien. Ceux qui étaient présents à Bamako ont ainsi demandé la possibilité de pouvoir repartir chez eux avec l’enregistrement des débats sur cassette, afin de pouvoir les diffuser ensuite sur les antennes des radios rurales.
Placé sous le triptyque « résistance, solidarité et créativité », le Forum a également été l’occasion pour la société civile africaine de rappeler qu’elle n’a pas l’intention de se battre seule pour changer les règles du jeu : les pouvoirs politiques africains doivent eux aussi résister à la pression des pays occidentaux. Le cas des subventions américaines aux producteurs de coton, condamnées le 4 mars dernier par l’Organisation mondiale du commerce grâce à une plainte déposée par le Brésil, montre ainsi qu’il est toujours possible de faire changer les choses, à condition de ne pas se résigner et de rester vigilant. D’ailleurs, petite satisfaction, cette année, un porte-parole du Président de la République malienne a assisté au Forum. « Nous savons aussi que le gouvernement se propose de rencontrer les acteurs de la société civile pour qu’on examine ensemble tous les aspects que nous avons pris la responsabilité d’explorer. Ce n’était pas le cas l’an dernier. Personne ne nous avait rien demandé », souligne Aminata Traoré, bien décidée à ne pas lâcher prise, en attendant pour 2006 l’organisation d’un troisième Forum sur le coton.
Fanny Pigeaud
La protection des marchés nécessaire
(MFI) Le dumping pratiqué par les pays occidentaux, souvent évoqué à propos du coton, n’est pas seul en cause dans les importations massives qui handicapent les marchés africains. L’ouverture des barrières douanières, prônée par l’Omc et imposée au sein de l’Uemoa par les institutions financières internationales, empêche elle aussi le développement de l’agriculture africaine. Pour tenter de changer la donne, une pétition a été lancée en Europe, en octobre 2004, par un collectif d’Ong sous le titre « L’Europe plume l’Afrique ». Demandant le droit pour les pays du Sud à la protection de leurs marchés agricoles, elle a déjà rapporté 30 000 signatures qui ont été remises, le 2 mars 2005, au ministre français délégué au Commerce extérieur. Sur le continent africain, les associations sont elles aussi mobilisées autour de cette campagne. Au Ghana, par exemple, chaque député recevra une poule lors de la semaine mondiale d’action sur le commerce, qui se tiendra du 10 au 16 avril 2005. But du jeu : attirer l’attention des élus sur la « libéralisation appliquée du secteur de la volaille au Ghana et les effets continuels nuisibles du dumping de l’Union européenne ». Au Cameroun, il y a déjà eu des réactions à cette sensibilisation menée auprès des consommateurs, des importateurs locaux et des pouvoirs publics : les autorisations d’importations de poulets ont notamment été réduites, la TVA sur le poulet congelé importé rétablie.
F. P.
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