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15/04/2005
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UEMOA : la crise, sans dévaluation
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(MFI) La conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA n’a pas réellement permis de clarifier la situation de l’organisation, soumise à la très forte pression de la crise ivoirienne, et à la menace nouvelle qui pointe au Togo. Il semble toutefois que l’optimisme – relatif – témoigné par les chefs d’Etat n’est pas de pure forme : l’UEMOA, considèrent les observateurs, vivra, mais doit encore passer des moments difficiles.
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La conférence de Niamey s’est tenue dans un contexte morose – marqué notamment par des explosions sociales dans plusieurs pays de l’Union – et n’a pu se conclure que sur un satisfecit modeste. Si la crise en Côte d’Ivoire n’a pas marqué un effondrement de l’édifice unitaire patiemment élaboré depuis une décennie, prouvant une certaine capacité d’absorption de ses conséquences par la zone UEMOA, les perspectives restent fragiles.
L’inquiétude, exprimée par des hauts responsables des pays de la zone, face à un nouveau scénario de dévaluation, semble toutefois excessive. Les experts, français et africains, s’accordent pour dire qu’une dévaluation du franc CFA, monnaie commune des pays membres bénéficiant d’une parité fixe avec l’euro, garantie par le Trésor français, « n’est pas à l’ordre du jour ». Des rumeurs en Afrique ont fait état d’une prochaine dévaluation, accentuées par les propos tenus par un banquier français. Michel Maréchal (de la BNP Paribas) a estimé que les conséquences de la crise ivoirienne rendent une seconde dévaluation du FCFA « inévitable d’ici un à deux ans ».
Une situation monétaire « qui pose problème »
Boni Yayi, le président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), a fermement rejeté toute hypothèse de nouvelle dévaluation qui, selon lui, ne serait pas justifiée par la situation économique actuelle des pays de la Zone Franc, qui regroupe ceux de l’UEMOA et ceux de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC). Boni Yayi a souligné que les progrès de l’intégration économique ouest-africaine avaient amorti les conséquences régionales de la situation en Côte d’Ivoire. Cet avis n’est toutefois pas totalement partagé par des sources à Paris, qui considèrent que la Côte d’Ivoire n’est pas prête à retrouver son rôle de moteur économique de la région. Ils estiment cependant qu’aucun autre pays membre de l’UEMOA ne serait capable de jouer ce rôle.
Tout en admettant que la sous-évaluation du dollar par rapport à l’euro et donc au franc CFA « pose problème », ils rejettent également toute idée de dévaluation de la monnaie de la Zone Franc. « D’autant plus que la France, affirme l’un d’eux, n’a pas les moyens d’accompagner une nouvelle dévaluation comme elle l’avait fait en 1994 ». « L’UEMOA souffre du double problème de la baisse des prix du coton et du taux trop élevé de l’euro par rapport au dollar » qui pénalise ses exportations, affirme un expert français. Qui évoque aussi la mauvaise saison des pluies et l’invasion acridienne dans certains Etats qui se répercutent sur leurs économies. Pour lui, la « situation de guerre » en Côte d’Ivoire et les retombées sur les pays voisins du conflit ivoirien freinent la mise en application de l’intégration régionale, en particulier la libre circulation des biens et des personnes.
L’attitude ivoirienne en question
Au plan institutionnel, des doutes persistent sur la volonté de la Côte d’Ivoire de jouer pleinement son rôle dans l’Union, dont elle peut estimer les contraintes trop pesantes au plan financier. La part de la Côte d’Ivoire dans la zone UEMOA est, on le sait, décisive (1), et la Côte d’Ivoire est un contributeur essentiel aux mécanismes compensatoires mis en place par l’Union. Comme le soulignait en 2003 un rapport du Pnud, « l’union douanière qui, jusqu’ici, est la réalisation majeure (de l’UEMOA), dépend du fonctionnement des mécanismes en place, dont le Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) qui assure le financement du fonds de compensation ». La difficulté de la Côte d’Ivoire « à honorer ses engagements financiers vis à vis de l’UEMOA, notamment le reversement du Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) » a donc de quoi inquiéter. Les plus pessimistes de rappeler comment fut bloquée la défunte Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), faute du versement par les Etats membres du Prélèvement communautaire déjà en pratique… la Côte d’Ivoire, plus gros bailleur de fonds de la CEAO, faisant partie à l’époque des membres défaillants.
Les péripéties autour du remplacement d’un des commissaires ivoiriens de l’UEMOA, dont le cas devait être tranché en avril par la Cour de justice de l’Union ou, plus grave, la non-ratification par Abidjan du traité instituant le parlement de l’UEMOA, n’ont pas amélioré le climat. Il est vrai, souligne un observateur à Paris, que la situation de la Côte d’Ivoire la conduit à reconsidérer actuellement nombre de ses alliances économiques. Mais l’Union, selon cet interlocuteur, n’est pas directement menacée, même si Paris est confronté à de nombreuses demandes des autres pays membres pour les aider à trouver des solutions à la crise, ou pour intercéder en leur faveur auprès, notamment, de l’Union européenne. L’intégration « avance, même si ça ne va pas vite ». Par ailleurs, la France a articulé « sa politique d’aide sur l’appui au développement économique des régions », une approche qu’il ne s’agit pas de remettre en cause.
Marie Joannidis / Thierry Perret
(1) La Côte d’Ivoire représente près de 40 % du PIB et de la masse monétaire de l’UEMOA, quand un pays comme le Niger pèse, en comparaison, autour du 8 % du PIB.
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