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29/04/2005
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La face cachée de la finance
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(MFI) Les enjeux de la finance offshore, dont la délinquance financière utilise les facilités, sont plus que jamais au cœur du système économique international. C’est ce que souligne l’un des articles du Rapport moral sur l’argent dans le monde qui se penche, dans son édition 2005, sur la face cachée de la finance mondiale ainsi que sur les grands dossiers d’éthique financière, dont la relation à l’argent des religions monothéistes.
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Revenant sur les débats qui ont agité le monde financier au cours de l’année écoulée, plus de quarante auteurs s’interrogent, dans le Rapport moral sur l’argent dans le monde 2005, sur la façon dont s’exercent aujourd’hui les métiers de la banque et de la finance. Publié chaque année depuis onze ans par l’Association d’économie financière, avec le concours de la Caisse des dépôts (France), ce rapport se veut « instrument de réflexion et de travail incontournable pour tous ceux qui s’intéressent aux enjeux fondamentaux de notre système financier dans ses composantes nationales et internationales ». Le cru 2005 se penche plus particulièrement sur la face cachée de la finance, abordée ici autour de quatre thèmes : finance offshore, cybercriminalité, fraude fiscale, rôle des États et de la communauté internationale. En matière de finance offshore, Thierry Godefroy et Pierre Lascoumes (CNRS) posent la question qui fâche : « Le capitalisme financier peut-il encore s’en passer ? ».
Alors qu’il y a à peine cinq ans, les principales organisations mondiales semblaient faire converger leurs efforts pour normaliser les territoires offshore, force est de constater, écrivent les chercheurs, qu’ils « ne semblent guère plus menacés, que les plus performants ont intégré le jeu de l’économie mondiale et se sont développés, (…) et que les offres de services se sont diversifiées au point qu’il devient problématique aux grands acteurs transnationaux de s’en passer ». L’offre offshore est attractive pour trois motifs : moindre imposition fiscale – en ce sens, la tendance est aujourd’hui davantage à la délocalisation des bases fiscales qu’à celle des activités physiques –, paravents juridiques garantissant l’opacité des opérations et le cloisonnement des responsabilités, allègement des contraintes légales sur les transactions.
Une articulation parfaite à l’économie légitime grâce aux « ouvreurs de portes »
Si la finance offshore est robuste, c’est, affirment les auteurs, parce qu’elle est « parfaitement articulée à l’économie légitime onshore », grâce aux bons offices des « ouvreurs de porte », professionnels du droit des affaires qui « servent de passeurs légaux vers les circuits obscurs de la finance clandestine », et parce qu’elle offre peu de prises aux prétentions régulatrices externes. D’autant que l’offshore ne fait plus aujourd’hui uniquement référence à quelques îles plus ou moins paradisiaques : les places offshore s’inscrivent au cœur même des grandes économies, avec par exemple le cas de l’État américain du Delaware, où sont enregistrées la majorité des grandes sociétés des États-Unis… La grande adaptabilité, enfin, des dispositifs offshore s’est encore vérifiée ces dernières années : alors que progressait l’idée d’une transparence et d’une meilleure régulation de la vie des entreprises par le marché (nouvelles normes comptables par exemple), les territoires offshore développaient des offres permettant à leurs clients de dissimuler des informations capitales non seulement aux autorités publiques, mais également au marché (affaires Enron et Parmalat).
« Le contrôle des places offshore, concluent les deux chercheurs, passe par la régulation des pratiques opaques de l’économie onshore et une traçabilité des flux financiers. Les nouvelles 40 recommandations adoptées par le Gafi en juin 2003 sont un premier pas, à condition que les États prennent des mesures qui ne soient pas de pure forme.» La difficulté, en la matière, repose dans la différence d’approche qui divise les États développés, comme le souligne Antoine Mérieux dans « Confiance et transparence », son introduction au rapport : « Certains considèrent que la notion même de centre offshore a perdu de sa pertinence : les activités offshore ne sont pas le monopole des petits territoires, (…) ces centres n’ont pas le monopole du secret bancaire et des instruments juridiques opaques tels les fondations et les trusts. Pourquoi, dès lors, (…) ne pas laisser la concurrence entre ces différents centres s’exercer ? D’autres États, dont la France, mettent cependant en avant les risques particuliers que font courir ces centres à l’intégrité du système financier ; ils militent activement pour le maintien et le renforcement du dispositif de lutte mis laborieusement en place par la communauté internationale, et notamment l’actualisation des listes noires (…). »
Impossible ici de rendre compte de la richesse des nombreuses autres contributions à ce rapport de 500 pages. On signale simplement, dans la partie Face cachée de la finance, « Corruption, fuite des capitaux et soutenabilité de l’endettement souverain dans les pays en développement », « L’insécurité informatique : un risque financier majeur », et dans la partie Dossiers d’éthique, « Changement climatique : naissance de la finance carbone », « Judaïsme, économie et finance » et un très clair « Islam et finance », particulièrement bienvenu alors que la première banque islamique en Europe a obtenu, en septembre 2004, sa licence auprès de la Bank of England.
Rapport moral sur l’argent dans le monde 2005, édité par l’Association d’économie financière et la Caisse des dépôts, Paris, 504 pages, 30 €.
Sommaire complet sur le site web : http://www.aef.asso.fr
Ariane Poissonnier
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