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29/04/2005
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Les dossiers de presse
Les enjeux de l’eau dans le monde
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(MFI) Plus d’un milliard de personnes sont privées d’eau potable sur la planète. 50 millions d’êtres humains meurent de maladies liées à un mauvais assainissement de l’eau, remettant en cause sa gestion et une consommation excessive de cette ressource naturelle. Dans un numéro récent (février 2005) la revue Alternatives internationales donne le ton et titre « La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? ».
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Une ressource naturelle rare et chère
L’eau douce utilisable ne manque pas sur la Terre, 18 500 litres par jour et par personne, sans compter les eaux souterraines, ni les neiges et les glaces - qui représentent respectivement 30 % et 70 % des ressources totales mais ne sont pas directement exploitables. Pourtant, même les pays industrialisés comme les Etats-Unis connaissent aujourd’hui une pénurie d’eau. Toutes les analyses convergent : au cours des cinquante dernières années, la consommation domestique d’eau a quadruplé et l’accroissement des besoins privés (baignoires, piscines, etc.) est responsable d’un gaspillage aggravé par le mauvais entretien des canalisations. L’industrie n’utilise que 20 % des prélèvements d’eau mais pollue encore terriblement les cours d’eau.
C’est cependant à l’agriculture intensive irriguée qu’il faut imputer la plus grande responsabilité dans l’actuelle pénurie d’eau : 70 % des prélèvements lui sont dus et la pollution des nappes phréatiques par les engrais chimiques est alarmante. L’irrigation des terres mal pratiquée entraîne une salinisation qui rend les sols stériles. Les progrès technologiques tels que le dessalement de l’eau de mer pourront à terme fournir une solution, mais celle-ci a un prix. C’est pourquoi Pierre-Frédéric Tènière-Buchot, économiste et gouverneur mondial du Conseil de l’eau, affirme dans Alternatives internationales : « Nous devons tous payer l’eau plus cher ». Pour lui, l’augmentation du prix de l’eau est une condition d’hygiène, d’environnement et de sécurité.
Accès à l’eau : un choix politique
Faut-il pour autant oublier les populations pauvres qui ne peuvent pas payer la facture de l’eau ? Le Monde Diplomatique, dans son dossier de mars 2005 intitulé « Ruée vers l’or bleu », dénonce la mainmise des compagnies privées sur la distribution de l’eau, notamment dans les villes. D’après cette analyse, les quatre leaders mondiaux de l’eau, dont trois sont français (Veolia, ex-Vivendi, Ondeo, filiale de Suez-Lyonnaise, et la Saur, propriété du groupe Bouygues), se partagent le gâteau du marché de l’eau et cherchent avant tout le profit en augmentant les prix à la consommation, parfois avec la complicité des autorités locales. Le Monde Diplomatique cite de nombreux exemples de privatisations qui ont tourné au fiasco, au détriment des populations les plus pauvres et malgré un cahier des charges précis. En Amérique Latine, Aguas, la filiale de Suez, vient de subir des revers en Bolivie et en Argentine, pour non-respect de ses obligations en matière d’investissements et de qualité de service.
Dans son article « Faut-il avoir peur des privatisations ? », Alternatives internationales propose toutefois une autre lecture de la situation. Reprenant les propos de Veolia Water, elle suggère de ne plus parler de « privatisation de l’eau » mais de « gestion déléguée de service public ». Les entreprises privées n’ont pas pour vocation première de donner « l’accès à l’eau pour tous » ; c’est un choix politique qui doit s’accompagner d’une négociation en amont entre l’opérateur privé et la puissance publique. A celle-ci revient l’application d’une politique de juste répartition du prix de l’eau entre riches et pauvres. Ainsi, au Maroc, le groupe Suez alimente avec succès les bidonvilles de Casablanca.
Une source de conflits
Mais dans la plupart des cas, la situation est loin d’être apaisée. « Les guerres du XXIe siècle auront l’eau pour enjeu », déclarait en 1995 le vice-président de la Banque mondiale, Ismaïl Serageldin, comme le rappelle Alternatives internationales. L’eau génère des conflits dans le monde : Tigre, Euphrate, Jourdain, Nil, ces fleuves sont à la source de crises politiques graves – mais qui n’ont encore jamais abouti à des conflits armés. En revanche la violence s’est déplacée à l’intérieur des Etats. Aux Etats-Unis, les lobbies d’agriculteurs s’affrontent avec les habitants des grandes villes, qui leur reprochent de gaspiller l’eau. De même les partisans de l’importation d’eau du Canada vers les Etats-Unis rencontrent l’opposition d’un grand nombre de citoyens écologistes.
Mais la guerre se fait aussi économique. Le marché de l’eau en bouteille a explosé face au manque d’eau potable dans certains pays. Quatre multinationales – Nestlé, Danone, Coca Cola et Pepsi Cola – détiennent ce marché et forment un véritable oligopole, avec les injustices qui en découlent. L’indienne Vandana Shiva, auteur entre autres de La guerre de l’eau, soutient dans Le Monde diplomatique la cause des femmes pauvres du Kerala, qui accusent Coca Cola d’assécher les nappes phréatiques de cette région de l’Inde. Un combat de David contre Goliath…
Claire Pouly
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