accueilradio  actualités  musique  langue française  presse  pro
radio
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Economie Développement Liste des articles

12/05/2005
Grameen Bank : de la machine à coudre à la méga-entreprise

(MFI) Un jour de 1976, un homme prête un total de 27 dollars à 42 femmes dans un village du Bangladesh : c’est ainsi que les microcrédits ont vu le jour sous leur forme actuelle, à travers la création de la Grameen Bank, destinée à prêter aux plus pauvres et surtout aux femmes.

Fondée au Bangladesh par Muhammad Yunus à la suite de la famine de 1974, la Grameen Bank (grameen signifie village) a pour vocation d’accorder des crédits à ceux qui sont habituellement exclus du système bancaire, c’est-à-dire les plus pauvres jusque-là dépendants des usuriers. Son fondateur était parti du principe qu’une somme minime d’argent – par exemple le montant nécessaire à l’achat d’une machine à coudre servant à confectionner des chemises à vendre – est souvent suffisante pour démarrer ou développer une activité, particulièrement dans les campagnes. Ce modèle du microcrédit a fait depuis lors des émules, aussi bien dans les pays en développement que développés qui connaissent, eux aussi, le chômage et la pauvreté. Lancé en 1976 dans le village de Jobra, le projet a été formalisé en 1983 par une loi spéciale créant officiellement la Grameen Bank, dont le capital appartient à 94 % aux emprunteurs pauvres, le reste étant aux mains du gouvernement.
Selon la dernière étude disponible de la banque, le nombre total des personnes ayant eu recours à des prêts est de 4,21 millions dont 96 % de femmes. La Grameen Bank a 1 393 succursales et travaille dans plus de 50 000 villages à travers le pays. Depuis sa création, elle a déboursé 4,69 milliards de dollars de prêts, avec un taux de remboursement moyen de 98,91 %. Sur un an (mars 2004-février 2005), la Grameen Bank a prêté plus de 454 millions de dollars pour des activités diversifiées qui vont de l’aide au logement aux bourses d’étude en passant par des microprojets dans les télécommunications, les nouvelles technologies, les textiles et les vêtements ou les pêcheries. Sans oublier un programme pour les membres vivant dans la précarité comme les mendiants ou un système d’assurance-vie et de pensions de retraite pour ceux qui n’ont presque rien.

La solidarité, principe de base

Les piliers de la Grameen Bank – qui travaille dans la transparence et ouvre ses comptes à divers audits – sont la solidité et la solidarité des emprunteurs : réunis par cinq en un « groupe », ils sont alors amenés à se soutenir par un système de parrainage et d’entraide. Ils évaluent ensemble la viabilité des projets mais chacun assure le remboursement de son emprunt. Tout d’abord, deux membres sollicitent chacun un crédit. Dès lors que les cinq premières échéances sont remboursées, deux autres membres peuvent à leur tour en solliciter un, puis il en va de même pour le dernier membre. En cinquante échéances, l’emprunteur a amorti le capital emprunté ; puis il faut encore deux échéances pour rembourser les intérêts, qui sont inférieurs aux intérêts classiques et dont les taux sont modulables sur une base décroissante, de 20 % pour les activités qui génèrent des profits à 0 % pour un emprunteur dans la précarité.
Tout cela sans exiger de garanties pour les microcrédits qui sont accordés sans même demander la signature des emprunteurs en bas d’un document juridique. La seule exigence est que l’emprunteur appartienne au groupe de cinq personnes qui se surveillent mutuellement pour que chacun respecte ses engagements, sans être pour autant collectivement responsables du remboursement. Les groupes sont assistés par les équipes de la Grameen Bank qui organisent des réunions hebdomadaires d’information et de conseil, encouragent la constitution d’une épargne et donnent des conseils sur l’hygiène, la santé, l’éducation et la contraception.
La Grameen Bank souligne toutefois qu’elle n’a pas une volonté purement philanthropique et que le profit reste un de ses objectifs et le meilleur moyen de lui assurer une stabilité à long terme. L’un de ses derniers défis est de généraliser l’accès aux télécommunications : sa filiale Grameen Phone permet aux villageois de s’acheter des téléphones cellulaires via des crédits appropriés. Dans la plupart des cas, ce sont des femmes qui achètent ces téléphones et deviennent des « opératrices téléphoniques » : elles louent leur portable aux autres membres du village, permettant l’apparition d’un nouveau marché tout en améliorant la communication à l’intérieur du pays.

Marie Joannidis


Muhammad Yunus, le « père » du microcrédit

(MFI) Souriant mais passionné et parfois ombrageux, toujours en mouvement, Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh, est considéré comme le « père » du microcrédit moderne destiné à aider ceux qui n’ont rien et qui n’intéressent pas les banquiers traditionnels. Partout où il passe, dans les enceintes internationales ou auprès des dirigeants de ce monde, comme le président français Jacques Chirac, il martèle le même message : les pauvres sont souvent plus dignes de crédit que les riches car ils tiennent à rembourser leurs dettes. Et le droit au crédit pour tous doit être reconnu comme un droit fondamental de l’homme.
Né en 1940 à Chittagong, nœud commercial de ce qui était à l’époque le Bengale oriental – le Bangladesh est devenu indépendant du Pakistan en 1971 – Muhammad Yunus était le troisième de quatorze enfants dont cinq sont morts dans l’enfance. Eduqué dans sa ville natale, il a fait des études supérieures aux Etats-Unis et obtient un doctorat à l’université Vanderbilt (Tennessee), grâce à une bourse Fulbright. En 1972, il prend la tête du département de l’Economie à l’université de Chittagong avant de créer et de diriger, à partir de 1976, ce qui deviendra par la suite la Grameen Bank. En 1997, le professeur Yunus est parmi les organisateurs du premier sommet sur le microcrédit à Washington.
Dans son autobiographie, il raconte comment il a pensé au microcrédit dès 1974. Menant ses étudiants dans un village pauvre, ils ont interrogé une femme qui fabriquait des tabourets en bambou et qui était obligée de payer des intermédiaires pour acheter la matière première, ce qui ne lui laissait pratiquement rien pour vivre. Réalisant que les principes économiques qu’il enseignait comportaient des lacunes sérieuses, il a commencé à prêter un peu d’argent à des tresseurs de paniers puis à des femmes pour l’achat de machines à coudre destinées à fabriquer des chemises.
Contre l’avis des banques et du gouvernement, il a continué à donner des microprêts jusqu’à la création officielle de la Grameen Bank, en 1983. « Grameen, souligne-t-il, est un message d’espoir, un programme destiné à mettre au musée l’indigence et l’absence de logis… » Le crédit est le dernier espoir de ceux qui sont confrontés à l’absolue pauvreté, affirme avec force ce banquier hors norme qui a bénéficié de la reconnaissance de la communauté internationale et de nombreuses distinctions honorifiques.

M. J.




retour

Qui sommes nous ?

Nos engagements

Les Filiales

RMC Moyen Orient

Radio Paris-Lisbonne

Delta RFI

RFI Sofia