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27/05/2005
Du microcrédit à la microfinance : quand la pratique fait évoluer les concepts

(MFI) Crédit orienté vers les pauvres et les exclus, peu susceptibles d’accéder à un prêt classique, le microcrédit a, en quelques décennies, évolué vers la microfinance, considérée comme un ensemble de services financiers répondant à des besoins précis et fournis par des institutions très variées.

Qu’y a-t-il de « fondamentalement nouveau avec le microcrédit » ? Pour Maria Nowak, fondatrice de l’Association pour le droit à l’initiative économique (1), « la différence principale, par rapport au crédit classique, est qu’il est orienté sur une cible nouvelle : les pauvres et les exclus. Il reconnaît leurs talents, leurs besoins et leur capacité à rembourser les prêts. Au lieu de les éliminer, par avance, de la clientèle du crédit parce que les méthodes, les critères et les garanties ne sont pas adaptés à leur situation, il invente des méthodes et des garanties qui leur conviennent. Au lieu de leur imposer l’objet de leur prêt, (…) il est à l’écoute de leurs besoins. Il permet ainsi de découvrir que les gens exclus du crédit bancaire sont, comme les autres, dotés de l’esprit d’entreprise, de la capacité de jugement et qu’au surplus, ils remboursent plutôt mieux que les riches. » Microcrédit comme microfinance s’adressent à cette cible nouvelle. Mais l’un et l’autre ne proposent pas les mêmes services.
Il y a ainsi fort à parier que si l’Assemblée générale des Nations unies devait, aujourd’hui, consacrer une nouvelle année internationale à ce thème, elle adopterait le terme de microfinance, et non plus celui de microcrédit comme elle le fit en décembre 1998, quand elle proclama 2005 Année internationale du microcrédit. L’évolution du secteur se traduit en effet dans les mots employés. Schématiquement, la problématique microcrédit s’inscrit dans une logique de création d’activité génératrice de revenus par le bénéficiaire du crédit ; elle demande au fournisseur du prêt un travail d’accompagnement du bénéficiaire. Le coût de ce suivi peut vite augmenter de façon exponentielle et amener l’instance qui fournit le prêt à un mode de fonctionnement sur subventions. Schématiquement toujours, la problématique microfinance s’inscrit dans une logique de fourniture de services financiers à des populations non bancarisées, ces services pouvant être évidemment du crédit et de l’épargne, mais aussi de l’assurance, de la garantie, du transfert d’argent…


Une finance de proximité à la fois géographique et culturelle

Si l’on se place du point de vue des populations cibles, on peut considérer que la logique microcrédit est aujourd’hui plus adaptée aux pays développés, où il peut permettre à des populations n’ayant pas accès au crédit bancaire (mais vivant tout de même dans un certain cadre de protection sociale) de lancer une activité d’auto-emploi et de sortir ainsi de la « trappe du chômage », alors que la logique microfinance rendra davantage service aux populations des pays en développement qui, dans leur immense majorité, n’ont aucun accès au système bancaire. Cependant, dans la pratique, microcrédit et microfinance se sont mêlés et se mêlent encore au sein des structures qui les pratiquent. D’autant que le concept s’est élaboré progressivement depuis la fin des années soixante, à partir du crédit ciblé des projets de développement agricoles – dans lequel, rappelle Maria Nowak, « c’étaient les agronomes vulgarisateurs qui définissaient l’objet et le montant du prêt » – et des programmes de financement des micro-entreprises, en Amérique latine notamment.
« On parlait autrefois, souligne Michel Lelart (CNRS-Université d’Orléans), membre du Réseau Entrepreneuriat de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de finance informelle, qui reposait sur des relations directes entre les personnes, et qui consistait plutôt à épargner. La microfinance met en jeu des institutions qui s’interposent entre les prêteurs et les emprunteurs (les IMF) et se développe maintenant partout. » De fait, la microfinance est présente à la ville comme à la campagne, pratiquement dans tous les pays en voie de développement, mais aussi en Europe centrale, et de plus en plus, sous des formules proches, dans les pays du Nord où on parle davantage de finance solidaire. « Alors que la microfinance repose sur le lien social et s’en sert, précise le chercheur, la finance solidaire tend à le reconstruire. La microfinance est une finance de proximité, proximité géographique bien sûr, car les personnes se connaissent et se cautionnent parfois mutuellement, mais surtout culturelle. Elle est toujours adaptée aux besoins, c’est pourquoi elle innove en permanence : ce sont des services d’assurance (…), ce sont aussi les services de transferts de fonds utilisés par les migrants. »


Un moyen d’action, pas une panacée

« La microfinance, précise pour sa part le Bureau international du travail (2), est un moyen d’action, pas une panacée. Son impact est optimal lorsqu’elle est associée à d’autres interventions telles que les politiques monétaires, budgétaires et du travail, le développement des marchés, l’amélioration de l’infrastructure institutionnelle et la mise en valeur des ressources humaines. » « Les institutions de microfinance sont très diverses », souligne encore Michel Lelart. Les unes sont de véritables institutions financières ou en sont proches : ce sont des banques qui se sont lancées dans le microcrédit, des coopératives ou des mutuelles, des caisses villageoises… Les autres sont des programmes d’appui, gérés et financés par des ONG locales ou étrangères, pour lesquelles le crédit vient en complément d’une action en faveur des micro-entreprises, des femmes, des artisans… « Ces catégories elles-mêmes ne sont pas homogènes (…). Il n’existe pas de modèle unique d’institution de microfinance, et pas davantage de modèle idéal. »

Ariane Poissonnier


(1) Maria Nowak, On ne prête (pas) qu’aux riches, JC Lattès, 2005.
(2) BIT, Microfinance et travail décent, GB.292/ESP/4 Genève, mars 2005.

Pour en savoir plus : Portail de la microfinance : http://www.lamicrofinance.org




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