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17/06/2005
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Développement de l’Afrique : 2005, « fenêtre de tir »
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(MFI) Le Centre de développement de l’OCDE et la Banque africaine de développement ont organisé à Paris, le 6 juin 2005, le 5e Forum international sur les perspectives africaines. Principal message de la rencontre : 2004 a été une année exceptionnelle en terme de croissance, et il faut saisir l’opportunité que 2005 représente : l’Afrique ne pourra atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement qu’avec une impulsion supplémentaire de sa part comme de celle de ses partenaires au développement.
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« Voilà longtemps que les performances n’avaient pas été aussi favorables pour une grande partie de l’Afrique. Les Perspectives économiques en Afrique 2004-2005 constatent notamment que les performances de nombreux pays se sont redressées en 2004, sous l’effet de l’envolée des cours des matières premières, du relèvement du niveau de l’aide et de la poursuite de l’amélioration de la gestion macro-économique. » La préface de la quatrième édition des Perspectives économiques en Afrique, parue au mois de mai, a donné le ton du 5e Forum international organisé à Paris par le Centre de développement de l’OCDE et la Banque africaine de développement (BAD), également co-éditeurs de ce rapport qui couvre désormais 29 pays d’Afrique représentant 85 % de sa population et 90 % de sa production.
Si le ton général était à l’optimisme, c’est, estime Omar Kabbaj, parce que « l’Afrique est peut-être en train de traverser l’une des périodes les plus favorables de son histoire récente, marquée par une conjonction intéressante de facteurs. » Parmi ceux-ci, le président de la BAD note « le fait que les armes se sont tues dans beaucoup de pays par rapport à il y a dix ans ; les progrès réalisés dans l’implantation d’institutions démocratiques ; le redressement économique remarquable d’un nombre croissant de pays africains ; la dynamique nouvelle imprimée à l’initiative du Nepad ; la mobilisation internationale en faveur du développement – le prochain sommet du G8 devrait examiner les principales recommandations de la Commission pour l’Afrique telles que le doublement de l’APD en faveur de l’Afrique et un allégement de la dette de 100 % ; et, enfin, la hausse des cours du pétrole et de plusieurs minerais, ce qui procure des bénéfices exceptionnels dont nous encourageons les pays à mettre une bonne part de côté. »
Accroître la part budgétaire de l’aide publique au développement
Résultat : la croissance des économies africaines en 2004 a atteint « +5,1 %, le chiffre le plus élevé depuis 1996 », a souligné Henock Kifle, économiste en chef de la BAD, chiffre qui « hors Afrique du Nord et hors Afrique du Sud monte à +5,4 % ». Les performances du PIB 2004 varient en fonction des zones : +4,6 % en Afrique du Nord, +3,4 % en Afrique de l’Ouest, +14,4 % en Afrique centrale, +6,8 % en Afrique de l’Est et +4 % en Afrique australe. Si le pétrole entre pour une bonne part dans la performance générale (+6,1 % de croissance pour les pays producteurs), les pays non producteurs se sont bien comportés, la croissance de leur production s’établissant en moyenne à 4,4 % en 2004. A noter également, les planchers historiques atteint par l’inflation en 2004 et l’amélioration du solde budgétaire moyen du continent, le critère « pétrole » faisant ici davantage effet : l’excédent budgétaire des pays producteurs a atteint 2,4 % du PIB en 2004, le déficit budgétaire moyen des non producteurs atteignant 3 % du PIB.
Pour autant, « est-ce vraiment une croissance de qualité, qui permet de faire des plans à long terme ? », s’est interrogé le Malien Soumaïla Cissé. Le président de la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a appelé de ses vœux « une impulsion nouvelle », nécessaire pour renforcer les capacités africaines et combler « l’absence de masse critique de talents ». Pour ce faire, il propose notamment de « régionaliser l’enseignement supérieur et de considérer l’éducation comme un investissement ». Soumaïla Cissé souhaite également un renforcement de la gouvernance, notamment en matière d’élections, proposant en la matière « le renforcement des administrations », les élections étant « une affaire professionnelle » pour laquelle il ne croit pas à l’efficacité des commissions indépendantes. Sur un plan plus strictement économique, il propose d’accélérer la diversification des économies africaines, d’accroître le taux de transformation des matières premières, d’améliorer la maîtrise de l’eau « pour cesser de dépendre de la pluviométrie » et, surtout, de favoriser une croissance tirée par le secteur privée, en renforçant le partenariat public/privé. Enfin, pour améliorer l’efficacité de l’aide internationale à l’Afrique, il suggère d’en accroître la part budgétaire (par opposition à l’aide-projet) et d’en établir le calendrier en fonction des besoins des bénéficiaires et non des impératifs des donateurs…
« Un certain espoir que les choses vont se faire »
Sur ce dernier point, il a été rejoint par Athanassios Théodorakis, qui a indiqué que 30 % de l’aide européenne était déjà délivrée sous forme d’appui budgétaire, et que ce pourcentage allait passer à 40 % après le 9e FED. Le directeur général adjoint de la Direction du développement de la Commission européenne a indiqué également que 50 % de l’augmentation de l’aide publique au développement (APD) était destinée à l’Afrique. L’Union européenne, « consciente de sa responsabilité partagée » dans le développement du continent, a en effet récemment décidé de porter son effort à 0,51 % du PIB en 2010, soit une augmentation de 20 milliards de dollars. « Les résultats sont encourageants mais la situation est préoccupante, a insisté M. Théodorakis, car les Objectifs du Millénaire pour le développement ne seront pas atteints si rien de significatif n’est fait ; c’est pourquoi l’offre de la Commission est d’établir avec l’Afrique un partenariat spécial pour les dix ans à venir. » Seuls six pays du continent – en Afrique du Nord pour l’essentiel – devraient, en l’état actuel des choses, parvenir à réduire de moitié d’ici 2015 le nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour. D’où l’importance du prochain G8 en juillet en Ecosse, où plusieurs initiatives en faveur du développement de l’Afrique seront examinées. « Je ne suis pas optimiste béatement, a précisé à ce propos Omar Kabbaj le 6 juin, mais j’ai quand même un certain espoir que les choses vont se faire. »
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Ariane Poissonnier
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