|
|
24/06/2005
|
Inica : dépasser les frontières pour développer l’Afrique centrale
|
(MFI) Les 13 et 14 juillet prochains, un atelier consacré à l’impact de l’industrie pétrolière est organisé à Brazzaville (Congo) par l’Initiative pour l’Afrique centrale (Inica, selon son acronyme anglais). Cet atelier illustre parfaitement les méthodes de travail adoptées par ce facilitateur du développement : instituer un nouveau mode de coopération autour d’enjeux régionaux, d’une part en favorisant les initiatives transfrontalières et les acteurs porteurs de changement, d’autre part en élaborant des outils adaptés aux contextes locaux.
|
Peu de temps avant de quitter la direction du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, fin 2003, Jacqueline Damon expliquait déjà son attachement aux dynamiques transfrontalières : « La coopération est aujourd’hui essentiellement gérée autour de la notion d’Etat nation. Idée selon laquelle l’Etat est l’unité décisionnaire non seulement de gouvernance mais aussi de développement. Or cette vision efface complètement les importantes dynamiques transfrontalières qui structurent les échanges économiques et commerciaux dans un pays. » (1) C’est forte de cette conviction que Jacqueline Damon a œuvré pour créer, en s’inspirant de ce qu’est le Club du Sahel au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), un programme adapté aux conditions en Afrique centrale : ce sera l’Initiative pour l’Afrique centrale – Inica, selon son acronyme anglais –, pilotée par l’économiste américaine (qui s’exprime parfaitement en français !).
Ancien fonctionnaire de l’US-AID, Jacqueline Damon a également travaillé en Afrique de l’Ouest pour le Fonds monétaire international et en Afrique centrale pour la Banque mondiale. C’est donc armée d’une indéniable expérience de terrain qu’elle plaide pour ce nouvel « espace de dialogue et d’action bâti autour des acteurs porteurs d’initiatives transfrontalières de paix et de développement en Afrique centrale : société civile, secteur privé, églises, universités, ONG, autorités locales et nationales, institutions régionales et bailleurs de fonds. » Inica, précise encore son site internet (2), « n’est ni un nouveau bailleur de fonds, ni un nouveau pourvoyeur d’assistance technique ou une nouvelle agence d’aide (…) mais un réseau ouvert à la collaboration entre individus. (…) Chaque individu est une source de savoir. C’est pourquoi Inica souhaite capitaliser leurs expériences et leur savoir-faire afin de contribuer au développement de l’Afrique centrale. »
Le secteur informel, « généralement à l’avant-garde des dynamiques transfrontalières »
« Nous avons une approche spatiale et pluridisciplinaire, explique Jacqueline Damon. Et la volonté de comprendre les dynamiques du terrain. Si vous regardez une carte de la population de la République démocratique du Congo, vous voyez parfaitement que la majorité de celle-ci habite près d’une frontière. Les synergies économiques se font le plus souvent avec les villes de l’autre côté de celle-ci ! C’est pourquoi nous souhaitons forger des partenariats tripartites, dans lesquels les acteurs des secteurs privé et associatif rejoignent ceux du secteur public. Les acteurs privés, habitués au concret, fonctionnent dans des schémas transfrontaliers s’il y a un intérêt économique, ce qui est le plus souvent le cas. Les Etats, malgré leurs déclarations officielles sur l’intégration régionale, ont plus de mal à la pratiquer réellement. Enfin les ONG, à l’exception de quelques unes comme Oxfam ou Human Rights Watch, ont également du mal à travailler en transfrontalier, par bassin de population et/ou d’activité, car elles sont souvent sous-traitantes du public. En outre, ces trois types d’acteurs ont des agendas qui ne se recoupent pas toujours. »
Inica s’appuie donc sur les acteurs locaux pour identifier les problèmes et les solutions et faire remonter l’information aux autorités. Et prend en compte la montée en puissance des acteurs du secteur informel, « généralement à l’avant-garde des dynamiques transfrontalières (négatives et positives) souvent ignorées par les processus formels » (2). On a longtemps stigmatisé le secteur informel, en cherchant à tout prix à l’intégrer au secteur formel. « Mais aujourd’hui, affirme l’économiste, on est conscient que le secteur formel participe à la redistribution des richesses entre les élites, et est souvent déconnecté du développement à la base ! Il y a nécessité de trouver une solution hybride, basée sur la vitalité du secteur informel mais qui en génère les résultats à une échelle bien plus grande. »
Peu à peu, grâce au travail de structures comme Inica – qui collabore étroitement avec la Commission économique pour l’Afrique, le Centre de développement de l’OCDE et l’Union africaine –, les mentalités évoluent, y compris chez les bailleurs. « D’un côté, souligne Jacqueline Damon, les bailleurs sont réticents à l’idée de se retrouver face à des pays rassemblés dans un pôle régional : la négociation sera plus complexe que dans un cadre bilatéral. D’un autre côté, quand les évaluations montrent le peu d’aide qui arrive effectivement sur le terrain, non pas uniquement à cause de la corruption, mais aussi parce que les schémas conçus à Paris ou Washington se révèlent inadaptés, les bailleurs cherchent une amélioration et sont prêts à évoluer. »
Ariane Poissonnier
(1) « Le développement n’est pas une question d’argent », entretien avec D. Cadasse, 23 octobre 2003, http://www.afrik.com/article6710.html
(2) http://www.inica.org
Le pétrole, mais aussi l’agriculture ou l’artisanat minier
(MFI) L’atelier organisé les 13 et 14 juillet 2005 à Brazzaville rassemble des représentants des gouvernements, des entreprises pétrolières, des groupes de la société civile, des entrepreneurs locaux… pour un échange de renseignements concrets, un véritable partage d’expériences. Alors que le poids des recettes pétrolières est souvent considérable dans les revenus budgétaires (60 % des recettes de l’Etat en Guinée équatoriale, 80 % au Congo et jusqu’à 90 % en Angola), la contribution des industries pétrolières au développement des pays exportateurs a été faible, voire négative jusqu’à présent. Notamment parce que ces industries présentent peu d’opportunités de sous-traitance pour les entreprises locales et ont ainsi « un rôle d’éviction des secteurs d’activité économique hors pétrole ». En outre, l’augmentation des coûts d’exploitation pourrait amener à une diminution des rentrées fiscales. Dans ces circonstances, il est particulièrement important d’explorer toutes les pistes possibles, afin de ne pas répéter les erreurs ou au contraire de répliquer les réussites de voisins dans la même situation !
Un atelier du même type a été organisé en 2004 pour l’artisanat minier, et ses participants continuent à échanger sur le réseau d’Inica ; un atelier de suivi doit avoir lieu en septembre 2005. En novembre 2005, une rencontre réunira les producteurs agricoles de la RDC et les commerçants camerounais impliqués de part et d’autre dans les filières huile de palme, courge et banane plantain. Les uns et les autres auront ainsi une meilleure connaissance du fonctionnement des réseaux de commercialisation, des mode de négociation et des contraintes dans ces filières.
A. P.
|
|
|
|