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02/09/2005
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La bataille du rail africain
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(MFI) L’Afrique accuse toujours un retard énorme sur le plan des infrastructures, qui sont cependant une des priorités de l’ambitieux Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique (Nepad) qu’affirment soutenir les principaux bailleurs de fonds. Elle n’a toujours pas réussi à mobiliser un soutien international suffisant pour la rénovation de son système de chemins de fer, jugé pourtant essentiel par de nombreux experts tant sur le plan économique et commercial que pour la protection de son environnement.
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La Banque mondiale, qui participe depuis plusieurs années au financement de nombreux projets de privatisation ou de mise en concession de compagnies ferroviaires en Afrique, consacre davantage de fonds… aux routes et à la réhabilitation des ports et des aéroports africains qu’au rail, qui nécessite des investissements très lourds. D’autant que de nombreux pays africains, déjà en proie à des difficultés économiques, ont du mal à assurer seuls le maintien de lignes de chemin de fer en bon état.
Récemment, le Bénin et le Niger ont décidé de se désengager de la gestion du chemin de fer qui relie Cotonou à Parakou, dont les voies ferrées manquent d’entretien et dont bon nombre de locomotives sont hors d’usage. Ils ont lancé un appel d’offre international afin de concéder, pour une durée initiale de vingt-cinq ans, l’exploitation de cette ligne et de ses dépendances commerciales au Niger. Longue de 600 km, elle avait été construite dans le cadre des grands projets ferroviaires de l’ex-Afrique occidentale française (Dakar/Niger et Abidjan/Niger). Mais l’Office du chemin de fer Bénin-Niger ne transportait plus que 60 000 tonnes de marchandises par an au lieu des 120 000 tonnes prévues.
La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso avaient été, en la matière, des précurseurs : l’attribution d’une franchise avait transféré à une société privée la responsabilité de l’exploitation des chemins de fer des deux pays. Ce partenariat public-privé a arrêté le déclin amorcé dans les années quatre-vingt, et l’exemple avait été suivi par de nombreux autres pays.
Les instances internationales encouragent une « synergie ferroviaire »
L’Union internationale des chemins de fer (UIC), qui fait campagne à travers le monde en faveur du rail, cherche à présent à renforcer sa coopération avec l’Union africaine des chemins de fer (UAC). Objectif : développer des actions communes afin que le chemin de fer puisse jouer son rôle dans le développement économique du continent. Institution spécialisée de l’Union africaine, l’UAC a par exemple créé, début juin 2005, un groupe sous-régional pour l’Afrique centrale, lors d’une réunion à Pointe-Noire (Congo Brazzaville). Cette création vise à encourager des actions de coopération ferroviaire entre les pays concernés – Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, République centrafricaine et Guinée Equatoriale. Les principaux organes de l’UAC ont décidé de créer « une véritable synergie ferroviaire au niveau régional et continental » en collaboration avec le Nepad et l’Union africaine.
L’UAC devrait aussi mettre en place, début 2006, un groupe de médecins des chemins de fer qui s’attacheraient au problème de prévention et de lutte contre le sida et le paludisme. L’UIC collabore également avec l’Onu pour combattre le fléau du HIV/sida dont la propagation est favorisée par le transport routier ou ferroviaire, ainsi qu’avec la Banque mondiale.
Une gestion plus complexe que celle des routes
L’UIC est en contact avec l’Union européenne, dont les experts estiment que les chemins de fer constituent « le moyen de transport le mieux adapté pour le déplacement de gros volumes sur de longues distances », se prêtant particulièrement bien au transport de marchandises à destination et en provenance des pays enclavés d’Afrique. Ils admettent cependant que les chemins de fer ont des coûts de construction et d’équipement élevés et requièrent une gestion plus complexe que celle des routes. En effet le coût relatif du transport routier a diminué au cours des vingt dernières années alors que, dans le même temps, les services ferroviaires se sont détériorés. Ce qui a eu comme résultat le transfert d’une grande partie du trafic – et donc des recettes – du rail vers la route.
De grands projets sont cependant à l’étude tels que le rail ouest-africain, qui implique l’interconnexion des réseaux sur plus de 7 200 km entre le Nigeria et le Sénégal, en passant notamment par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Guinée et le Sénégal, et dont le coût s’élèverait à 3 milliards de dollars. Ou encore le rail trans-Afrique portant sur 8 000 km entre l’Afrique du Sud et le Tchad à travers, notamment, la Namibie, l’Angola et le Cameroun. En Angola, le principal problème est le déminage des voies ferrées.
La compagnie des chemins de fer sud-africaine Spoornet, qui possède une technologie avancée pouvant rivaliser avec celles des sociétés occidentales, détient déjà des parts dans la plupart des sociétés mises en concession à travers le continent. Elle est toutefois concurrencée par de nouveaux venus comme la Chine ou l’Inde, qui rivalisent en matière d’infrastructures dans les pays producteurs de pétrole (Soudan, Angola) mais pas seulement.
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Marie Joannidis
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