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16/09/2005
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Rapport 2005 de la Cnuced : une croissance menacée
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(MFI) La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement vient de rendre public son rapport 2005, sous-titré Nouvelles caractéristiques de l’interdépendance. Bien que de nouveaux pôles de dynamisme – Asie de l’Est et du Sud, autour de la Chine et de l’Inde – sont apparus, la croissance mondiale est menacée par des déséquilibres allant s’accentuant. Les pays en développement devraient, estiment les experts de la Cnuced, davantage se concerter.
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Il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles dans l’édition 2005 du Rapport sur le commerce et le développement rendu public le 2 septembre par la Cnuced, dont l’ancien directeur de l’Organisation mondiale du commerce, le Thaïlandais Supachaï Panitchpakdi, est devenu le secrétaire général le 1er septembre. Côté bonnes nouvelles, soulignent les auteurs du rapport, les pays en développement ont connu en 2004 une croissance « plus rapide et plus générale qu’elle ne l’avait été depuis bien des années ». L’Amérique latine est sortie de sa grave crise économique, l’Afrique a connu une croissance dépassant 4,5 % tandis qu’en Chine et en Inde, qui comptent le plus grand nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue, « le revenu par habitant a poursuivi sa forte progression ». La croissance des deux géants asiatiques a eu des effets d’entraînement sur beaucoup d’autres pays en développement, et a « modifié la physionomie de l’interdépendance mondiale, avec notamment une amélioration des perspectives pour les exportateurs de produits primaires », l’augmentation du commerce Sud-Sud mais aussi « une intensification de la concurrence sur les marchés mondiaux pour certains types d’articles manufacturés ».
Côté mauvaises nouvelles, le rapport rappelle que « même avec des taux proches de 5 % en Afrique subsaharienne, la croissance ne sera pas suffisante » pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement ; en outre, les perspectives pour 2005 sont « assombries par des déséquilibres mondiaux qui vont s’accentuant » et laissent « présager un ralentissement dans les pays développés qui se répercutera sur les pays en développement ». Un essoufflement a d’ores et déjà été constaté au premier semestre 2005 dans les principaux pays développés et, surtout, « la faiblesse temporaire de l’économie des Etats-Unis n’a pas été contrebalancée par un raffermissement de la croissance dans la zone euro ni au Japon », ces derniers n’ayant pas réussi « à réactiver leur demande intérieure ».
Malgré la baisse du dollar, le déficit commercial des Etats-Unis a continué à se creuser
Autre cause d’inquiétude, selon la Cnuced : la hausse des prix du pétrole – le rapport se base sur le baril à 58 dollars de juillet 2005 ; or il a atteint fin août 70 dollars… Si elle n’a pas (encore) eu les répercussions redoutées dans les pays développés, cette flambée « a un effet plus marqué sur les pays en développement importateurs de ce produit, en particulier ceux où l’industrialisation a aggravé la dépendance à l’égard du pétrole étranger. » Mais pour la Cnuced, les déséquilibres qui menacent le plus la stabilité de la croissance mondiale sont ceux des opérations courantes, à commencer par le déficit commercial des Etats-Unis, qui « a continué à se creuser malgré la dépréciation du dollar qui a perdu 18 % de sa valeur depuis février 2002 », alors que « leur déficit courant représente plus des deux tiers du total des excédents mondiaux ».
Depuis 2002, la remontée des cours des produits de base est due principalement à la vigueur de la demande en Asie de l’Est et du Sud, devenues grâce à l’Inde et la Chine de « nouveaux pôles de dynamisme mondial ». Pour autant, souligne la Cnuced, et alors même que la demande asiatique de produits de base devrait « rester active », il est « peu probable que l’augmentation des importations de la Chine et de l’Inde suffise à inverser la tendance à la baisse des prix réels », qui restent inférieurs de plus d’un tiers à la moyenne de la période 1960-1985. D’autant moins probable que les pays développés, qui captent encore les deux tiers des importations mondiales de produits primaires (hors combustibles) « continueront à occuper une place importante » sur les marchés des produits de base. C’est pourquoi, insiste la Cnuced, les pays en développement exportateurs de produits de base ne doivent pas tomber « dans un excès d’optimisme quant à leurs perspectives d’industrialisation et de diversification ». La manne que représente la hausse des recettes en provenance de ces exportations doit surtout permettre « d’intensifier l’investissement dans les infrastructures et dans les capacités productives, deux domaines essentiels pour stimuler le développement ».
La « course à l’abîme » des pays pauvres pour attirer les investissements étrangers
Mais attention, souligne la Cnuced, la question du partage des recettes d’exportation provenant des industries extractives se pose avec de plus en plus d’acuité. Elle dénonce comme « une course à l’abîme » la concurrence entre pays en développement pour attirer les investissements directs étrangers (IDE) par des mesures fiscales d’incitation, course qui peut finir par réduire dramatiquement les revenus qu’un Etat tire de l’exploitation de ressources par définition non renouvelables. Quand un Etat a fait des conditions trop favorables à l’investisseur étranger, c’est celui-ci qui tire la majeure partie des bénéfices et non la population locale.
La Cnuced s’attarde ainsi sur le cas du Tchad qui, en 2004, n’a perçu que 2 dollars par baril de pétrole exporté – alors que le cours annuel moyen du brut a été d’environ 38 dollars… Il peut donc être indiqué de revoir les règles régissant la fiscalité et l’actionnariat (dans les pays où le capital des sociétés d’exploitation est sous contrôle public, la rente est mieux partagée) ; ce réexamen est en cours dans plusieurs pays d’Amérique latine ou d’Asie centrale, pas encore en Afrique. Mais il pourrait être plus efficace, suggère la Cnuced, si les pays exportateurs de pétrole et de minéraux « s’entendaient sur la définition de quelques principes généraux quant au traitement fiscal réservé aux investisseurs étrangers ».
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Ariane Poissonnier
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