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17/02/2006
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Mexico 2006 : la coopération française dans le domaine de l’eau
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(MFI) La France est engagée depuis longtemps dans une coopération multiforme avec les pays en développement, en particulier africains, pour favoriser l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de ceux qui en sont encore privés. Elle utilise pour cela l’aide bilatérale et multilatérale mais aussi la connaissance du terrain des ONG et l’expertise de sociétés spécialisées.
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Elle est un des premiers bailleurs de fonds du secteur, y consacrant 268 millions d’euros par an en aide bilatérale et 100 millions par an en aide multilatérale. Paris s’est aussi engagé à donner 180 millions d’euros par an supplémentaires dès 2009, principalement en Afrique. La France a placé l’eau au cœur des priorités du G8 et a fait adopter un plan d’action pour l’eau (Evian 2003), reprenant en particulier les recommandations du rapport Camdessus Financer l’eau pour tous. Elle s’est aussi engagée à soutenir les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en doublant son aide dans le secteur de l’eau, en particulier en Afrique. Dans ce cadre, elle a organisé en 2005 avec la Banque africaine de développement (BAD) une conférence internationale pour l’accès à l’eau et l’assainissement en Afrique rurale.
Redéploiements et diversification des outils financiers
L’augmentation des financements résultera, selon un rapport du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) sur l’eau et l’assainissement, publié en février 2005, d’une ouverture de crédits supplémentaires, de redéploiements et d’une diversification des outils financiers dont par exemple la possibilité pour l’Agence française de développement (AFD) de proposer de l’assistance technique dans des Pays à revenu intermédiaire ou de faire des prêts dans les Pays moins avancés (PMA). L’AFD, qui a été renforcée dans le rôle d’opérateur pivot de la coopération française, contribuera significativement au doublement de l’APD du secteur. Une meilleure capacité d’intervention pourrait découler de la possibilité d’une bonification de prêts accrue pour des projets de gestion des ressources (épuration, économie d’eau en irrigation, protection des bassins amont, notamment dans le pourtour méditerranéen). Sont également envisagées des subventions pour des branchements sociaux et la mise en place d’organismes de bassin ainsi que la prise en compte de l’eau dans les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) afin que les Contrats de désendettement et de développement (C2D) puissent financer le secteur.
Parmi les objectifs de l’aide française figurent le financement dans quelques pays cibles des plans de ressources en eau et de gestion efficace : il pourrait s’agir des pays riverains des quatre fleuves internationaux prioritaires – le Sénégal, le Nil, le Niger et le Mékong. La France s’est en effet engagée à promouvoir la gestion intégrée des ressources, en particulier en Afrique, avec la création le 26 avril 2004 du Partenariat international pour le bassin du Niger.
Pour un observatoire mondial de l’eau
Un calcul indicatif fait sur 58 projets approuvés par le Conseil de surveillance de l’AFD pour la période 2001-2003 a montré que ceux-ci représentaient 771 000 nouveaux accès à l’eau par an et à 245 000 nouveaux accès par an à l'assainissement (respectivement 707 000 et 241 000 en Afrique), ce qui correspondrait à un coût de 192 dollars par habitant en Afrique. Le président Jacques Chirac a par ailleurs plaidé auprès de la communauté internationale en faveur d’un observatoire mondial de l’eau, chargé de suivre la réalisation des objectifs du Sommet de Johannesburg sur le développement durable. Les questions de suivi, d’évaluation et de diffusion des informations sont perçues à Paris comme une clé essentielle pour mesurer le chemin parcouru et celui qui reste à faire afin d’atteindre les OMD. Parallèlement, les moyens des ONG et des collectivités locales et agences de l’eau françaises ont été renforcés grâce notamment à une loi relative à la coopération internationale les concernant, adoptée le 27 janvier 2005.
Faciliter l’accès à l’eau et à l’assainissement en Afrique d’ici 2015
L’augmentation de l’aide sera orientée en priorité vers l’assainissement, sans réduire pour autant l’effort sur l’accès à l’eau potable mais aussi vers l’accès aux services des populations défavorisées, en milieu rural, semi-urbain et urbain, sur la gestion des ressources en eau tels que l’épuration et les économies d’eau et l’accroissement des crédits d’études pour anticiper la préparation des nouveaux projets. La France s’est enfin fixée l’objectif de faciliter l’accès à l’eau et à l’assainissement à neuf millions de personnes en Afrique d’ici 2015, et a décidé de renforcer aussi bien la coordination des acteurs de l’aide publique, au niveau national, grâce à la mise en place d’un groupe de suivi de la présente stratégie, et sa participation internationale à tous les niveaux. Dans le cadre du « Partenariat français pour Mexico », qui rassemble des représentants de ministères, d’établissements publics, de collectivités locales, d’entreprises, d’ONG et d’experts techniques, la France doit animer au prochain Forum mondial des sessions thématiques en collaboration avec de nombreux pays et organisations.
Marie Joannidis
Jean-Michel Severino (AFD)
« L’eau est une priorité qui concerne tous les grands bailleurs de fonds »
(MFI) Le Directeur général de l’Agence française de développement (AFD) explique le principal enjeu du 4e Forum mondial de l’eau de Mexico : faire avancer les consensus à propos de la commercialisation de l’eau en surmontant les divergences actuelles. Les enjeux sont donc énormes.
MFI : Qu’attendez-vous de Mexico ?
Jean-Michel Severino : D’abord, des réunions pour comprendre l’état des réflexions dans la profession et échanger avec tous les acteurs – industriels, bailleurs de fonds, usagers, gouvernements étrangers. Ce qui est important pour nous, c’est d’arriver à dégager des consensus sur les problématiques de tarification. Qu’est-ce qu’il faut faire payer, quand, comment ? Qu’est-ce qui est juste et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Parce que la tarification reste un des sujets sur lesquels la communauté internationale a le plus de divergences. Nous n’avons pas une vision systématique de la question car il s’agit de réalités excessivement variables. Il y a des systèmes décentralisés de gestion de l’eau qui ne sont pas entre les mains des municipalités et dans lesquels des gens extrêmement pauvres contribuent financièrement. Ces systèmes deviennent soutenables aussi à cause de cela. Et puis, il y a des situations dans lesquelles ce n’est absolument pas possible.
Y a-t-il une règle unique pour la tarification ?
Ne pas tarifer le premier mètre cube de consommation est une solution. Elle n’est pas forcément la seule. Les promoteurs de la gratuité ignorent simplement deux choses, la rareté de l'eau utilisable et la solidarité par les tarifs. Une autre alternative serait d’établir des quotas, faire des rationnements, mais cela a permis à des gouvernements de s’enrichir avec la corruption liée à la gestion des quotas. D’une manière ou d’une autre, le coût économique est très élevé. En fait, ce n’est pas parce qu’on officialise un tarif que l’on dégrade le service de l’eau et que l’on n’abaisse pas le coût de l’eau pour les bénéficiaires. Mais de nombreux autres points sont au menu de Mexico, notamment la question des modes de répartition de la ressource entre ses différents usages, un sujet politique important.
Est-ce que les choses ont progressé depuis trois ans et le Forum de Kyoto ?
Ma perception était trop optimiste. Le rapport Camdessus sur le financement de l’eau, qui était un énorme progrès et qui reste un cadre de référence, a été mal vu et assez rapidement biaisé. Au fond, nous n’avons pas véritablement trouvé de consensus. Et un des enjeux de Mexico est de le faire progresser.
Est-ce que la ressource est suffisante face à l’augmentation des populations et des besoins ?
Si on parle de la ressource mondiale, on peut dire qu’il y a péril. Mais la situation est extrêmement variable selon les régions. En zone méditerranéenne, le péril est très grand… En Afrique, la situation est disparate. Certaines zones sont très arrosées, d’autres extrêmement sèches. On ne peut pas faire de moyenne. Mais partout, il y a des problèmes : du fait de la rareté ou de l’abondance. Il y a aussi des problèmes de gestion… Partout, l’eau a un coût de production. Et toute la question est de savoir comment on finance celui-ci. Dans certains pays, il peut s’ajouter une prime de rareté qui oblige à surenchérir sur le prix pour tenir compte du fait qu’il n’y a tout simplement pas de ressource et que les alternatives – de la désalinisation à la construction de très grands ouvrages d’art – représentent des coût additionnels conséquents. Dans les zones pauvres où il n’y a pas de système d’adduction d’eau, et où il s’agit d’en introduire en tarifant cette eau, ce qu’on oublie souvent, c’est que ces mêmes pauvres boivent, et que cette eau, ils la payent excessivement cher : soit en l’achetant à des puisatiers, des revendeurs du marché informel, soit en temps de travail – parce qu’ils mettent des heures à la transporter, un coût énorme pour ces familles.
Que fait l’AFD en matière d’eau ?
Quand on ajoute le financement à tout ce qui est production, la filière, la gestion des bassins versants, jusqu’à l’assainissement liquide, en passant bien sûr par le transport et la distribution, cet agenda de l'eau représente le quart de notre actif à l'étranger, de l'ordre de 150 à 200 millions d'euros. En Afrique, nous sommes vraiment présents sur toutes les dimensions de cet agenda : dans les parties agricoles, environnementales, dans les usages hydrauliques lourds – infrastructures des transports de l’eau, mécanismes de distribution –, que ce soit en financement des sociétés publiques, privées ou de formes très communautaires de distribution de l’eau. Nous sommes également présents sur le plan de l’assainissement. L’eau est une priorité qui concerne tous les grands bailleurs de fonds et représente une partie importante de leurs financements. Ceci dit, on ne fait jamais assez car les besoins sont gigantesques et entrent en concurrence avec beaucoup d’autres. La question de la répartition de l’usage de l’eau est importante car il faut éviter les gaspillages.
Quelle solution pour l’Afrique ?
Tarifier l’eau n’a rien à voir avec la gestion privée. Le partenariat privé-public est une bonne solution quand les régies publiques de l’eau sont dans un tel état de déliquescence, comme d’ailleurs toutes les entreprises publiques africaines, qu’on a intérêt à développer des alternatives de gestion privée. Une régie des eaux municipales est exactement dans la même situation devant la tarification qu’une entreprise privée. Il lui faut de l’argent pour payer les salariés, les investissements et assurer le maintien des installations. Les investisseurs privés ne viennent pas en Afrique en particulier parce que les conditions d’exploitation sont très difficiles. Progressivement, les mentalités évoluent, cela va très lentement. Nous avons à la fois des réussites comme au Gabon et en Côte d’Ivoire, et des échecs complets : c’est par exemple le cas au Mali sur la gestion privée des réseaux de grandes villes. Il y a un historique très contrasté.
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Propos recueillis par Marie Joannidis
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