(MFI) A la recherche de nouveaux moyens de prévention des crises financières, le Fonds monétaire international étudie la création d’un cadre juridique permettant à un pays en difficulté de restructurer « calmement » ses dettes, sans… déposer le bilan.
L’Américaine Anne Krueger, nouveau directeur général adjoint du Fonds monétaire international(FMI), a relancé au dernier trimestre 2001 les études visant à combler un vide dans le dispositif juridique international. Elle propose une formule inspirée du fonctionnement des tribunaux de faillite qui, dans bien des pays, offrent aux endettés une protection temporaire contre leurs créanciers afin de leur donner le temps de trouver des solutions. Le but est de permettre aux pays endettés en crise de trouver des solutions rapides et ordonnées, sans avoir à recourir à des opérations massives de secours financiers par la communauté internationale qui, dans la plupart des cas, permettent aux créanciers privés d’échapper à toute forme de sacrifice.
Il ne s’agit bien sûr pas de permettre à un Etat endetté de « déposer son bilan », mais de créer un cadre juridique qui encouragerait les débiteurs et les créanciers, y compris ceux du secteur privé, à se retrouver afin de restructurer des dettes insoutenables, à temps et d’une manière ordonnée. L’Etat en question bénéficierait d’une « protection légale contre des créanciers faisant obstacle à une restructuration nécessaire, en échange d’une obligation de négocier de bonne foi avec ses créanciers et de mettre en œuvre des politiques qui empêcheraient des problèmes à l’avenir », explique Anne Krueger. Elle pense que l’existence même d’un tel cadre légal inciterait toutes les parties à se mettre d’accord sans avoir à recourir à une telle procédure.
Les créanciers privés de plus en plus nombreux
Il faudra sans doute attendre deux à trois ans avant qu’un tel dispositif soit définitivement élaboré et adopté, selon Anne Krueger, qui souligne cependant la nécessité d’une nouvelle approche du fait que les économies émergentes ont tendance à émettre des obligations plutôt que de recourir à des emprunts bancaires. Les investisseurs qui détiennent ces obligations sont infiniment plus nombreux et ne constituent pas un groupe homogène, comme le furent les banques avec lesquelles les pays endettés latino-américains devaient trouver des solutions négociées pendant la crise de la dette des années quatre-vingt. « Les créanciers privés sont à présent de plus en plus nombreux, ils sont anonymes, et il est difficile d’assurer une coordination de leur position de négociation », note Anne Krueger, qui souligne que des « prédateurs » ont parfois troublé la recherche de solutions ordonnées en poursuivant l’Etat endetté devant les tribunaux de leur propre pays.
Le Conseil d’administration du FMI a été informé à la mi-décembre de l’avancement des études des économistes du Fonds concernant les problèmes pratiques et juridiques de l’approche évoquée par Anne Krueger. « C’est une nouveauté, mais ce n’est pas la première fois que cette idée a été abordée, commente un officiel du FMI. Cette question nécessitera encore beaucoup de travail et beaucoup de discussions. »
La confiance sapée des consommateurs et des investisseurs
Entre-temps, le Fonds poursuit ses travaux pour être prêt à soutenir les pays pauvres très endettés (PPTE) dont certains, notamment africains, pourraient être mis en difficulté par le ralentissement de l’économie mondiale. Selon le FMI, l’impact global des attaques terroristes aux Etats-Unis, le 11 septembre dernier, sera en effet plus sévère qu’initialement prévu, ayant sapé la confiance des consommateurs et des investisseurs et ainsi accentué la baisse de l’activité déjà constatée dans les principaux pays. Fin décembre, le Fonds a de nouveau revu à la baisse ses estimations pour 2001 et ses prévisions pour l’année prochaine.
Pour les Etats-Unis, le FMI table à présent sur une croissance faible de 1 % en 2001, suivi d’une chute à 0,6 % en 2002, mais avec une reprise à partir du deuxième semestre. Avec le Japon en récession et une baisse de régime notable en Europe, l’Afrique en subira inévitablement les conséquences. Mais la croissance de la région se situerait néanmoins à un taux de l’ordre de 3,5 % en 2002. Soit à peu près au même niveau qu’en 2001, malgré la baisse des cours des matières premières, compensée dans une certaine mesure par la modération des prix pétroliers.
Jan Kristiansen