(MFI) La signature, il y a près d’un an, de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) a montré la volonté du gouvernement américain de tisser des liens économiques plus étroits avec l’Afrique. Aujourd’hui, de plus en plus de pays tentent de participer à l’initiative qui devrait offrir des avantages à l’importation aux produits en provenance de 34 pays d’Afrique sub-saharienne.
Exporter aux Etats-Unis sans tomber sous le coup de taxes douanières ou de quotas d’importation. Voilà ce que promet, aux heureux élus, l’AGOA. Les pays intéressés doivent toutefois remplir plusieurs conditions, notamment accepter une réforme de leur économie pour protéger le droit à la propriété privée et minimiser le contrôle de l’Etat sur les prix et les structures de production. En bref, il s’agit d’établir une économie de marché qui soit non seulement fortement calquée sur le modèle outre-atlantique mais qui instaure aussi un « environnement propice aux investissements américains ». Un abaissement des barrières tarifaires pour les Etats-Unis donc, mais sont aussi demandés l’assurance d’un pluralisme politique, une lutte contre la corruption et l’existence de programmes sociaux. Les critères appliqués pour juger du respect effectif des droits de l’homme ne sont cependant pas précisés. Le Kenya a été le premier pays à adhérer à l’AGOA. Lui ont succédé Madagascar, Maurice et l’Afrique du Sud. Par contre le Togo, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la RDC sont parmi les rares pays dont la candidature n’est pas à l’examen.
Suffisamment de place pour les produits africains
Pour qu’un produit d’Afrique sub-saharienne soit inclus dans l’AGOA, il ne doit pas « menacer les fabricants américains ». En clair, l’importation est exclue dans le cas d’une industrie nationale aux lobbies trop puissants. Mais la place ne manque pas : 4 600 produits, et plus dans les mois à venir, sont déjà sur la liste. Sont principalement concernés les articles qui n’ont jusqu’à maintenant occupé qu’une part réduite du marché américain. Il s’agit surtout des textiles, qu’ils soient tissés ou seulement assemblés en Afrique sub-saharienne, mais aussi des chaussures, de la maroquinerie, des montres, des appareils électroniques, de la verrerie et de certains produits alimentaires.
Actuellement, les importations africaines ne représentent qu’1 % du commerce américain. Toutefois, pour l’Afrique sub-saharienne, ces importations ont augmenté en valeur de 62 % de 1999 à 2000, de 13,75 milliards de dollars à 22,2 milliards, principalement à cause de la hausse des prix du pétrole. Les Etats-Unis importent principalement des produits énergétiques, alimentaires, minéraliers et chimiques. S’ils représentent peu en volume, les produits artisanaux attirent quant à eux de plus en plus d’acheteurs américains. A New York, par exemple, on compte plus d’une dizaine de galeries spécialisées dans l’art africain et des magasins d’artisanat disséminés un peu partout à Harlem. Le web est également peuplé de sites qui proposent des produits africains. Certains comme www.africancrafts.com cherchent sérieusement à promouvoir les artisans et artistes locaux. D’autres, en revanche, utilisent frauduleusement l’argument que l’achat d’un produit africain est aussi un geste « humanitaire ».
Contestable mais encouragé
Pour William Hartung, l’un des responsables de l’ONG World Policy Institute, les opportunités d’exportation par l’AGOA sont modestes. « Les Etats-Unis n’ont pas vraiment ouvert leur marché. Mis à part amener la notion de commerce avec l’Afrique et créer des possibilités de consultations en vue d’une coopération économique, la mesure est limitée. » Pour les textiles par exemple, le Botswana, la Guinée équatoriale, le Gabon, l’Afrique du Sud, Maurice, la Namibie et les Seychelles ne peuvent exporter sans taxe que des produits assemblés sur leur territoire à partir de matières premières américaines. En 2000, la balance commerciale américaine avec l’Afrique sub-saharienne a été déficitaire de 17,6 milliards de dollars… D’où l’intérêt de développer des liens, qui seront forcément appelés à fonctionner dans les deux sens !
L’AGOA a été décrit comme « un outil de développement économique », destiné aussi bien à « encourager les Africains à exporter sur le marché américain, à développer de petites industries et à créer de nouveaux emplois » qu’à « pousser les Etats-Unis à investir en Afrique ». Avant même son arrivée au pouvoir, Georges W. Bush a fait savoir qu’il orienterait sa politique internationale en fonction des intérêts économiques et sécuritaires de son pays dans le monde. Bien que lancé par les démocrates, l’AGOA a donc de fortes chances d’être renforcé par le président Bush, dont les conseillers soulignent que l’Afrique sub-saharienne possède un énorme potentiel économique.
Céline Curiol