(MFI) La soif d’investissements étrangers, la méconnaissance des circuits financiers internationaux et l’insuffisance d’information technologique conduisent parfois les gouvernements africains à nouer de malencontreux partenariats. Projets mirobolants jamais réalisés, subventions publiques touchées sans contrepartie, lourdes ardoises bancaires en sont les désastreuses conséquences.
C’était trop beau pour être vrai : pour obtenir une licence d’exploitation du champ pétrolifère offshore de Sèmè, au sud du pays, une société basée dans un paradis fiscal antillais promettait de construire au Bénin des logements sociaux, des routes et des hôpitaux en sus des redevances fixées par le gouvernement de Cotonou. L’offre a paru suspecte aux techniciens de la société norvégienne Saga, qui détenait jusque-là les droits d’exploitation. Des conseillers de la Banque mondiale ont discrètement alerté le gouvernement béninois, mais rien n’y a fait. Quelques mois plus tard, il a bien fallu l’admettre : les « investisseurs » avaient disparu en laissant une lourde ardoise aux banques locales.
L’exemple n’est pas unique. Un autre mystérieux groupe de travaux publics a sévi en Afrique de l’Ouest entre 1998 et 1999. Il promettait de construire des logements sociaux (10 000 à 20 000 d’un seul coup), à condition que les autorités locales allouent gracieusement les terrains nécessaires. Les logements ne sortaient jamais de terre. En revanche, plusieurs banques de la région n’ont pu que constater les dégâts : chèques sans provision et importants découverts.
Des ordinateurs jamais livrés ou carrément obsolètes
L’insuffisance de l’information commerciale, financière et technologique disponible en Afrique rend le continent particulièrement vulnérable aux escrocs internationaux. Bien que des règles éthiques aient été édictées ces dernières années par les principales organisations de coopération (OCDE, Banque mondiale, Union européenne…), les aventuriers continuent de faire des victimes. Ainsi, l’administration des douanes du Kenya attend toujours la réalisation de son plan d’informatisation lancé depuis… douze ans pour un coût initial de 4 millions de dollars. « Nous allons récupérer les avances déjà versées », assure le ministère des Finances. Le gouvernement zambien, lui, s’est fait voler 304 500 dollars pour des ordinateurs jamais livrés.
Autre méthode : la tromperie sur marchandises. La Tanzanie, souhaitant équiper ses écoles, a commandé un millier de micro-ordinateurs à une firme européenne. Elle a reçu des équipements obsolètes, équipés de processeurs 486, de surcroît facturés deux, voire trois fois le prix du marché. De son côté, l’Institut international de droit d’expression française (IDEF) dénonce certains contrats d’équipement industriel clés en main : « Des usines qui, une fois terminées, ne fonctionnent pas en raison de malformations graves et si nombreuses que toute réparation est à exclure ; des approvisionnements qui n’ont pas été prévus ou des prix de revient qui n’ont pas été étudiés, si bien que l’exploitation est irrémédiablement déficitaire ».
Les hommes d’affaires fortunés, cibles privilégiées
Les escrocs internationaux ne ciblent pas seulement les organismes publics. Ils visent aussi les hommes d’affaires fortunés. Dans leur panoplie : l’invitation à investir dans des pseudo-programmes du Fonds monétaire international, ou encore les options d’achat sur des stocks de matières premières, à l’aide de fausses lettres de créances prétendument garanties par l’Organisation mondiale du commerce. Les affaires de ce genre se succèdent à un rythme tel que les deux organisations multiplient les communiqués de mise en garde et animent des pages web destinées à mieux informer les opérateurs économiques.
A une moindre échelle, les jeunes places boursières africaines servent de théâtre aux malfrats. La Capital Markets and Security Authority de Tanzanie a récemment démantelé un réseau qui promettait aux particuliers des gains faramineux en bourse. Les fonds récoltés à l’aide d’annonces publicitaires disparaissaient tout simplement. Au Nigeria, c’est en voulant faire entrer leurs enfants dans des écoles supérieures canadiennes que des hommes d’affaires ont été dépouillés : les malfaiteurs prétendaient agir pour le compte d’un organisme canadien d’aide au développement. Au total, 543 Nigérians se sont fait arnaquer de 500 000 dollars.
« Tant qu’on ne combattra pas efficacement la corruption, ces agissements se poursuivront », note l’IDEF. Mais au-delà de la condamnation, les moyens d’action des autorités africaines sont limités. Les sociétés spécialisées dans l’information commerciale font défaut. Les brigades policières financières n’existent pas. Autant dire que les escrocs, quoique traqués au plan international, ont encore de beaux jours devant eux.
Yolande S. Kouamé