(MFI) Les derniers chiffres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) confirment la part modeste du continent africain dans le commerce mondial. Les pays d’Afrique subsaharienne réaffirment leur volonté d’écarter la menace d’une marginalisation durable à l’heure de la mondialisation, mais la question de savoir s’il faut préparer un nouveau cycle de négociations commerciales les divise toujours.
Après deux années plutôt « maigres » à la suite de la crise financière en Asie, l’OMC prévoit à présent un taux de croissance d’au moins 10 % pour le commerce mondial en 2000, soit un doublement du taux de 5 % enregistré en 1999. « Nous avons eu des bonnes nouvelles de tous les côtés, et cela fait toute la différence. Les Etats-Unis ne sont plus la seule locomotive tirant l’expansion du commerce mondial », a commenté Michael Finger, l’économiste en chef de l’OMC, en présentant fin novembre ses dernières statistiques.
La valeur des exportations mondiales de marchandises a atteint, en 1999, un montant total de 5 470 milliards de dollars et les exportations de services ont atteint en outre quelque 1 350 milliards. Au cours du premier semestre 2000, un taux de croissance de l’ordre de 14 % a été enregistré pour les marchandises – une expansion quatre fois plus rapide qu’au même semestre de 1999 – mais la tendance risque de s’affaiblir vers la fin de l’année, en raison d’un certain ralentissement des économies des grands pays industrialisés. Pour 2001, les économistes de l’OMC prévoient ainsi une rechute du commerce mondial à un taux de l’ordre de 7 %.
La part des produits industriels dans les exportations s’accroît
L’Afrique, qui a enregistré en 1999 une croissance économique modérée de l’ordre de 3 % pour la troisième année successive, avait vu ses exportations chuter de 16 % en 1998 en raison notamment de la crise asiatique, mais a connu un rebond à + 9 % en 1999. La valeur totale de ses exportations a cependant été limitée à 112 milliards de dollars, contre des importations qui ont atteint 133 milliards, sans changement notable par rapport à 1998. Les ventes extérieures du continent égalent ainsi environ 2 % du total mondial et ont à peine dépassé les exportations d’un pays comme l’Espagne (110 milliards de dollars).
Dans le secteur des services, les exportations africaines ont également connu une forte croissance, de l’ordre de 8 %, et ont atteint 29 milliards de dollars, notamment grâce aux revenus du tourisme qui se sont chiffrés à 14 milliards. Le continent a importé des services pour un montant de 35 milliards de dollars, en baisse légère par rapport à 1998.
Le commerce africain des marchandises continue ainsi à subir l’impact de la forte baisse des cours des matières agricoles ; la valeur des exportations dans ce domaine a chuté encore une fois en 1999, tandis que celle des ventes des exportateurs de pétrole a été en hausse d’environ 25 %. Fait encourageant, la part des produits industriels, notamment semi-finis, est en forte expansion.
L’Asie, partenaire de plus en plus important
Les statistiques de l’OMC démontrent encore que l’Asie est devenu un marché de plus en plus important pour les pays africains. Alors que l’Europe occidentale reste la principale destination de leurs exportations – comptant pour la moitié, mais légèrement en baisse depuis une dizaine d’années –, l’Asie prend à présent 15 % de celles-ci, autant que l’Amérique du Nord. Cependant, le commerce intra-africain reste toujours limité : seuls 10 % des exportations ont pour destination les autres pays du continent. Autre fait notable : l’Afrique du Sud a été, en 1999, le 36e pays exportateur de marchandises du monde avec 26,7 milliards de dollars et le 40e importateur avec un chiffre identique, restant ainsi le seul acteur majeur africain du commerce mondial.
Pour les Américains et les Européens, l’ouverture rapide d’un nouveau cycle de négociations à l’OMC s’impose pour davantage libéraliser le commerce et ainsi soutenir l’expansion mondiale, question qui divise les Africains. Une conférence des ministres africains du Commerce réunie à Libreville, au Gabon, a réaffirmé à la mi-novembre que l’Afrique veut agir dans le cadre de l’OMC pour s’assurer « une place significative et équitable dans les échanges internationaux ». Mais les 43 ministres africains, entraînés par l’Egypte et Maurice appuyés par la plupart des pays anglophones, n’ont pris aucun engagement ferme pour un nouveau cycle, alors que les francophones n’y étaient en principe pas opposés. Reflétant les discussions en cours au siège de l’OMC à Genève, ils ont insisté sur la nécessité de tenir compte « de façon urgente de la dimension développement » et ont demandé un examen approfondi des « déséquilibres », nuisibles selon eux aux intérêts des pays pauvres, résultant de l’accord de l’Uruguay Round de 1994.
Apprendre à exploiter les opportunités créées par l’OMC
Pour François Huwart, secrétaire d’Etat français au Commerce extérieur, il ne fait pas de doute que l’intégration des pays africains passe par « leur participation plus active » aux activités de l’OMC. « J’ai la conviction que ce continent, dès que les conditions en seront réunies, a tout à gagner au lancement d’un cycle (de négociations) d’ouverture et de régulation, mais aussi de développement », a-t-il dit. Charlene Barshefsky, la représentante du Commerce des Etats-Unis, a de même encouragé les pays africains à contribuer au lancement de nouvelles négociations commerciales, promettant que Washington tiendra compte de leurs préoccupations. Un nouveau cycle élargi facilitera l’accès des produits africains à des nouveaux marchés et contribuera aux réformes en cours en Afrique, a-t-elle déclaré début décembre devant un comité américano-nigérian.
La réunion de Libreville était organisée par l’OMC et les autorités du Gabon afin de mieux informer les Africains des aspects techniques des travaux de l’OMC, souvent perçu comme un « club des riches ». Les ministres et leurs collaborateurs ont participé à 24 ateliers thématiques animés par des hauts fonctionnaires et experts de l’organisation. « Le problème pour les Africains est une manque de capacité, de savoir-faire et d’expertise. Il faut que ces pays soient en mesure d’exploiter à fond toutes les opportunités créées à travers l’OMC », a confié en privé un ambassadeur européen à Genève. « Il faut les aider. Mais si l’OMC crée les opportunités, elle ne garantit pas les résultats. »
Jan Kristiansen