(MFI) Face à la diminution de l'aide publique mondiale (APD) et à la multiplication des bénéficiaires de son assistance, l'Union européenne (UE) a décidé de donner une impulsion nouvelle à sa politique de développement afin d'augmenter son efficacité. Europaid sera opérationnel en janvier 2001.
Selon les derniers chiffres publiés par le CAD, le Comité d'aide au développement de l'OCDE, l'effort net d'aide publique au développement de l'Union européenne atteignait, en 1998, 27,5 milliards de dollars et représentait près de 55 % de l'APD internationale.
Jusqu'à la moitié des années quatre-vingt, l'aide communautaire était avant tout destinée aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), dans le cadre des conventions successives de Lomé et de leur instrument financier, le Fonds européen de développement (FED). Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, l'aide communautaire a été étendue à de nouveaux « clients ». Des programmes particuliers ont été créés notamment en faveur de l'Europe centrale et orientale (Phare), de l'ex-Union soviétique (Tacis) et de la Méditerranée (Meda). Ainsi, en 1998, l'assistance aux ACP ne constituait plus que 34,7 % de l'APD de l'Union ; elle représentait 43,6 % de l'aide totale communautaire contre 20 % à la Méditerranée, 9 % à l'Europe centrale et orientale ainsi que 7,1 % à l'Amérique latine et 9 % à l'Asie.
De trop longs délais dans les décaissements
L'aide européenne a connu une crise de croissance, marquée par des lenteurs dans la mise en oeuvre et un « passif » de plus en plus important, puisque le volume des crédits engagés mais non encore décaissés atteignait fin 1999 près de 20 milliards d'euros (plus de 17 milliards de dollars), en raison notamment de l'incapacité des Etats bénéficiaires à présenter des projets viables. A titre d'exemple, des délais de six ans ont pu être constatés pour la mise en œuvre de projets dans des pays latino-américains et de huit ans pour des bénéficiaires méditerranéens. Quand au FED, il avait fin 1999 10 milliards d'euros (8,6 milliards de dollars) de fonds non déboursés en raison du mécanisme très lourd d'allocation des ressources dans le cadre de l'ancienne convention de Lomé.
Officiellement définie dans une déclaration du Conseil de développement des Quinze à Bruxelles le 10 novembre dernier et présentée par la France qui assure la présidence tournante de l'UE, la nouvelle politique qui s'adresse à l'ensemble des pays en développement a pour objectif principal la réduction de la pauvreté, en vue de son élimination à terme. Elle définit des stratégies qui devront contribuer au renforcement de la démocratie, à la consolidation de la paix et à la prévention des conflits, à une intégration progressive dans l'économie mondiale, à une meilleure prise en compte des aspects sociaux et environnementaux, à l'égalité entre les hommes et les femmes et au renforcement des capacités des acteurs publics et privés des pays bénéficiaires.
Faire davantage entendre la voix de l’Europe
Charles Josselin, ministre délégué français à la Coopération qui a présidé ce conseil, a souligné que la déclaration communautaire, fruit de plusieurs mois de réflexion, cherche à éliminer une contradiction : d'un côté l'aide européenne représente plus de la moitié de l'aide internationale alors que, de l'autre côté, la voix de l'Europe ne se fait pas suffisamment entendre au sein des instances financières internationales comme le FMI ou la Banque mondiale.
L'UE a donc décidé de concentrer ses efforts sur six domaines : lien entre commerce et développement, intégration et coopération régionales, appui aux politiques macro-économiques et promotion d'un accès équitable aux services sociaux, transports, sécurité alimentaire et développement rural durable et enfin renforcement des capacités institutionnelles. Les droits de l'homme ne sont pas oubliés puisque l'accent est mis sur leur respect mais aussi la bonne « gouvernance ».
La déclaration souligne aussi que les pays les moins avancés (PMA) et les autres pays à faible revenu feront l'objet d'une attention prioritaire tenant compte de leurs efforts en matière de réduction de la pauvreté, de leurs besoins, de leurs performances et de leurs capacités d'absorption. Les stratégies de réduction de la pauvreté seront également encouragées dans les pays à revenus intermédiaires où la part des populations pauvres demeure élevée.
Europaid, opérationnel en janvier 2001
Les Européens se sont rendus compte que les procédures étaient trop complexes, qu'il y avait un foisonnement d'instruments d'aide sans cohérence véritable entre eux et que les décisions sur le plan communautaire étaient trop concentrées à Bruxelles, sans délégation des responsabilités aux représentants de la Commission dans les pays bénéficiaires. Ils ont également constaté un manque de personnel qualifié pour gérer l'ensemble des programmes à Bruxelles, mais plus encore sur le terrain, et un défaut de stratégie d'ensemble et de coordination avec les Etats membres et leurs programmes bilatéraux d'aide.
Pour parer à ces défauts, l'UE a décidé de créer un nouvel organisme, Europaid, qui sera opérationnel à partir de janvier prochain afin de coordonner cette nouvelle politique d'aide. De même, l'Union va réformer et simplifier ses instruments d'aide pour assurer une gestion plus fluide du FED et un rôle accru de la programmation. Tous les programmes de coopération vont désormais comporter une composante visant au renforcement des capacités des pays bénéficiaires.
Les capacités de gestion de la Commission seront également renforcées. Celle-ci devra recourir davantage à l'expérience des Etats membres et de leurs agences nationales d'exécution. Un pays européen pourra ainsi gérer sur place un projet pour le compte de la Communauté toute entière. La réforme devrait ainsi alléger la lourde machine communautaire mais il reste à voir comment elle sera mise en oeuvre et dans quels délais.
Marie Joannidis