(MFI) Après la Chine, qui a lancé en l'an 2000 un nouveau forum de coopération avec l'Afrique, c'est au tour du Japon de courtiser le continent même si les principaux bénéficiaires de son aide publique au développement (APD) restent asiatiques.
Le Premier ministre japonais Yoshiro Mori s'est rendu, en janvier 2001, en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya, où il a marqué la volonté de son pays, qu'il a qualifié de « vrai partenaire de l'Afrique », d'aider les populations à s'en sortir. Au cours de sa visite, la première du genre, il a parlé de « solidarité plutôt que de charité », renouvelant l'engagement de Tokyo de faire plus et mieux pour le continent, qui a bénéficié en 1999 d'une APD nippone de près d'un milliard de dollars. Le Japon, qui a des ambitions de diplomatie globale à la mesure de sa puissance économique, fait campagne pour obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l'Onu et réclame une réforme de l'organisation internationale. Il a donc besoin de l'appui des Africains – tout comme la Chine les courtise pour contrer les critiques contre les violations des droits de l'homme ainsi que l'influence de Taiwan.
Une aide jamais désintéressée
Le Comité de développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), passant en revue, en avril 1999, la « performance » du Japon en tant que pays donateur, avait souligné que l'efficacité de l'aide apportée à l'Afrique par la deuxième économie mondiale restait quelque peu problématique. Le Japon, selon les derniers chiffres officiels du CAD, a déboursé en 1998 un montant total de 10,6 milliards de dollars en aide au développement et restait ainsi le premier pays donateur parmi les pays industriels pour la sixième année consécutive. Les Japonais ont ainsi devancé de loin les Etats-Unis (8,7 milliards), la France (5,7 milliards) et l'Allemagne (5,6 milliards). Mais rapporté au PNB, la France était le premier donateur parmi les pays du G7 avec 0,40 %, contre 0,28 % pour le Japon, 0,26 % pour l'Allemagne et à peine 0,10 % pour les Etats-Unis.
L'aide japonaise a toutefois été principalement dirigée vers l'Asie et les victimes de la crise financière qui avait débuté dans cette région vers le milieu de 1997 : les pays asiatiques ont ainsi reçu près de 5 milliards d'aide japonaise, soit cinq fois plus que l'Afrique subsaharienne qui a bénéficié d'un montant relativement modeste de 948 millions de dollars. Les principaux bénéficiaires en Afrique ont été le Ghana, la Tanzanie et le Kenya. Le Japon a toujours privilégié la région asiatique et les pays à moyens revenus plutôt que les plus pauvres dont la majorité se trouve en Afrique au sud du Sahara. Un diplomate japonais de haut rang avait admis, il y a quelque temps, que l'aide japonaise n'était jamais désintéressée, mais visait à créer les conditions pour de futures relations commerciales au bénéfice des exportateurs nippons.
A l'écoute des stratégies de développement africaines
Le fait que cette aide a été accordée le plus souvent sous forme de prêts explique, par ailleurs, la réticence de Tokyo à l'égard de l'initiative d’allégement de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), qui touche essentiellement l'Afrique. Les Japonais auraient même, selon certaines ONG, exercé des pressions sur des pays comme le Bénin, le Ghana et le Malawi, les avertissant que l'aide japonaise serait réduite au cas où ils chercheraient à bénéficier d'une réduction de leur dette dans le cadre de cette initiative. Le Bénin et le Malawi figurent parmi les derniers pays qualifiés.
Mais aujourd'hui Yoshiro Mori affirme que le XXIe siècle « verra enfin l'Afrique faire de grands progrès et qu'il n'y aura ni stabilité ni prospérité dans le monde… à moins que les problèmes africains ne soient résolus », soulignant que son pays était à l'écoute des stratégies de développement africaines. Il a aussi annoncé la tenue d'une réunion ministérielle en décembre prochain à Tokyo, afin de préparer une troisième Conférence internationale de Tokyo sur le développement africain (TICAD) après celles de 1993 et 1998. La réunion de 1998 avait regroupé un millier de délégués de plus de 100 pays africains, asiatiques et d'autres bailleurs de fonds ainsi que d'organisations d'aide internationales, qui ont adopté le programme d'action de Tokyo pour l'Afrique. C'est dans ce cadre qu'a été créé le Centre Hippalos, centre de promotion de l'investissement et du transfert de technologie entre l'Asie et l'Afrique, et qu'a été organisé, en août 1999 à Nairobi, un premier séminaire consacré à la gestion de la dette.
Elaborer les stratégies plutôt qu’exécuter les projets
Pendant son voyage, le Premier ministre japonais a insisté sur le fait que les Africains devaient participer à l'élaboration des stratégies de développement et non pas seulement à l'exécution des projets. Il a également écouté et salué en Afrique du Sud « le plan de développement africain », sorte de plan Marshall pour l'Afrique, auquel travaille le président sud-africain Thabo Mbeki pour coordonner les efforts africains en matière de dette, de recherche d'investissements ou d'avantages commerciaux.
Mbeki, qui se veut le porte-parole du continent dans les grandes réunions internationales, rêve d'instaurer un axe de coopération dans ce sens avec le Nigeria et l'Algérie, voire même l'Egypte. Il ne manquera pas d'évoquer son projet fin janvier au forum économique de Davos en Suisse – qui sera contesté par le premier Forum social mondial qui se tiendra au même moment à Porto Alegre, au Brésil, pour réclamer « un autre monde ».
Marie Joannidis