(MFI) Le sommet franco-africain, tenu à la mi-janvier à Yaoundé, a certes été dominé par l'assassinat brutal, la veille de son ouverture, du président de la République démocratique du Congo (RDC), Laurent Désiré Kabila. Mais les problèmes économiques ont également été au cœur des débats.
Principal bailleur de fonds de l'Afrique sub-saharienne, la France, par la voix de son président Jacques Chirac, a fait un pas de plus dans l'annulation de la dette bilatérale. Il a ainsi annoncé à Yaoundé que son pays annulera en totalité, au lieu de 90 %, les créances commerciales traitées en Club de Paris pour les Etats admis à bénéficier de l'initiative PPTE, destinée à alléger la dette des pays pauvres très endettés. Ce qui représentera 500 millions d'euros (soit 400 millions de dollars) enlevés de la charge de la dette bilatérale. La France a déjà fait plusieurs gestes dans ce sens, allant plus loin que la plupart de ses partenaires occidentaux, et a fortement soutenu l'initiative PPTE. En tout, Paris annulera plus de 10 milliards d'euros (près de 9 milliards de dollars) pour les PPTE africains qui s'ajouteront aux 9,8 milliards d'euros déjà « gommés » dans le cadre de dispositions antérieures.
A la fin de décembre 2000, le groupe qualifié pour l'initiative PPTE a été élargi à 22 pays, dont 18 africains. Le service de la dette de ces pays devrait ainsi être globalement réduit de quelque 34 milliards de dollars, selon les calculs des experts du FMI et de la Banque mondiale chargés de suivre le processus et la mise en œuvre des réformes réclamées tant sur le plan économique que social et politique, car le but de l’opération reste la diminution de la pauvreté.
Convaincre que l’Afrique compte
Tant Jacques Chirac que le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, et le chef d'Etat togolais Gnassingbe Eyadema, actuel président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), soulignent que les Africains doivent faire des efforts accrus pour régler pacifiquement les conflits qui les déchirent et qui sont une des premières causes de leur faiblesse économique et de leur sous-développement.
Le président français a insisté sur les efforts partagés et les bienfaits de la régionalisation, alors que Kofi Annan, qui est ghanéen, a précisé devant les représentants de 52 pays du continent qu'il ne suffisait pas de faire simplement appel à la générosité ou à la justice des pays industrialisés. « Il nous faut aussi leur faire comprendre qu'ils ont tout intérêt à nous aider. Nous devons les convaincre que l'Afrique compte et qu'au vu de la situation actuelle, ils doivent intensifier, et non pas réduire, leur politique d'engagement à notre égard », a-t-il dit, soulignant l’importance de la qualité des gouvernants africains, de l'éducation et de l'accès aux nouvelles technologies.
95 % des 13 millions d'orphelins du sida sont africains
Eyadema, lui, a insisté sur le fait que les conflits et les foyers de tension ont placé le continent africain au premier rang des régions du monde où l'on compte le plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. « La chute constante des cours des produits de base, le fardeau excessif de la dette, la diminution de l'aide au développement, les ravages que causent les pandémies comme le sida, les conflits armés, l'insécurité et l'instabilité… les entraves à la liberté et à la démocratie constituent à la fois des obstacles au développement et des défis de la mondialisation », a-t-il affirmé.
Pour le président français, les statistiques concernant le sida qui décime une grande partie de la population active africaine sont « alarmantes, dramatiques ». Sur les 5,3 millions de personnes contaminées dans le monde depuis un an, les deux tiers sont des Africains. Et sur les 13 millions d'orphelins du sida, estimés fin 2000, 95 % vivent en Afrique sub-saharienne.
L’histoire jugera les dirigeants africains…
Le chef d'Etat togolais a rappelé que la dette extérieure de l'Afrique est passée de 110 milliards de dollars en 1980 à plus de 350 milliards de dollars en l'an 2000 et qu'elle continue de croître à un rythme supérieur à 12 % par an. En revanche, la croissance économique en Afrique reste modérée – 3 % en moyenne en 1999, pour la troisième année consécutive –, alors que sa part dans le commerce mondial n'excède pas 1 %. En septembre dernier, les dirigeants du monde entier réunis au sommet du millénaire de l'Onu avaient décidé de réduire de moitié la proportion de personnes en pauvreté absolue d'ici à 2015. Kofi Annan a estimé à Yaoundé qu'un bond spectaculaire dans le taux annuel de croissance en Afrique sera indispensable pour atteindre cet objectif. « L'histoire jugera les dirigeants africains… sur leur capacité à permettre à leurs peuples d'attraper le train de la nouvelle économie globale », a-t-il affirmé, alors que le président Chirac a mis l'accent sur la responsabilité passée et présente du monde industrialisé à l'égard de l'Afrique.
Marie Joannidis