(MFI) Le Fonds monétaire international prévoit une baisse marquée du régime de la croissance mondiale cette année, qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour les pays pauvres, en particulier africains, surtout si le ralentissement se prolonge et se traduit par une dégringolade des cours des matières premières.
La possibilité d’un ralentissement généralisé ne peut pas être écartée, selon les experts du FMI qui soulignent les incertitudes de la situation actuelle, caractérisée par un coup de frein plus fort qu'attendu dans l'économie américaine, une reprise qui se fait toujours attendre au Japon et une croissance plus modérée en Europe et dans plusieurs économies émergentes. Les économistes du FMI, qui avaient prévu il y a six mois une croissance mondiale de l'ordre de 4,2 % en 2001, ont ajusté ce chiffre en baisse d'un point entier, à 3,2 %, en tablant sur un taux d'expansion d'à peine 1,5 % aux Etats-Unis, le plus faible depuis dix ans, une rechute à 0,6 % au Japon mais une performance encore raisonnable de l'ordre de 2,4 % en Europe. Si tout va bien, cependant, l'économie mondiale connaîtra une reprise modérée à 3,9 % en 2002, avec une croissance de 2,7 % dans les pays industrialisés.
Pour l'Afrique, tout cela se traduira selon le FMI par une croissance de 4,2 % cette année suivie d'un taux de 4,4 % en 2002. Un rebond à 5 % est même possible en Afrique sub-saharienne en dehors de l'Afrique du Sud. Le géant économique du continent aura pâti de la crise au Zimbabwe voisin et de la hausse des prix du pétrole, et sa croissance ne devrait pas dépasser 3,8 % alors qu'il lui faudrait des taux dépassant les 6 % pour surmonter le chômage, la pauvreté et les inégalités extrêmes de revenus, souligne le Fonds dans son rapport semestriel, rendu public fin avril, sur les Perspectives économiques mondiales.
Après la hausse, c’est la volatilité des prix du pétrole qui inquiète
Alors qu'il y a six mois les prévisionnistes étaient préoccupés par l'impact sur le continent des cours élevés du pétrole, ils estiment que la volatilité des prix constitue à présent le principal souci dans ce secteur, même si beaucoup dépendra de l'attitude de l'OPEP au cours des prochains mois. Et ils soulignent que si les pays exportateurs sub-sahariens ont connu une amélioration considérable de leur situation budgétaire et de leurs finances extérieures, la croissance de leur produit intérieur brut n'a généralement connu qu'une accélération modeste « en raison de faiblesses structurelles dans leur secteur non-pétrolier et dans certains cas des guerres et des incertitudes politiques ». En Angola, comme en République Démocratique du Congo, le conflit a ainsi entraîné « un affaiblissement considérable des politiques économiques » et les désordres politiques au Zimbabwe « ont eu des effets néfastes » pour ses voisins.
Le rapport cite aussi le cas du Nigeria, où le gouvernement démocratiquement élu en 1999 avait fait un début prometteur en s'attaquant aux déséquilibres économiques et à la corruption. Les réformes ont cependant perdu de leur élan, les dépenses publiques sont en forte hausse, l'inflation et la pression sur la monnaie ont repris de plus belle. Le pays a désormais un besoin urgent de discipline financière, de réformes structurelles et d'allègement de la dette, constate le Fonds.
Le FMI revient ainsi encore une fois sur la nécessité urgente de rétablir la paix, soulignant que les guerres et les conflits civils, et dans une moindre mesure la chute des cours des matières premières vers la fin des années quatre-vingt-dix, sont les principaux facteurs expliquant le ralentissement généralisé de la croissance dans la région après l'amélioration constatée vers le milieu de la décennie. La reprise en cours dans les pays sub-sahariens depuis 1999 « dépendra de la mise en œuvre de politiques saines macro-économiques et structurelles et d'une amélioration significative de la sécurité dans beaucoup de pays », car la situation reste fragile, et l'exemple du Zimbabwe démontre « comment les gains sur le plan économique peuvent être rapidement perdus », avertit le rapport.
Le FMI pointe du doigt la responsabilité des économies avancées
Les économistes du Fonds soulignent aussi que ce n'est qu'en poursuivant les « bonnes » politiques, les réformes et des stratégies anti-pauvreté efficaces que les pays africains pourront pleinement profiter de l'allègement de la dette, pour un montant total de 25 milliards de dollars, que 18 pays (sur 33 candidats éligibles) ont obtenu dans le cadre de l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Cependant, le FMI reconnaît que « l'allègement de la dette n'est en soi pas suffisant » pour les pays concernés.
Lançant un appel plutôt inhabituel pour cette institution, le Fonds affirme que les économies avancées « portent une responsabilité particulière ». Ils doivent « augmenter les flux d'aide, qui sont bien en deçà de l'objectif de 0,7 % du PIB adopté par l'Onu ; promouvoir la paix et la stabilité politique, en particulier dans les régions d'Afrique ravagées par la guerre ; et fournir une aide supplémentaire afin de combattre l'épidémie de VIH/sida, devenue la menace la plus sérieuse au bien-être humain et au développement économique des pays africains ».
Le Fonds demande aussi que les pays riches ouvrent leurs marchés aux exportations des pays les plus pauvres et se félicite des récentes mesures annoncées par l'Union européenne dans ce sens et des initiatives promises notamment par les Etats-Unis et le Japon.
Jan Kristiansen