(MFI) Producteurs et industriels du diamant ont engagé une course contre la montre pour bloquer le commerce illicite de cette pierre précieuse, qui continue à financer plusieurs guerres sanglantes en Afrique – en Angola, au Sierra Leone et en République démocratique du Congo (RDC) notamment.
Producteurs et industriels du diamant doivent présenter, d'ici décembre, à l'Assemblée générale des Nations unies (Onu), un rapport sur les mesures prises pour empêcher les diamants illicites de pénétrer le marché légal, et rassurer ainsi, avant les fêtes de fin d'année, les consommateurs de bijoux, en particulier aux Etats-Unis, le plus gros marché mondial. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l'Onu a maintenu des sanctions contre la rébellion du RUF en Sierra Leone et son allié le Liberia, et contre l'opposition armée angolaise de l'Unita de Jonas Savimbi ; il s'est aussi penché sur le pillage des ressources de la RDC.
Lancé en mai 2000, le processus dit de « Kimberley », du nom de la ville sud-africaine qui avait accueilli la première réunion destinée à élaborer des règles pour bloquer la contrebande des diamants « sales », rassemble des groupes industriels et de la société civile qui travaillent avec 35 gouvernements dans le monde et en particulier en Afrique. Endossé en décembre dernier par l'Onu, qui attend désormais des propositions concrètes, le processus a été discuté en 2001 à plusieurs reprises dont, à la fin du mois d'octobre, à Luanda, en Angola.
Cette dernière réunion s'est tenue après la publication, début octobre, d'un rapport complémentaire de l'Instance de surveillance des sanctions contre l'Unita, établie par le Conseil de sécurité. Le rapport affirme que le commerce illicite se poursuit ; citant des responsables angolais, il précise que des diamants sujets à embargo, d’une valeur de 1 à 1,2 million de dollars, quittent chaque jour l'Angola, soit 350 à 420 millions de dollars par an.
Quelle est la véritable volonté des industriels du diamant ?
Les experts de l'Onu ont affirmé que 16 sociétés basées en Belgique, en Israël et en Afrique du Sud – les principales plaque-tournantes du commerce du diamant – ainsi que des négociants de Chypre, de la RDC, de Tanzanie et de Zambie continuent à être impliqués avec l'Unita, mais aussi avec des contrebandiers angolais dans ce trafic ; 420 millions de dollars, cela représente 5 % du commerce mondial de diamants bruts en 2000, selon l'ONG britannique Global Witness qui, la première, avait mené campagne contre les diamants sales, dès 1998.
Les participants au processus de Kimberley mettent sur pied un système de contrôle international fondé notamment sur des certificats d'origine infalsifiables et des emballages sûrs pour le transport de diamants bruts. Ils prévoient aussi des mesures de surveillance interne dans les pays producteurs, pour empêcher les « diamants de la guerre » d'entrer dans le circuit légal, et des pénalités dissuasives pour toute violation de ces règles.
Le Congrès mondial du diamant d'Anvers, en Belgique, tout comme les grands de l'industrie notamment le géant minier sud-africain de Beers, avaient préconisé ce genre de mesures. Mais les discussions se sont éternisées et le trafic s'est poursuivi. « On peut se demander si l'industrie du diamant cherche réellement à mettre un terme au commerce des diamants de conflits ou si elle veut simplement s'assurer que l'image des diamants reste sans tâche », estiment les responsables de Global Witness. L’un d’eux, Alex Yearsley, précise : « Avant la période des cadeaux de Noël, alors qu'on attend d'autres rapports de l'Onu sur le financement de violations des droits de l'homme et de la poursuite de conflits (en Sierra Leone et au Liberia en particulier), l'industrie diamantifère n'a d'autre choix que d'expulser et de poursuivre ceux qui sont impliqués dans l'achat et la vente de diamants de la guerre ».
Un impact disproportionné sur les populations
Aux Etats-Unis, où un groupe de parlementaires avait d'abord menacé de bannir l'achat de tous les diamants – licites ou illicites – en provenance d'une région en guerre, aussi bien l'administration que le Congrès se sont à nouveau mobilisés. Le négociateur du département d'Etat sur cette affaire, Alan Eastham, a souligné début octobre le souci de l'administration de mettre fin au trafic, déplorant les lenteurs du processus de Kimberley. Des parlementaires aussi bien démocrates que républicains demandent à présent la mise en place d'un système mondial de contrôle strict, estimant qu'un projet de loi dans ce sens forcera la main des négociateurs de Kimberley.
Selon Alan Eastham, les diamants sales, s'ils ne représentent que 4 % du commerce mondial – un chiffre contesté par les ONG, qui parlent de plus de 16 % –, ont un impact disproportionné sur le bien-être de certaines populations. Les ventes pour 4 milliards de dollars de pierres par les rebelles angolais entre 1992 et 1998 a entraîné la mort de 500 000 personnes, le déplacement de 3,5 millions d'autres Angolais et la fuite de plus de 300 000 réfugiés hors du pays. Au Sierra Leone, a-t-il encore indiqué, les diamants ont financé une guerre civile brutale qui a tué plus de 50 000 personnes, déplacé un tiers de la population de 4,5 millions et entraîné la fuite à l'étranger de plus de 500 000 réfugiés.
Marie Joannidis