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24/01/2002
Electricité : les ambitions sud-africaines

(MFI) L’Afrique a soif d’énergie. Mais malgré les richesses hydrauliques et le potentiel en pétrole et en gaz, seuls 15 % des Africains disposent de l’électricité à domicile ou sur leur lieu de travail. La sud-africaine Eskom compte mettre à profit toutes les opportunités de développement.

L’Afrique du Sud, l’économie la plus développée de l’Afrique sub-saharienne, est la seule grande puissance dans le secteur de l’électricité sur le continent, sans véritable concurrent à l’heure actuelle. Seule la République démocratique du Congo (RDC), en proie à la guerre civile, pourra un jour rivaliser avec les Sud-Africains, si elle parvient à rétablir ses infrastructures et à gagner la confiance des bailleurs de fonds. Les grands producteurs africains de pétrole comme le Nigeria et l’Angola ne constituent pas non plus une menace parce qu’ils n’ont pas encore développé leurs ressources en gaz, permettant de produire de l’électricité à bas prix, et qu’ils sont minés par l’instabilité ou les conflits intérieurs.
Rien ne semble donc vouloir arrêter l’expansion d’Eskom, le groupe national d’électricité sud-africain dont la filiale internationale a conclu toute une série d’accords à travers l’Afrique et jusqu’au Moyen-Orient. Ceux-ci portent sur la livraison d’électricité aux pays voisins, sur la construction de barrages et l’ingénierie des usines, et sur le savoir-faire dans les domaines de la gestion, de la production et de la transmission de l’électricité.


Du Zimbabwe au Mali

Cette filiale, Eskom Enterprises, a récemment signé des contrats avec le Malawi et le Zimbabwe, ainsi qu’avec le Mali pour la gestion de la nouvelle usine de Manantali qui fournira aussi de l’électricité au Sénégal et à la Mauritanie. Le groupe sud-africain a également créé une société commune avec la Libye et une commission commune avec l’Irak pour envisager la réhabilitation des usines d’électricité et des réseaux de transmission de ces pays.
Eskom, qui a une capacité installée de 42 000 mégawatts, soit 40 fois celle d’un pays comme le Kenya, est parmi les sept sociétés mondiales les plus importantes dans ce secteur. Elle travaille depuis longtemps avec le Mozambique où se trouve le barrage de Cabora Bassa et la RDC ainsi que tous ses voisins immédiats de la SADC. Ses activités s’étendent également au nucléaire, dans lequel elle coopère notamment avec Electricité de France (EDF). Ses responsables ont souligné à plusieurs reprises que la société allait saisir toutes les opportunités pour mettre son savoir-faire et ses capacités à la disposition de la Nouvelle initiative pour le développement économique de l’Afrique (Nepad). « L’Afrique reconnaît que Eskom Enterprises est en mesure de fournir une solution africaine », a affirmé l’un d’eux.


L’ambition de la RDC

Les représentants de la RDC tentent de promouvoir pour leur part un ambitieux projet énergétique qu’ils avaient présenté en mai 2001 à Bruxelles, lors de la conférence des Nations unies sur les Pays les moins avancés (PMA). Il concerne la rénovation du barrage hydroélectrique d’Inga et le lancement « d’autoroutes d’énergie électrique » sur trois axes à partir de cet ouvrage : le premier vers l’Afrique australe avec le renforcement de l’interconnexion RDC-Zambie-Zimbabwe et une ligne RDC-Angola-Namibie-Afrique du Sud. Le 2e axe vers l’Afrique de l’Ouest avec une ligne RDC-Gabon-Cameroun-Nigeria et le 3e vers l’Afrique du Nord avec la ligne RDC-Congo Brazzaville-République centrafricaine-Soudan-Égypte. Le projet prévoit une voie supplémentaire d’écoulement d’énergie par une ligne de moyenne tension à partir du barrage d’Inga jusqu’en Afrique du Sud.
Etalé sur la période 2002-2020 pour une puissance installée de 6 000 mégawatts et une puissance garantie de 4 000 MW, ce projet est évalué à 10,94 milliards de dollars dont 4,25 milliards pour la centrale, 560 millions pour le premier axe et 600 millions environ pour le 2e. La ligne Inga-Assouan coûterait 5,75 milliards de dollars et le prix de revient moyen à la production ne serait que de 1,44 cents par kilowatt.


Lutter contre le gâchis

En attendant le développement d’un tel projet, qui paraît pour le moment utopique, la Banque mondiale ne cache pas ses préoccupations concernant la situation énergétique de l’Afrique. Pour plus de 90 % des Africains, l’énergie c’est le bois, les déchets organiques, la bougie et le kérosène. Et encore l’énergie humaine, soulignent des experts de la Banque. Or l’énergie est un moyen d’échapper à la pauvreté : sans un accès minimum aux services que l’énergie commerciale rend possibles, les Africains sont dans l’incapacité d’élever leur productivité et de participer à une économie de marché, bref, de prospérer au-delà des activités de subsistance.
Les experts déplorent que la situation énergétique africaine soit aussi marquée par une dégradation prononcée de l’environnement causée par la mauvaise gestion des sources traditionnelles d’énergie. Peut-être que le plus grand défi – et le plus grand potentiel – est de réduire l’énorme quantité d’énergie gaspillée lorsque du gaz naturel est brûlé, particulièrement en Afrique de l’Ouest, ajoutent-ils. Ils font ainsi directement allusion aux pays pétroliers du Golfe de Guinée, qui commencent seulement à exploiter le gaz naturel associé sur leurs champs pétroliers. « La quantité de gaz perdue chaque jour est suffisante pour fournir à tous les Africains un accès à l’énergie moderne (comparé à seulement 10 % aujourd’hui) sans augmentation de l’énergie consommée globale » affirment encore les experts.


Marie Joannidis

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