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07/02/2002
Porto Alegre – New York
La fracture sociale mondiale


(MFI) La fracture entre riches et pauvres, aggravée par les incertitudes qui pèsent sur l’économie mondiale, surtout depuis les attentats du 11 septembre dernier, a été illustrée début février par deux réunions parallèles aux objectifs encore bien éloignés.

A Porto Alegre, au Brésil, quelque 60 000 contestataires de tout bord ont exprimé haut et fort leur ras-le-bol de la mondialisation qui accentue, selon eux, la fracture sociale mondiale. Au même moment, à New York, 3 000 dirigeants politiques, économiques et financiers, venus surtout de pays nantis, se sont aussi penchés sur la situation de la planète dans le cadre du Forum économique mondial (FEM). S’ils ont mis l’accent sur la nécessaire lutte contre la pauvreté et les inégalités, ils se sont bien gardés d’envisager l’annulation pure et simple de la dette du Tiers monde ou la taxation des riches pour financer le développement.
Pour la première fois, ce Forum mondial, qui se veut une occasion informelle de chercher à « améliorer l’état du monde », a délaissé l’air pur de Davos, en Suisse, pour New York, la capitale financière américaine, en signe de solidarité après les attentats contre le World Trade Center. Mais aussi, selon la rumeur, parce que les Suisses hésitaient à payer une facture trop élevée pour la protection contre les anti-mondialistes, devenus de plus en plus violents depuis la réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle fin 1999.


Porto Alegre : la fête, mais aussi les vrais problèmes

Le 2e Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre a gagné son premier pari : celui d’être reconnu – puisque des personnalités du monde entier ont fait le voyage au Brésil, non seulement les fervents supporters d’organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi ministres et parlementaires. Ainsi, une forte délégation française, dont le ministre délégué à la Coopération Charles Josselin et des candidats à l’élection présidentielle d’avril prochain, ont participé au Forum des autorités locales organisé en marge du FSM. Ils y ont dénoncé la baisse de l’aide au développement – alors que l’aide française a également chuté depuis quelques années – ainsi que certains aspects des politiques du Fonds monétaire international (FMI).
Les parlementaires ont créé un réseau mondial de mobilisation, en prévision notamment de la conférence sur le financement du développement, qui se tiendra en mars à Monterrey au Mexique, et du sommet mondial sur le développement durable prévu en septembre en Afrique du Sud. Ces rencontres intéressent au premier chef les pays africains, dont beaucoup sont parmi les plus pauvres du monde.


Construire un commerce mondial plus juste

La France, qui reste le principal bailleur de fonds de l’Afrique sub-saharienne, joue toujours à l’avocat des plus pauvres. A Paris, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin – qui a envoyé à New York ses ministres des Affaires étrangères, de l’Economie et des finances et de la Défense – a mis en garde contre les ambiguïtés de la mondialisation « qui crée des richesses… mais accentue les inégalités » entre Nord et Sud et à l’intérieur des pays. Le président (de droite) Jacques Chirac a estimé pour sa part que les ambitions du FSM « rejoignent bien les combats que notre pays et l’Europe mènent depuis des années pour que la mondialisation, porteuse de liberté et de croissance, soit plus solidaire et mieux régulée ».
Car c’est bien la mondialisation et le libéralisme économique, représentés par les Etats-Unis, qui ont été pointés du doigt à Porto Alegre. Les participants ont réclamé des alternatives pour construire un commerce mondial plus juste, qui mette l’accent sur la production plutôt que sur les transactions purement financières. Ils ont préconisé la création d’une taxation mondiale pour soutenir le développement et demandé la réforme d’institutions comme le FMI, soulignant que l’effondrement économique et financier en Argentine illustre l’échec du système actuel. Le problème de la dette a aussi été au cœur des débats (voir encadré).


FEM : une mondialisation à visage humain

Les grandes sociétés qui financent le FEM, cette « grand’messe annuelle des élites », n’ont pu cette année faire l’apologie d’une mondialisation triomphante, remède unique au sous-développement et à la pauvreté. Car les décombres du World Trade Center mais aussi le scandale suscité par la faillite – due à la gestion frauduleuse – du groupe de commerce d’énergie Enron, la plus importante dans l’histoire des Etats-Unis, leur ont rappelé la fragilité des systèmes politiques et économiques actuels.
Aussi bien le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, venu plaider la cause des pauvres, que le Haut commissaire de l’Onu pour les droits de l’homme, Mary Robinson, ont souligné que le principal défi de la mondialisation était d’ouvrir ce processus à la participation des populations et des pauvres. Les organisateurs du forum ont mené un sondage auprès de 25 000 citoyens dans 25 pays, qui montre que les gens sont de plus en plus favorables à la mondialisation mais redoutent ses conséquences sur l’emploi, la pauvreté et l’environnement.
Les participants au FEM parlent aujourd’hui de « mondialisation éthique » et reconnaissent, comme le richissime patron de Microsoft, Bill Gates, qu’il ne faut pas laisser les pauvres sur le bord de la route mais les aider. La lutte anti-terroriste de Washington, critiquée à Porto Alegre mais grand thème à New York, s’est ainsi vue concurrencée par les inégalités sociales qui peuvent engendrer colère et extrémisme, comme le démontrent les événements actuels au Proche Orient, autre sujet important abordé.

Marie Joannidis


Encadré : Les points du débat

A Porto Alegre, les participants ont contesté la croisade anti-terroriste américaine qui impose un choix entre l’adhésion à celle-ci ou des sanctions punitives. Certains délégués arabes ont accusé Washington de vouloir contrôler le pétrole à travers le monde. Les thèmes majeurs ont été :
Dette : A Porto Alegre, tous ont été d’accord pour regretter que le système actuel ne reconnaisse pas la co-responsabilité entre prêteurs et emprunteurs dans l’accumulation de la dette, obstacle majeur au développement.
Mais les participants divergent sur les modalités de l’allègement, entre ceux qui réclament une annulation pure et simple de la dette du Tiers Monde, aussi bien pour les plus pauvres que pour les pays « intermédiaires », et ceux qui veulent procéder par étapes. Un consensus se dégage toutefois pour demander l’effacement de la dette publique.
Taxes : Plusieurs formules de taxation pour financer le développement ont été évoquées, dont des taxes sur les transaction financières internationales comme la taxe Tobin, sur les investissements faits directement à l’étranger et sur les bénéfices des multinationales.
Commerce : les participants ont réclamé une réforme profonde de l’OMC pour réduire notamment le pouvoir punitif de cette organisation. Les Africains ont critiqué le libre-échange qui, selon eux, se traduit souvent par la prédominance du plus fort sur le plus faible.
A New York, Mike Moore, le directeur général de l’OMC, a lancé une mise en garde aux pays riches. D’après lui, le prochain cycle des négociations commerciales multilatérales, le Doha round, est voué à l’échec s’il ne permet pas l’ouverture des marchés des pays riches aux produits agricoles des pays du Sud. Améliorer leur niveau de vie est « une question de justice sociale et de droits de l’homme ».
Partenariat africain : Jean Chrétien, premier ministre canadien et hôte du Sommet du G-8 prévu en juin 2002, a annoncé la création par le G-8 d’un fond de 500 millions de dollars pour soutenir les pays africains réformateurs. Ce nouveau partenariat pour l’Afrique devra aider les Africains à rétablir une paix durable, résoudre la crise de la santé, renforcer la démocratie et promouvoir le commerce et l’investissement. J. Chrétien a de même évoqué l’allègement de la dette et un accès accru aux marchés des pays riches pour les exportations africaines.

M. J.




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