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14/03/2002
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Les enjeux du sommet de Monterrey (7) : Corruption et fraude fiscale au pilori
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(MFI) La corruption et la fraude fiscale, qui sévissent aussi bien dans les pays riches que pauvres, ont été mises au pilori à la conférence de Monterrey consacrée à la recherche de solutions globales pour améliorer le financement du développement.
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Lancée à la fin des années quatre-vingt, la lutte contre la corruption a pris une ampleur exceptionnelle : désormais les « affaires » peuvent renverser des gouvernements, mettre fin à des carrières politiques ou bloquer l’aide au développement. L’organisation des Nations unies (Onu), qui prépare une convention sur le sujet, a décidé de faire de la corruption un de ses chevaux de bataille, après les mines antipersonnel, les « diamants sales », le commerce illicite des armes légères ou la drogue. D’autant que les experts ont établi qu’il existe une corrélation entre le niveau de corruption et les progrès économiques dans un pays donné.
Les travaux de l’Onu ont un peu traîné malgré la bonne volonté affichée. Mais les attentats du 11 septembre contre les Etats-Unis ont mis en évidence la corrélation étroite entre le blanchiment d’argent sale, les transferts internationaux de fonds et les capitaux illégaux ou semi-illégaux, donnant une impulsion nouvelle à la lutte contre la corruption, qualifiée de « cancer mondial » par le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn. Monterrey aura ainsi été l’occasion de relancer la réflexion au sein de l’Onu, en coopération avec d’autres organisations multilatérales.
La Banque mondiale s’est déjà attaquée aussi bien aux corrupteurs qu’aux corrompus. Elle exclut toute relation avec les sociétés du secteur privé prises « en flagrant délit », qui sont écartées de tout nouveau contrat lié aux projets qu’elle finance. En même temps, elle encourage les autorités des pays concernés à bannir la corruption des affaires publiques, car elle estime que cela fait partie de la bonne gouvernance, nécessaire au développement. La Banque a adopté une stratégie en quatre points pour mener le combat : prévention de la fraude et de la corruption dans les projets, aide aux pays qui demandent son soutien pour réduire la corruption, prise en compte de celle-ci dans les stratégies d’aide et de prêts, contribution à la campagne internationale en cours.
Des délits « universels » depuis la convention de Palerme
L’OCDE, qui regroupe les principaux pays industrialisés, a mené pour sa part depuis la fin des années quatre-vingt une croisade contre la corruption et les pots-de-vin dans le monde des affaires, qui ne ménage pas les Etats « mafieux ». Ainsi l’organisation fournit le secrétariat du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), créé en 1989 par les pays du G7 et qui dresse une liste noire de pays « non coopératifs » dans la lutte contre le blanchiment de l’argent sale provenant de transactions illégales (drogue et armes en général), ainsi qu’une liste de pays « peu empressés » dans ce type d’actions. Dans leur croisade, l’OCDE ou les organismes spécialisés de l’Onu ont fréquemment recours aux nouvelles technologies dont Internet qui est également utilisé par les trafiquants pour mener des transactions douteuses.
La communauté internationale a franchi un nouveau pas dans la guerre contre le crime organisé et la corruption en signant, en décembre 2000, sous les auspices de l’Onu, une convention à Palerme, en Sicile – par ailleurs fief de la mafia italienne. En vertu de ce texte, l’appartenance à un groupe criminel organisé, le blanchiment d’argent sale, la corruption et l’entrave au bon fonctionnement de la justice sont considérés comme des délits universels. La conférence de Monterrey devait donner une impulsion politique au processus en cours dans le cadre de l’Onu. « Les niveaux de corruption sont perçus comme étant plus élevés que jamais, tant dans les pays développés que dans le monde en développement ; elle atteint un niveau critique », estime Peter Eigen, président de Transparency International, évoquant l’indice de perception de la corruption 2001 élaboré par cette ONG.
Comment réagir face à la « concurrence fiscale internationale » ?
Le combat contre la fraude fiscale est important pour les pays pauvres comme aisés. En effet, tous ont besoin de mobiliser les revenus indispensables pour financer les services aux citoyens et le fonctionnement de leurs économies, d’où l’importance des impôts. Les fraudes fiscales sont ainsi nuisibles au progrès économique. Les experts du FMI, de l’OCDE et de la Banque mondiale viennent de proposer l’organisation d’un « dialogue international sur les impôts » afin de faciliter une coopération intensifiée dans ce domaine entre gouvernements et organisations internationales. Ce dialogue prévoit en particulier une assistance technique aux pays pauvres pour améliorer et simplifier leurs systèmes fiscaux. Cette question touche notamment à l’imposition des entreprises multinationales et la « concurrence fiscale internationale ». Pour attirer les investissements, certains pays réduisent artificiellement leurs impôts pour les nouveaux venus…
Un groupe d’experts financiers indépendant, nommé par le Secrétaire général de l’Onu Kofi Annan, et présidé par l’ancien président mexicain Ernesto Zedillo, a de son côté avancé l’idée d’une organisation internationale de la fiscalité. Celle-ci aurait notamment pour fonctions d’offrir une assistance technique, de servir d’instance d’élaboration des normes fiscales internationales, de surveiller l’évolution de la situation fiscale – comme le FMI passe en revue les politiques macroéconomiques nationales –, de limiter la concurrence fiscale visant à attirer les multinationales et de servir d’arbitre dans les litiges internationaux en la matière. Ces experts ont également proposé la conclusion d’un accord international sur une formule d’imposition uniformisée des multinationales ainsi que la définition de principes pour le recouvrement équitable d’impôts auprès des travailleurs émigrants.
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Marie Joannidis
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