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27/06/2002
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Pétrole africain : un boom à gérer
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(MFI) Le pétrole africain est toujours plus convoité. Les Etats-Unis, premiers consommateurs du monde, veulent moins dépendre des pays du Golfe arabo-persique. La Cnuced organise en septembre prochain à Yaoundé sa réunion annuelle destinée à aider les pays du continent à mieux négocier, et à faire enfin de la manne pétrolière un outil de développement.
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La course à la découverte et à l’exploitation du brut et du gaz africains est ouverte : les grandes compagnies pétrolières se disputent les concessions, que ce soit dans le Golfe de Guinée, au Soudan ou en Afrique du Nord. L’Afrique possède près de 7,6 % des réserves mondiales de brut, 6,7 % du gaz naturel et 6 % du charbon, sans compter son potentiel hydroélectrique, selon les études faites dans le cadre du Nepad, la nouvelle initiative pour le développement du continent. La consommation d’énergie, vitale à ce développement, reste cependant très faible. Ainsi, dans les zones rurales de l’Afrique sub-saharienne, l’accès à l’énergie n’est que de 8 %, comparé à une moyenne mondiale de 44 %. Les citoyens des pays producteurs n’ont pas vraiment bénéficié de la manne pétrolière.
La Commission des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) reste assez pessimiste sur la possibilité d’un allègement de la facture énergétique – à moins que bailleurs de fonds et Africains ne décident de lancer de véritables projets régionaux. Elle exprime le souhait que les nouveaux producteurs comme le Tchad, la Guinée Equatoriale, le Mozambique, le Soudan puissent éviter les erreurs de leurs collègues. Parmi les obstacles dans le secteur pétrolier – parent pauvre de l’assistance au développement – figurent aussi bien les énormes investissements nécessaires, la rivalité entre grandes compagnies internationales, malgré les ententes qu’elles finissent presque toujours par conclure ; la corruption générée par l’argent de l’or noir souvent difficile à détecter et l’impact négatif sur l’environnement. Le financier américain George Soros vient d’ailleurs de se joindre à certaines ONG pour combattre la corruption en incitant les pétroliers à davantage de transparence dans leurs opérations.
Gazoducs, connexions et négociations
L’Afrique manque douloureusement d’infrastructures lourdes comme les gazoducs, qui permettraient une meilleure distribution de gaz pour la production d’électricité notamment. Le Nepad présente d’ailleurs de tels projets : un gazoduc ouest-africain serait ainsi construit en collaboration avec le Nigeria, le plus grand producteur de pétrole de l’Afrique sub-saharienne ; le développement des immenses ressources hydroélectriques de la RDC pourrait alimenter aussi bien l’Afrique australe que centrale et du Nord. En Afrique de l’Est, il s’agit de connecter aux ports pétroliers de la côte des pays enclavés qui paient la facture énergétique la plus chère en raison du coût élevé des transports.
Pour aider les dirigeants africains à mieux gérer ce secteur, la Cnuced organise depuis 1996 des réunions annuelles sur le négoce et le commerce du pétrole et du gaz, qui réunissent les principaux acteurs du secteur africain de l’énergie : représentants des gouvernements et des sociétés du continent et professionnels du monde entier. La prochaine conférence de ce type est prévue du 24 au 27 septembre à Yaoundé au Cameroun ; l’Angola, deuxième producteur de l’Afrique sub-saharienne après le Nigeria, devra accueillir celle de 2003. De plus en plus de pays producteurs demandent aux compagnies pétrolières d’investir également dans des projets de développement locaux, même si cela est encore jugé insuffisant par les experts africains.
L’Afrique et l’Amérique du Sud ont une importance vitale au moment où les réserves de la Mer du Nord et des Etats-Unis sont en diminution et où le Moyen-Orient est secoué à la fois par le conflit israélo-palestinien, les conséquences de la guerre d’Afghanistan et la poussée du terrorisme intégriste. L’Angola par exemple, situé en face des réserves importantes de la côte brésilienne (de l’autre côté de l’Atlantique), ravitaille aussi, comme les autres pays du Golfe du Guinée, le Japon, les deux Chine et la Corée. Le potentiel d’augmentation de la production de l’Ouest africain est estimé à quelque part entre 2 et 4 millions de barils/jour, avec des « risques politiques » réduits puisque l’exploitation se fait essentiellement au large des côtes.
Etats-Unis : augmenter la part du pétrole africain
Les Américains, qui mènent la lutte anti-terroriste sur le plan mondial et sont les plus gros consommateurs de pétrole, soulignent désormais publiquement « l’importance stratégique » du pétrole africain ; ils ont renforcé leur soutien politique et à un moindre degré économique aux pays producteurs de la région. Début juin, au cours d’une conférence Afrique/Etats-Unis sur le développement du partenariat dans le domaine de l’énergie, tenue au Maroc, des responsables américains ont laissé entendre que les Etats-Unis veulent développer leur coopération avec l’Afrique pour réduire leur dépendance vis-à-vis des pays du Golfe, qui sont leurs principaux fournisseurs, en particulier l’Arabie Saoudite. Quelque 15 % des besoins américains en énergie sont déjà couverts par l’Afrique.
Un rapport préparé par des experts du département d’Etat, présenté au Congrès américain à la mi-juin, recommande une augmentation des importations de pétrole africain et une plus grande présence des Etats-Unis sur le plan de la sécurité dans les régions pétrolifères de l’Afrique occidentale. Intitulé Le pétrole africain : une priorité pour la sécurité nationale des Etats-Unis et pour le développement de l’Afrique, ce projet entre dans le cadre du débat au Congrès sur l’énergie et sur les moyens de garantir la sécurité des Etats-Unis après les attentats de septembre 2001, en diversifiant notamment les sources d’importation du brut. Des parlementaires souhaitent que les importations de pétrole africain atteignent au cours des douze prochaines années 25 % du total au lieu des 15 % actuels.
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Marie Joannidis
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