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11/07/2002
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Ventes d’armes : l’Afrique toujours sollicitée
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(MFI) L’Afrique reste un marché attractif aussi bien pour les pays exportateurs d’armes que pour les trafiquants qui se disputent ce commerce, toujours lucratif malgré une baisse globale des transferts d’armements dans le monde entre 1997 et 2001.
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La baisse constatée ces dernières années, due à la diminution des livraisons des Etats-Unis, le plus grand exportateur pendant cette période devant la Russie, n’a pas empêché les dépenses militaires mondiales d’atteindre en 2001 le montant astronomique de 839 milliards de dollars, soit 137 dollars par habitant de la planète. Selon le rapport publié en juin par le SIPRI, institut de recherche suédois spécialisé, les pays à revenus élevés – le monde industrialisé et les pays riches du Moyen-Orient – ont les dépenses militaires les plus élevées par tête d’habitant. Mais les pays en développement, notamment ceux à revenus faibles et moyens d’Afrique et du Moyen-Orient, portent le fardeau le plus lourd dans ce domaine en pourcentage de leur PNB.
Entre 2000 et 2001, la Russie a enregistré une augmentation de 24 % de ses ventes d’armes, ce qui l’a placée provisoirement au premier rang parmi ses concurrents – américains mais aussi français, britanniques et allemands. La Chine, l’Inde, l’Arabie Saoudite, Taiwan et la Turquie, eux, ont été les principaux importateurs d’armes en 2001. Le président Vladimir Poutine avait indiqué à la fin de l’année que les exportations d’armes de la Russie étaient estimées à 4,4 milliards de dollars, nettement mieux que les années précédentes, en soulignant que son pays voulait rattraper les positions perdues depuis l’effondrement de l’Union soviétique au début des années quatre-vingt-dix. Moscou vend des armes dans une soixantaine de pays, la Chine et l’Inde étant ses plus gros clients, et souhaiterait accroître ses parts de marché en Afrique et en Amérique latine.
Afrique du Sud : plus d’argent pour les armes que pour la lutte contre le sida
La Grande-Bretagne du travailliste Tony Blair a elle aussi fait un effort particulier vers les pays en développement, en particulier l’Egypte et l’Afrique du Sud. Sa nouvelle politique « agressive » de ventes d’armes a d’ailleurs été critiquée par des organisations non gouvernementales comme la Campagne contre le commerce des armements (CAAT, Campaign against arms trade), qui affirme que les exportations d’armes britanniques vers l’Afrique ont augmenté sous le gouvernement travailliste et devraient quadrupler l’année prochaine pour dépasser 200 millions de livres. Les responsables de CAAT, qui mènent une campagne de presse contre cette politique, soulignent par exemple que les dépenses militaires de l’Afrique du Sud dépassent le budget que ce pays consacre à la lutte contre le sida, et que Londres vend de plus en plus d’armes légères à une multitude de pays africains.
Selon des sources américaines, les transferts et les trafics d’armes restent un problème majeur de sécurité en Afrique sub-saharienne ensanglantée par de nombreux conflits. Elles estiment que l’afflux d’armes légères, souvent financées par des diamants ou d’autres matières premières comme le pétrole ou le bois, prolonge ces conflits. D’autant que l’Afrique attire les pays et les producteurs qui veulent se débarrasser des surplus de la guerre froide ou d’armements dépassés par les progrès technologiques.
Des complicités au plus haut niveau
Selon certaines estimations, plus de 8 millions d’armes légères sont en circulation rien qu’en Afrique de l’Ouest, dont plus de la moitié sont entre les mains de rebelles ou de criminels. Les experts diplomatiques estiment que les efforts internationaux pour juguler ce genre de trafic n’ont eu que peu d’effet, faute de mesures punitives véritables, même si la contrebande des diamants a diminué au Sierra Leone, en RDC ou en Angola. Ils mettent une nouvelle fois en cause des trafiquants internationaux comme Victor Bout, un ressortissant russe basé dans les Emirats arabes unis, déjà dénoncé par les Nations unies (Onu), qui continue en toute impunité à livrer des armes et de l’équipement militaire à travers le continent africain.
L’Onu a certes établi, en 1993, un registre international pour les armes conventionnelles qui a reçu des informations sur les ventes d’armes en provenance d’un certain nombre de nations. Mais les réponses des Africains ont été parmi les plus insuffisantes. L’OUA et des organisations régionales comme la Cedeao ont tenté de prendre des mesures pour mettre fin à la prolifération des armes légères, qui a non seulement favorisé les conflits et le recrutement d’enfants soldats mais aussi accru la violence urbaine dans plusieurs capitales africaines. Mais l’absence de moyens a empêché tout impact significatif. La perméabilité de frontières souvent incontrôlables, l’absence de moyens de surveillance adéquats des aéroports et des ports sont parmi les points faibles du continent, d’autant que les trafiquants travaillent souvent avec la complicité de certains dirigeants africains et d’Etats étrangers vendeurs d’armes ou acheteurs de matières premières.
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Marie Joannidis
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