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18/07/2002
Economie parallèle : le trafic de sang et d’organes humains endeuille l’Afrique

(MFI) Un commerce particulier prospère sur fond de crimes et d’exploitation de la misère : le trafic de sang et d’organes humains. Il est pourtant condamné par les organisations internationales et puni par les législations des pays avancés. Si rien n’est fait, l’Afrique, mais aussi l’Amérique du Sud, l’Inde et la Chine risquent de payer un lourd tribut.

Neuf mille dollars pour un cadavre frais en Tanzanie et en Zambie ; 2 000 à 3 000 rands pour un cœur ou un rein en Afrique du Sud ; 200 000 FCFA pour un litre de sang humain au Nigeria. En Afrique, le corps humain peut s’acheter en pièces détachées. La demande est forte, soutenue par certains sorciers, amateurs de sacrifices et d’amulettes à base d’organes humains, et par les centres de transplantation en quête d’organes transférables. De quoi attiser la cupidité des trafiquants qui se montrent de plus en plus déterminés. Les faits divers atroces se multiplient.
Depuis quelques mois, des meurtres à répétition mettent Lomé, la capitale du Togo en émoi : plusieurs dizaines de jeunes femmes et de conducteurs de moto-taxis ont été retrouvés assassinés, vidés de leur sangs et mutilés. La police a trouvé le mobile de ces atrocités : le sang recueilli se vend, de même que les organes prélevés. Leur enquête les a mis sur la piste d’immigrants igbos, originaires du sud-est nigérian. L’affaire a fait grand bruit, contraignant l’ambassadeur du Nigeria au Togo à tancer ses compatriotes présents dans le pays. Le Togo n’est pas un cas isolé.


Nigeria, Togo, Mozambique, Afrique du Sud…

Le trafic d’organes humains touche aussi le Mozambique. Le ministre de la Sécurité intérieure, Almerino Manhenje, le reconnaît : « Nous n’avons pas l’intention d’alarmer les populations, mais ce n’est un secret pour personne que les trafics de reins et de cornée existent et nourrissent des réseaux de transplantation. » Au point que le gouvernement envisage sérieusement d’ordonner la fermeture des commerces à partir d’une certaine heure de la nuit, afin de réduire le nombre d’agressions et de rapts. Le même problème préoccupe la Tanzanie voisine, où les crimes suivis de prélèvements d’organes sont de plus en plus fréquents, en particulier le long des frontières avec la Zambie et le Malawi. Les commanditaires seraient des « exportateurs » d’organes qui paient environ 9 000 dollars par cadavre frais. Deux d’entre eux ont été récemment arrêtés.
En Afrique du Sud, le trafic est soutenu par le crime, mais aussi par les prélèvements sauvages effectués dans les morgues. Avec la complicité de médecins, des patients en état de mort cérébrale sont mutilés sans l’aval de leurs familles. Plusieurs condamnations ont été prononcées, sans que le trafic s’estompe pour autant. Bien au contraire, l’Afrique du Sud est devenue l’une des plaques tournantes de la transplantation de reins et de cornées, alors que les banques officielles d’organes n’y sont pas particulièrement développées. Milliardaires américains, européens et même riches hommes d’affaires mauriciens viennent s’y faire remplacer les reins, la cornée, le cœur, dans de discrètes cliniques privées.


Prêts à tout pour survivre

Phénomène plus inquiétant, on voit de plus en plus, comme c’était déjà le cas en Inde, en Amérique latine et en Europe de l’Est, des Africains déterminés à vendre, de leur plein gré, une partie de leur corps contre de l’argent. Dans les townships sud-africains, des jeunes gens en bonne santé se disent prêts à vendre un rein pour 2 000 à 3 000 rands. Même si on n’en est pas encore aux petites annonces dans les journaux, comme cela se voit en Amérique du Sud, les acheteurs ne manquent pas. « Ce phénomène est d’autant plus difficile à combattre qu’il n’y a pas, en Afrique comme dans les autres pays pauvres, de législation spécifique. Certains chefs de famille accablés par la misère sont prêts à faire n’importe quoi pour survivre », constate Organs Watch, une des rares ONG qui lutte contre ce commerce particulier.
Seuls les pays riches et les organisations internationales condamnent le trafic. Depuis dix ans, l’Organisation mondiale de la santé a adopté des dispositions très claires : « Le corps humain, en tout ou en partie, ne peut faire l’objet de transactions commerciales. En conséquence, il devrait être interdit d’allouer ou de recevoir un paiement pour des organes. Il devrait être interdit de faire de la publicité autour du besoin ou de la disponibilité d’organes dans le but de demander ou de proposer un paiement. » Aux Etats-Unis par exemple, vendre des organes de son propre corps est passible de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 dollars.


Pour contourner la législation, le « tourisme médical »

Néanmoins, des scandales viennent régulièrement rappeler qu’en la matière, les trafiquants cherchent toujours à contourner la loi. Récemment, des organes ont été mis en vente sur le site d’enchères américain eBay par un internaute déterminé à gagner de l’argent en se mutilant. L’opération a été interrompue in extremis. Il y a quelques années, un laboratoire allemand sponsorisé par l’industrie automobile déclenchait une vive polémique, après que la presse eut révélé qu’il achetait des cadavres frais pour quelques centaines de dollars, afin de tester les conséquences des chocs automobiles. C’était moins cher que les mannequins artificiels, qui coûtent environ 2 000 marks pièce… En Angleterre, un réseau de vente d’organes entre des institutions officielles indiennes et des scientifiques de Liverpool a été découvert. Et il y a trois ans, un éminent professeur officiant à Liverpool a été reconnu coupable d’avoir prélevé pas moins de 850 organes sur de jeunes patients décédés, sans le consentement de leurs parents.
Mais pour éviter ces scandales, et échapper aux peines prévues par les législations occidentales, les chirurgiens participant au trafic font, en compagnie de leurs patients, ce qu’il est maintenant convenu d’appeler du « tourisme médical ». Il s’agit de se rendre dans des pays où le commerce d’organes n’est pas formellement puni, où la « matière première » commandée à l’avance est disponible et de réaliser la transplantation sur place. La liste des pays soupçonnés par Organs Watch d’accueillir ce « tourisme médical » est longue : Afrique du Sud, Inde, Moldavie, Brésil, Russie…


Yolande S. Kouamé

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