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06/09/2002
Développement durable : La déception malgré quelques progrès

(MFI) Comme après Rio de Janeiro il y a dix ans, les pays les plus pauvres de la planète, dont la majorité sont africains, ne peuvent qu’être déçus par les résultats du Sommet sur le développement durable de Johannesburg, malgré quelques progrès en matière d’eau potable ou d’énergies renouvelables.

Les nations les plus démunies souhaitaient qu’on parle de lutte contre la pauvreté sous tous ses aspects, d’accès aux marchés pour leurs produits et d’arrêt des subventions agricoles dans les pays riches. Mais elles n’ont reçu que promesses et vœux pieux sans engagement financier global ni calendrier précis de mise en œuvre. « Les dés étaient pipés d’avance puisque George W. Bush, dirigeant de la première puissance mondiale qui est aussi le principal pollueur de la planète, a choisi de rester chez lui pour parler de lutte anti-terroriste et d’Irak au lieu de venir à Johannesburg », ont souligné plusieurs diplomates africains après le sommet.
Le secrétaire d’Etat américain Colin Powell, qui avait fait le voyage à sa place et a été conspué par les représentants des ONG, a affirmé que la meilleure formule pour le développement était la liberté et que bonne gestion des affaires publiques et développement durable vont de pair. Il s’est contenté de rappeler que le président Bush avait promis, à la conférence sur le développement de Monterrey, une aide supplémentaire de 5 milliards de dollars sur trois ans pour les « bons élèves » du monde en développement. Il a aussi précisé que les Etats-Unis viennent de lancer un programme de 1 milliard de dollars pour atténuer l’effet de serre et pour faire face au changement climatique, sans pour autant abandonner leur opposition au protocole de Kyoto destiné à réduire les émissions de CO2. D’autres non-signataires comme la Chine, la Russie et le Canada se sont, eux, engagés à signer, ce qui permettrait l’entrée en vigueur du protocole.


Tous responsables

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre », a souligné de son côté le chef d’Etat français Jacques Chirac, qui s’est posé en défenseur des plus pauvres. « L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables », a-t-il souligné.
Le président français et le Premier ministre britannique Tony Blair se sont engagés à apporter 100 millions d’euros supplémentaires sur trois ans, qui seront utilisés afin de mobiliser des fonds privés. « Nous espérons ainsi entraîner au moins 1 milliard d’euros d’investissements nouveaux dans des projets de développement durable, dans un esprit de partenariat », a précisé Jacques Chirac qui s’est engagé à promouvoir le développement durable notamment lors de la présidence française du G8, à partir de juin 2003.
Le Sommet de Johannesburg a réuni jusqu’au 4 septembre une centaine de chefs d’Etat, 9 000 délégués, 8 000 représentants d’ONG et 4 000 journalistes sous la houlette des Nations unies. Il a adopté une Déclaration politique et un Plan de mise en œuvre composé de neuf chapitres.


Un plan vivement critiqué

Dans le domaine de l’eau, le Plan encourage des partenariats entre les secteurs public et privé fondés sur des cadres réglementaires établis par les gouvernements. L’objectif est de réduire de moitié d’ici 2015 la proportion de la population mondiale qui n’a pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. La question de l’accès à l’eau a suscité un vif débat, certains considérant cet accès comme un droit de l’homme et préconisant sa gratuité.
Pour ce qui est de l’énergie, la nécessité de diversifier l’approvisionnement a été soulignée ainsi que celle de faire une place plus large aux sources d’énergie renouvelable. Mais les Américains et les membres de l’Organisation des producteurs de pétrole (OPEP) se sont opposés à tout objectif précis. L’Union européenne avait proposé que les énergies renouvelables soient développées pour produire au moins 10 % de l’électricité mondiale d’ici 2015.
Le Plan de mise en œuvre a été diversement accueilli par les participants et vivement critiqué par les ONG. Catherine Kamping a demandé, au nom des jeunes de tous les pays, que les dettes des pays pauvres soient immédiatement annulées, que les marchés mondiaux soient rééquilibrés au profit du Sud et que cessent les subventions en faveur de l’agriculture et des exportations des pays riches. « Il faut également prendre des mesures pour mettre fin aux conflits et à ce titre nous, jeunes du monde, regrettons que la déclaration finale ne fasse pas mention de la démilitarisation. Pourtant, il est temps de réaffecter ces ressources gaspillées dans l’armement au développement, a-t-elle ajouté. Les signatures et les mots ne nourrissent pas les hommes, elles n’arrêtent pas la déforestation et le désert .»


Insuffisance de débats et de dialogues

D’autres représentants d’ONG ont estimé que les débats ont montré que l’Organisation mondiale du commerce a aujourd’hui beaucoup plus d’influence que les engagements de Rio, réclamant une plus grande transparence dans les décisions prises par l’OMC. Des syndicalistes ont souligné que la responsabilité première du développement durable repose sur les Etats et les organisations intergouvernementales, car les partenariats avec le secteur privé ne doivent pas se substituer à l’action politique et ne peuvent être des excuses à l’inertie ou à l’inaction.
Enfin, le président vénézuélien Hugo Chavez, s’exprimant au nom du Groupe des 77 (pays en développement) et de la Chine, a jugé que ceux qui luttent contre la pauvreté et pour la dignité auraient certainement voulu aller plus loin. « Il nous incombe à nous, chefs d’Etat, de nous mobiliser pour faire entendre la voix des plus vulnérables qui vont d’abîme en abîme pendant que nous passons d’une conférence à une autre. Le Sommet de Johannesburg n’a pas fixé d’échéancier, ni d’objectifs précis, chiffrés et assortis de calendriers dans le domaine de la lutte pour la vie », a-t-il affirmé. « Nous n’avons pas été à la hauteur du défi, mais il nous incombe de passer à la vitesse supérieure dès aujourd’hui. Les Nations unies doivent procéder à un changement radical dans l’organisation de ces grandes conférences, car il n’y a pas de débat, il n’y a pas de dialogue, et le consensus obtenu dans le cadre d’une table ronde préalable n’a aucun impact sur les conclusions du Sommet », a-t-il déploré.


Marie Joannidis

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