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19/09/2002
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Quand un pétrolier investit dans le solaire
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(MFI) Une société pétrolière française tente de mettre l’énergie solaire, considérée comme économique et écologique, à la portée des pays africains. Total Energie a créé des filiales partout sur le continent pour fabriquer et commercialiser des engins solaires qui servent à l’électrification, mais aussi à l’hydraulique et aux télécommunications.
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Jusqu’ici privés d’électricité, les 16 000 foyers marocains des provinces de Khemisset, Settat, Khouribga et Khenifra seront bientôt alimentés par l’énergie solaire. Les travaux, confiés à Total Energie, devraient bientôt commencer, après la signature du contrat intervenue en mai dernier. Ce ne devrait être que la première phase d’un programme beaucoup plus vaste, qui prévoit de mettre l’électricité à la portée d’au moins 80 % des villages du pays, d’ici à 2006. Des programmes similaires sont en cours en Afrique du Sud, en Guinée, au Zimbabwe, en Ouganda pour ne citer que quelques exemples. Depuis 1983, Total Energie, filiale du groupe pétrolier français TotalFinaElf et de l’électricien EDF, fait la promotion de l’énergie solaire en Afrique en ciblant trois applications : l’électrification des sites et agglomérations isolés des réseaux traditionnels, l’hydraulique villageoise et l’alimentation des stations de télécommunications. Le marché est énorme.
Patrice Brès, directeur des énergies renouvelables de TotalFinaElf, résume les enjeux : « Dans les pays africains où, justement, le problème du développement s’avère crucial, l’énergie électrique se révèle difficilement accessible. Les populations sont dispersées et pauvres. Le réseau électrique est limité, défaillant, voire inexistant. L’approvisionnement en carburant est difficile et onéreux. La maintenance des matériels traditionnels comme les groupes électrogènes et les motopompes est mal assurée, les pièces détachées introuvables. Nos équipements permettent de contourner ces difficultés à moindres frais. »
Priorité des gouvernements : les pompes hydrauliques
Les énergies renouvelables n’en sont qu’à leurs balbutiements. Au Mali par exemple, les Nations unies estiment qu’il faudrait 820 000 équipements solaires, collectifs et individuels, pour couvrir l’ensemble des besoins. Pour l’instant, on en compte moins de 3 000. Au Ghana, où l’accent a été mis sur le collectif, ce sont les télécommunications qui profitent le plus de la technologie solaire : sur les 700 installations en état de marche, 400 concernent les télécommunications. C’est loin de suffire à la demande ! Pour développer le marché, les financements internationaux affluent. Les aides européennes ont particulièrement aidé Total Energie à poser ses jalons sur le continent. Les fonds spécialisés des Nations unies sont également nombreux à subventionner les équipements.
Les appareils les plus demandés par les gouvernements africains sont les pompes solaires. Total Energie en fabrique deux types : les immergées et les flottantes. Dans le premier cas, l’engin est fixé au fond du puits, et permet de faire remonter l’eau à une vitesse bien plus rapide que le traditionnel puisage à l’outre ou au seau. Solution idéale pour la consommation d’eau potable des communautés villageoises. Quant aux pompes flottantes, destinées à l’irrigation, elles sont arrimées à des radeaux, sur les cours d’eau. Autre application des appareils solaires : l’alimentation des stations terriennes destinées à la téléphonie cellulaire ou aux faisceaux hertziens (radio, télévision).
Alliances et concurrence
La demande est telle que Total Energie essaime des sociétés locales partout en Afrique. L’une des plus importantes, la Tenesa, basée en Afrique du Sud, monte sur place les composants importés d’Europe et des Etats-Unis. Tenesa, qui a associé à son capital des sociétés locales, y compris des entreprises issues du black empowerment comme Spatial Communications et Mthunzi investments, a déjà électrifié une trentaine de cliniques situées en zone rurale dans la région du Cap, procuré du courant électrique aux stations de télécoms du Zimbabwe et d’Ouganda, installé des pompes en Namibie… Au Sénégal, Total Energie s’est alliée à la Société nationale des télécommunications (Sonatel) pour créer TEA, qui intervient dans toute la région. Des pompes hydrauliques, mais aussi des climatiseurs solaires et des équipements de balisage routier ont été installées en Guinée, en Mauritanie, au Cap Vert, en Gambie et au Mali. De son côté, la filiale marocaine (Total Energie Maroc) a l’ambition de développer le marché maghrébin.
Devenu premier ensemblier mondial d’équipements solaires, Total Energie n’est pas pour autant seul en Afrique. Ses concurrents sont nombreux. Entre autres, le français Photowatt international et l’américain AstroPower, l’australien Solar energy systems, le japonais Mitsui. Tandis qu’à plus petite échelle, on voit émerger les premières sociétés africaines, disposant de technologies fiables pour des petits projets. C’est notamment le cas au Ghana, en Zambie, en Afrique du Sud et en Tanzanie. Face à cette concurrence, Total Energie profite de son avance, et joue habilement sur les alliances. Non seulement la société française a associé des investisseurs locaux au capital de ses filiales, mais elle achète des composants à certains concurrents qui, du coup, deviennent des alliés. Total Energie n’exclut pas de sous-traiter des travaux aux sociétés du crû. Tout le monde trouverait son compte dans cette répartition des rôles, sur un marché prometteur.
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Yolande S. Kouamé
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