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07/11/2002
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Afrique
Le pétrole, enjeu international et désormais régional
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(MFI) L’envolée des prix du pétrole due aux bruits de bottes au Moyen-Orient a encore accentué l’importance des réserves africaines. En particulier celles du Golfe de Guinée, enjeu majeur pour les consommateurs, au premier rang desquels les Etats-Unis. Les Africains entendent en profiter pour renforcer leur coopération régionale et favoriser leurs projets de développement.
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Les Américains, qui sont les plus gros consommateurs d’énergie du monde, ont reconnu après le 11 septembre 2001 la valeur stratégique des réserves d’hydrocarbures du continent, ce qui explique le renouveau de leur intérêt pour les pays africains. Les importations américaines de brut du Nigeria et de l’Angola – les deux principaux producteurs subsahariens – égalent déjà celles des achats au Venezuela ou au Mexique, les voisins pétroliers les plus proches. Les Etats-Unis importent aussi autant de pétrole de la côte ouest de l’Afrique que de l’Arabie saoudite.
Conscients de cet enjeu majeur pour les consommateurs du monde industrialisé, les Africains entendent profiter de la manne pétrolière pour renforcer leur coopération régionale dans ce domaine et favoriser leurs projets de développement. « Cette double préoccupation a dominé les débats de la conférence de la Cnuced sur le négoce et le financement du pétrole et du gaz en Afrique », organisé fin septembre à Yaoundé au Cameroun, a souligné l’un des organisateurs de cette réunion rassemblant responsables africains du secteur et représentants de compagnies pétrolières.
Revitaliser l’Association des producteurs de pétrole africains
Les Africains veulent notamment revitaliser l’Association des producteurs de pétrole africains (APPA), qui n’a jamais réellement pris son envol, et mettre au travail la Commission africaine de l’énergie créé par l’OUA/Union africaine au sommet de Lusaka en 2001.
Les pays riverains du Golfe de Guinée se sont déjà dotés d’un instrument de coopération régionale pour défendre leurs intérêts communs et surmonter les conflits éventuels sur la délimitation de leurs eaux territoriales. Ils ont créé, fin 1999 à Libreville au Gabon, la Commission du Golfe de Guinée (CGG) qui a pour vocation « d’étudier les voies et moyens susceptibles de préserver la paix, la sécurité et la stabilité dans le Golfe de Guinée, d’instaurer un climat de confiance et de compréhension, de coordonner et d’intensifier leur coopération et de prévenir d’éventuels conflits ». Cette commission régionale regroupe un ensemble de pays dont le Nigeria, l’Angola, le Cameroun, la Guinée Equatoriale, le Gabon, Sao Tome et Principe et le Congo Brazzaville.
Les pays riverains du Golfe de Guinée ont aussi entrepris la délimitation de leurs frontières maritimes puisque l’essentiel de leurs réserves sont offshore. Les zones économiques exclusives (ZEE) qui, dans la plupart des cas, s’étendent à 200 milles marins au large des côtes, ont été créées par la Convention sur le droit de la mer adoptée par les Nations unies (Onu) en 1982. Entrée en vigueur le 16 novembre 1994, cette convention établit un cadre juridique pour la gestion et la préservation des ressources de la mer. Mais les négociations entre voisins ne se passent pas toujours sans problèmes.
L’Angola qui rit, le Nigeria qui pleure
L’Angola et son voisin et allié, le Congo Brazzaville, ont conclu un accord bilatéral prévoyant l’exploitation en commun des hydrocarbures dans la zone qui chevauche leurs blocs en eau profonde, où des découvertes importantes ont déjà été effectuées. Sao Tome, où les indices de pétrole sont plus que prometteurs, a réussi à se mettre d’accord avec la Guinée Equatoriale, nouvel eldorado pétrolier.
Mais au Nigeria, la décision de la Cour internationale de justice de La Haye, rendue le 10 octobre dernier et accordant la souveraineté de la péninsule de Bakassi au Cameroun, a été mal accueillie par une partie de l’opinion publique. Depuis fin 1993, les deux pays se disputent le contrôle de ce territoire marécageux riche en pétrole et ressources halieutiques. Après des affrontements militaires sporadiques, le Cameroun avait demandé à la Cour internationale de déterminer la frontière terrestre et maritime entre les deux pays.
La mauvaise humeur nigériane a été accentuée par les indications selon lesquelles le président Fradique de Menezes (Sao Tome) veut revenir sur un accord avec le Nigeria établissant une zone de développement conjointe sur une partie de leur frontière maritime, qui pourrait contenir d’importantes réserves de pétrole. Les dirigeants sao-toméens estiment en effet que le Nigeria, ayant repris les intérêts d’une société américaine partenaire qui a fait faillite, s’est arrogé une trop grande part du gâteau à venir.
Base navale américaine à Sao Tome ?
Les Nigérians sont d’autant plus irrités que, selon les dirigeants de Sao Tome, les Etats-Unis auraient l’intention d’établir une base sur ce petit territoire afin de protéger de près leurs intérêts dans le Golfe de Guinée. Les Américains ne confirment pas pour le moment ce projet. Mais on note que les visites de responsables de Washington se sont multipliées ; le sous-secrétaire d’Etat aux affaires africaines, Walter Kansteiner, vient d’y passer trois jours. Le président George Bush, qui avait reçu début septembre, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, un certain nombre de dirigeants africains, des producteurs de pétrole pour la plupart, s’était entretenu en tête à tête avec Menezes.
Un symposium organisé début 2002 à Washington a souligné l’importance du pétrole africain pour la sécurité nationale américaine. Ed Royce, président du sous-comité sur l’Afrique du Congrès américain, a souligné à cette occasion que l’importance des importations de pétrole du Golfe de Guinée oblige à « développer une stratégie pour protéger cette production du terrorisme » et à définir le rôle militaire des Etats-Unis et leurs relations avec les pays de la région.
D’autres pays producteurs intéressent les Américains dont le Tchad, l’Algérie et le Soudan. Le projet de l’oléoduc Tchad-Cameroun prévoit le développement des champs pétroliers autour de Doba dans le sud tchadien, dont les réserves sont estimées à un milliard de barils de brut, et l’acheminement du pétrole jusqu’à Kribi sur la côte camerounaise. Quant à l’Algérie, qui envisage de privatiser le puissant groupe d’Etat Sonatrach, elle a été fortement encouragée par les Américains à libéraliser entièrement le secteur…
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Marie Joannidis
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