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08/11/2002
Coopération : vers la fin de l’aide liée

(MFI) Depuis le début de l’année 2002, les trois quarts de l’aide au développement accordée aux 49 pays les moins avancés n’est plus « liée ». Les Etats bénéficiaires peuvent choisir librement leurs fournisseurs. A condition de faire des appels d’offres dans la transparence. Par le jeu de la concurrence, le coût des projets devrait baisser en moyenne de 15 % à 30 %.

Les pays donateurs ne trouvaient pas le deal anormal. Du moins jusqu’à ces derniers mois : « Je vous prête de l’argent, à condition que vous l’utilisiez pour m’acheter des marchandises et des services. » Les économistes appellent ce système « l’aide liée». Elle concerne 50 % de l’assistance des pays riches aux pays pauvres, elle-même chiffrée à 53 milliards de dollars par an. Et encore : la part de l’aide liée varie selon les donateurs.
Entre 1995 et 1999, période dont les statistiques ont été analysées dans le détail par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui regroupe 30 pays développés, plus de 90 % des financements consentis par la Suisse comportent l’obligation de contracter avec des entreprises helvétiques. La proportion est la même pour les financements suédois. A peine moins protectionnistes, la Norvège, le Portugal, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Finlande et le Danemark « lient » entre 50 % et 90 % de leur assistance financière. Le Canada, la France, le Royaume-Uni et l’Italie se situent un cran en dessous (25 % à 50 %). Seuls trois pays donateurs de premier plan ont usé avec beaucoup de modération de cette méthode : les Etats-Unis, la Belgique et l’Espagne.

Un dollar prêté en rapporte trois

Pour les donateurs, les avantages sont évidents : leurs entreprises gagnent des contrats internationaux. Ce qui fait rentrer des devises et crée des emplois. L’ancien président américain Richard Nixon ne plaisantait pas lorsqu’il répétait : « Rappelons-nous que le but de la coopération au développement n’est pas d’aider des pays tiers, mais de nous aider nous mêmes » ! Il est vrai que chaque dollar prêté au titre de la coopération en rapporte trois. D’abord sous forme d’intérêts, ensuite par le biais des projets à réaliser et enfin par les contrats supplémentaires générés par la technologie installée. Une station de radiodiffusion installée dans un pays d’Afrique par la coopération allemande, ce sont au moins dix ans d’équipements, de consommables et de pièces détachées made in Germany assurés. L’aide liée limite également les risques d’évasion des capitaux, qui ne voyagent pas : le pays donateur garde le contrôle des fonds, puisque les entreprises qui encaissent les factures sont ressortissantes du même pays.

Surcoût de 30 % pour cause d’absence de concurrence

Néanmoins, l’aide liée comporte des inconvénients. A commencer par l’absence de concurrence entre les fournisseurs. Tel pays africain qui a obtenu du Japon un prêt pour équiper le parc automobile de ses hôpitaux n’a eu le choix qu’entre Nissan, Toyota, Honda et autres Mitsubishi. Tant pis si ces constructeurs nippons n’offrent pas les meilleurs rapports qualité-prix. Un autre gouvernement bénéficiaire d’une assistance hollandaise pour des travaux d’assainissement a été contraint de faire appel à des sociétés d’ingénierie hollandaises. Impossible de vérifier qu’elles avaient la meilleure technologie aux meilleures conditions. Conséquence : les travaux et les achats faits dans le cadre de l’aide liée reviennent plus cher aux bénéficiaires. Les économistes de l’OCDE reconnaissent que le surcoût varie de 15 % à 30 % selon les cas. « Les surcoûts engendrés par l’aide liée représentent bon an mal an 7 milliards de dollars. Une somme guère éloignée de l’assistance totale que reçoivent les pays du Sahel, font valoir les dirigeants de l’ONG Action Aid. Qui dit absence de concurrence dit risque de corruption. »
De là à réclamer la disparition de ce mécanisme peu compatible avec le libre échange, il y a un pas que les pays donateurs eux-mêmes ont tenté de franchir à plusieurs reprises. En 1969 déjà, ils avaient mis la question sur le tapis, avant de conclure qu’il était urgent d’attendre. Jusqu’à ce qu’une coalition de 900 ONG relance le débat. Très en pointe, Action Aid, soutenue par Oxfam et Catholic agency for Overseas development a porté l’affaire devant la justice de l’Union européenne. Motif : l’aide liée est contraire aux règles de la concurrence au sein de l’Union. Un argument qui a l’heur de plaire aux grandes entreprises avides de parts de marché, désireuses d’aller brouter dans le pré carré de leurs voisins. Quelle grande société française exportatrice n’aimerait pas bénéficier d’une partie des contrats générés par la coopération allemande ?

La justice européenne saisie, les politiques se décident

Depuis trois ans que les magistrats se sont emparés du dossier, aucune décision judiciaire n’a été prise. En revanche, les politiques ont compris le signal. Les 30 donateurs membres de l’OCDE ont décidé de « délier » une grande partie de l’assistance financière aux pays les moins avancés (49 PMA dont 34 sur le continent africain). Depuis le début 2002, les pays pauvres qui obtiennent des financements pour améliorer leur balance des paiements, importer des marchandises ou réaliser des projets d’équipement ne sont plus obligés de s’adresser exclusivement aux entreprises des pays donateurs. Selon les experts de l’OCDE, cela concerne environ 70 % de l’aide aux PMA, soit 5,5 milliards de dollars de contrats pour 2002. « Un bon début », reconnaissent les ONG. D’ores et déjà, certains donateurs ont décidé d’aller plus loin : la Grande-Bretagne envisage de délier la totalité de son aide bilatérale. La Belgique veut faire de même : « L’aide liée appartient définitivement au passé », assurait en février dernier Eddy Boutmans, le secrétaire d’Etat chargé de la coopération.
Mais certains redoutent une baisse des financements. Les donateurs ne seraient-il pas tentés de faire preuve de parcimonie, dès lors que leurs entreprises ne seraient plus assurés de profiter des marchés créés ? D’autant que l’OCDE ne prévoit aucune sanction contre les donateurs qui ne joueraient pas le jeu, soit en continuant à pratiquer l’aide liée, soit en réduisant leur contribution à la coopération. Une telle attitude serait catastrophique, prévient le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan : « Pour réduire la pauvreté de moitié d’ici à 2015, il faudra au contraire doubler l’aide, en la faisant passer à plus de 100 milliards de dollars, et en la rendant plus efficace. » Pour Jean-Claude Faure, président du Comité d’aide au développement de l’OCDE, il faut faire confiance aux donateurs : « Les pays membres de l’organisation ne signent des recommandations que s’ils sont certains de pouvoir les appliquer », dit-il sobrement. Reste à voir si les entreprises locales pourront bénéficier, au moins partiellement, de l’ouverture théorique des marchés générés par l’aide publique.

Yolande S. Kouamé

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