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13/03/2003
Les subventions européennes minent l’agriculture africaine

(MFI) Bœuf, volaille, sucre, blé, coton, aubergines… La liste des produits agricoles subventionnés par l’Union européenne est longue. Déversés sur les marchés africains à prix artificiellement bas, ces exportations désorganisent les filières, ruinent les producteurs. L’Union européenne reconnaît le problème, mais tarde à le régler définitivement.

« Il est temps que les Etats-Unis et l’Europe réduisent les subventions à l’agriculture. À l’heure actuelle, ces subventions sont plus élevées que la totalité de ce que reçoivent les pays d’Afrique en aide au développement. Ces subsides font baisser les prix et ferment effectivement la porte aux producteurs des pays en développement. » L’homme qui lançait ce cri d’alarme, en juin 2002, dans le cadre de la Conférence monétaire internationale, n’est autre que le Premier ministre canadien, Jean Chrétien.
Il est bien placé pour dénoncer cette situation : son pays est l’un des rares du G7 à avoir arrêté toute forme de subvention agricole aux produits exportés. Et Jean Chrétien de brandir des chiffres : l’aide publique au développement totalise 50 milliards de dollars par an. Les subventions américaines et européennes sont sept fois plus élevées : elles dépassent le cap des 350 milliards de dollars. A elle seule, l’Union européenne représente les deux tiers de ces subventions à l’exportation, loin devant les Etats-Unis.

Surproduction bovine

Les produits bénéficiaires de ces subventions sont très nombreux. En premier lieu : le bœuf. L’Union européenne en produit plus qu’elle ne peut en consommer et en exporter aux conditions du marché. Ce qui entraîne des accumulations de stocks. En raison du coût élevé du stockage et d’une faible demande en Europe (prix, concurrence d’autres viandes), l’Europe a vendu à l’Afrique pendant des années un bœuf subventionné à hauteur de 2 dollars le kilo. « En Afrique de l’Ouest, et particulièrement au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les importations européennes ont réduit d’environ 50 % le prix du bœuf produit par les éleveurs locaux », constate un rapport établi par la Direction des relations économiques extérieures.
Les éleveurs d’Afrique australe se plaignent également des effets néfastes de ces subventions sur leurs ventes. La Namibie, dont le bœuf représente 70 % des exportations agricoles, subit de plein fouet la concurrence de la viande bovine européenne sur le marché sud-africain. Déjà, 70 % à 80 % de la viande utilisée dans les conserveries sud-africaines est importée d’Europe. Des campagnes d’information sur ce thème, menée par des ONG, ont eu un impact sur l’opinion publique européenne mais n’ont pas abouti à la fin des subventions. Et encore : le bœuf n’est pas le seul produit concerné par ce dumping qui ne dit pas son nom.

Quand l’importé vaut moitié moins que le local

Dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, la filière avicole est menacée par l’invasion de poulets et résidus de volailles congelés en provenance de l’Union européenne et vendus à bas prix. C’est le cas au Bénin et au Togo, mais aussi au Cameroun, où des centaines de producteurs qui avaient massivement investi dans cette filière se sont trouvés ruinés. « Comment voulez-vous que la ménagère m’achète un poulet à 1 800 FCFA pièce quand elle peut se procurer du congelé à 900 FCFA le kg ? », interroge un de ces éleveurs.
Le blé et la farine bénéficient également d’un puissant soutien financier de Bruxelles, afin d’écouler les excédents. Conséquence : les céréales produites localement (blé, mil et sorgho) sont durement concurrencées. En Afrique, le pain de blé est devenu un « aliment de base ». La preuve ? Certaines années, les importations de blé et produits dérivés représentent jusqu’à 60 % des importations éthiopiennes en provenance d’Europe. Un pays comme le Kenya a quintuplé ses importations de blé en moins de vingt ans.
Autres denrées subventionnées : le coton et le sucre. Plusieurs pays africains producteurs de coton menacent de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à propos des subsides dont bénéficient leurs concurrents européens. La crise est telle que dans de nombreux pays, dont le Mali, le Bénin et le Burkina Faso, les paysans refusent de poursuivre l’exploitation, préférant se reconvertir dans des cultures plus rémunératrices. Conséquence : toute la filière se désorganise.

Les Européens pas décidés

Le cas du sucre n’est pas différent. Ces dernières années, le Zimbabwe a assisté, impuissant, à l’invasion de son marché par le sucre made in Europe, meilleur marché. Même scénario au Swaziland dont les producteurs peinent à soutenir la concurrence de ce sucre artificiellement bas. « Nous allons devoir exporter plus vers les marchés internationaux », soupire Mike Matsebula, dirigeant de l’Association du sucre du Swaziland. Ce ne sera pas une tâche aisée, car non seulement des barrières douanières subsistent dans de nombreuses régions, mais la concurrence est féroce et les prix très bas, pour cause de subventions en tous genres.
Côté européen, on ne nie pas l’effet pervers des subventions. Plusieurs études sur leur impact ont été réalisées. Mais le sujet ne fait pas l’unanimité. Certains gouvernements minimisent les conséquences. Ainsi, récemment, sept ministres de l’Agriculture (dont ceux de la France, de l’Espagne, du Portugal, de la Belgique, de l’Irlande et du Luxembourg) ont cosigné un document : « Certains avancent que la politique agricole commune serait responsable de la faim dans le tiers-monde. Il faut savoir raison garder. Les agricultures de nombre de ces pays, en particulier en Afrique, ont avant tout vocation à assurer l’autosuffisance alimentaire. Celle-ci est gravement mise à mal par la destruction des agricultures traditionnelles qui provoquent une hausse des importations. » Avec un tel raisonnement, la fin des subventions n’est pas pour demain…

Yolande S. Kouamé

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