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24/04/2003
L’Afrique a faim de semences

(MFI) Les semences représentent un marché de 50 milliards de dollars pour lequel se battent des géants de la chimie et de la pharmacie. Les paysans pauvres d’Afrique pèsent à peine 2 % des échanges. Ils ne trouveront leur salut que dans le développement de variétés locales, dûment expérimentées et protégées.

Question : comment produire suffisamment de denrées agricoles pour nourrir la population africaine galopante ? Réponse : en augmentant les rendements, et donc en utilisant des semences améliorées. C’est ce que fait l’Egypte en développant une nouvelle variété de maïs jaune. But de la manœuvre : éviter les importations en provenance des Etats-Unis, qui représentent bon an mal an 4,5 millions de tonnes. Le gouvernement du Caire n’a pas hésité à mobiliser pour ce projet 250 hectares de terres (rien que pour les semences), pour un coût total d’environ 1,5 million d’euros.
Autre exemple : celui du riz, céréale de plus en plus prisée en Afrique, alors que la production ne suit pas la même courbe. Les études sur de nouvelles variétés de semences devraient permettre, à partir de cette année, d’obtenir des rendements supérieurs de 30 % à ceux actuellement obtenus avec des semences « ordinaires ». N’y aurait-il donc qu’à distribuer des semences de grande qualité aux paysans africains pour obtenir des récoltes miraculeuses ? La réalité est, hélas, autre.

Les « semences de ferme » mal protégées

Premier problème : le juteux marché des semences, – dont la part commercialisée, estimée à 30 milliards de dollars, a quadruplé depuis les années quatre-vingt – est contrôlé par quelques grandes multinationales qui ne sont pas réputées pour leur philanthropie. Entre autres : les américaines Dupont de Nemours et Monsanto, la suisse Syngenta et la française Limagrain. Les producteurs africains, qui ont rarement les moyens de s’offrir les meilleures semences au prix fort, représentent à peine 2 % du marché mondial. En outre, la réglementation internationale n’autorise pas les utilisateurs à reproduire anarchiquement les semences achetées. Elles sont protégées par des droits de propriété. L’Afrique devra donc, si elle veut accéder à des variétés améliorées, soit payer le prix fort, soit organiser sa propre filière semencière.
Pour l’heure, 80 % des variétés utilisées sont mises au point de manière traditionnelle, sans garantie de qualité. Ce que les spécialistes appellent des « semences de ferme ». Toutefois, quelques- unes d’entre elles présentent des caractéristiques intéressantes. Mais elles sont mal protégées contre les catastrophes et contre le pillage. Ainsi, au Rwanda, le déclenchement de la guerre civile a fait perdre la trace de quelque 500 variétés de haricot dont les semences étaient conservées artisanalement. « Les organismes internationaux ont donné de nouvelles semences. Mais ces dernières ne résistent pas aux insectes ni aux maladies locales », regrette un expert de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui suit le dossier.

Biopiratage du patrimoine africain

Il arrive aussi que les fermiers africains se fassent… piller les résultats de leurs techniques de reproduction. Faute de formation, d’argent et de moyens, la plupart d’entre eux ne font pas breveter leurs variétés. Résultat : des « chercheurs » occidentaux viennent puiser dans ce savoir-faire, et après quelques travaux d’amélioration, enregistrent les variétés au nom de leur compagnie. Quand ce n’est pas à titre personnel ! Un chercheur américain de l’Etat d’Idaho n’a pas hésité à réclamer un droit de propriété sur le teff éthiopien ! Autre exemple : un scientifique de Californie, qui a planché sur une variété de haricot du Kenya pendant qu’il travaillait à l’International institute for tropical agriculture (Nigeria), a exigé un droit exclusif sur le Kunde Zulu, variété locale, désormais mise sur le marché américain. Des biopiratages très fréquents, et d’autant plus regrettables qu’il faut en moyenne dix à quinze ans d’efforts pour mettre au point une variété viable.
Première étape de la « riposte » africaine : la création, en 2000, d’une Association africaine du commerce des semences (AFSTA) dont le siège se trouve au Kenya. Son but : faciliter les échanges entre les semenciers africains du secteur moderne. Deuxième étape : la protection des variétés mises au point dans les laboratoires du continent. Enfin, les professionnels et les organismes publics multiplient les accords bilatéraux avec leurs homologues occidentaux, au lieu de les laisser piller le patrimoine biologique.
Une démarche que soutiennent plusieurs ONG et organisations internationales, à commencer par la Fédération internationale du commerce des semences. Inquiète du double danger que représentent la vente de semences au prix fort aux pays pauvres et le piratage de leurs ressources, la FAO appelle à plus de responsabilité. « Chaque plante d’intérêt commercial cultivée dans les pays développés aujourd’hui a son origine dans les pays dits en développement, expose à ce sujet Umberto Menini, chef du service des semences et ressources phytogénétiques à la FAO. Restituer les semences serait une façon peu coûteuse de rembourser cette grosse dette. » Ce plaidoyer est loin d’être entendu.

Yolande S. Kouamé

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