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30/05/2003
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Pétrole africain : l’offensive de charme des Américains
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(MFI) L’importance croissante pour les Etats-Unis des ressources africaines de pétrole et de gaz a été confirmée à la conférence pétrolière organisée à Luanda fin mai, dont les travaux ont été marqués aussi par des appels pressants pour assurer aux pays africains une plus grande part de la valeur ajoutée de ce secteur afin d’accélérer le développement.
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Avec l’ombre de la guerre en Irak et de ses retombées planant toujours sur le marché pétrolier international, la 7e Conférence sur le négoce et le financement du pétrole et du gaz en Afrique, organisée par la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), le ministère angolais du Pétrole et la société d’Etat Sonangol à l’Assemblée nationale de Luanda, a fourni l’occasion aux Américains de lancer une véritable offensive de charme en direction des Africains. Parlant devant 500 ministres, hauts fonctionnaires, représentants de l’industrie pétrolière et banquiers internationaux, le chef de la délégation américaine a réaffirmé l’intention de Washington d’établir des relations économiques et politiques durables avec les pays de la région, soulignant que l’énergie est « un facteur critique pour le développement durable et des revenus fiables ».
John Brodman, sous-secrétaire au Département de l’Energie, a estimé que les achats américains de brut africain, qui constituent « plus de 15 % de nos importations, devraient rapidement atteindre près de 20 % ». Grâce aux découvertes en mer profonde et très profonde, notamment dans le Golfe de Guinée, la production africaine « pourrait augmenter de 3 ou 4 millions de barils/jour d’ici trois ou quatre ans, a-t-il dit ; quel que soit le scénario, l’Afrique sera un fournisseur majeur pour la prochaine décennie ».
Gros sous en Angola
L’Angola, pays hôte de la conférence et deuxième producteur d’Afrique sub-saharienne derrière le Nigeria, a livré aux Américains du brut d’une valeur de près de 3 milliards de dollars en 2002, en hausse d’un milliard depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Et les Etats-Unis seront, à partir de 2005, le plus important client d’une usine de gaz naturel liquéfié (GNL) implantée près de Soyo, dans le nord du pays, par Angola LNG, société constituée par Sonangol et les « majors » ChevronTexaco, Exxon, BP et Total ; l’investissement dépasse les 2 milliards de dollars. Angola LNG produira 4 millions de tonnes de GNL par an pour l’exportation.
Ce projet permettra non seulement de mieux protéger l’environnement en mettant fin au « torchage » du gaz dans les champs géants au large de l’Angola, mais facilitera aussi le développement des ressources gazières de l’offshore angolais, a souligné Syanga Abilio, l’un des administrateurs de Sonangol. Tout au long de la conférence, un intérêt accru s’est manifesté pour l’utilisation du gaz associé au pétrole brut : actuellement brûlé à la torche sur la plupart des champs pétrolifères africains, il pourrait alimenter des centrales qui fourniraient l’électricité qui manque encore cruellement dans bien des pays.
Un membre de la nombreuse délégation américaine, fidèle à l’idée que « le marché » est le meilleur garant d’une bonne allocation des ressources et de la sécurité dans le domaine de l’énergie – propos qui ne sont pas passés inaperçus dans un pays où le pétrole est dominé par l’Etat – a souligné que « la continuation des succès africains dans le secteur de l’énergie dépendra du maintien des investissements », estimant que ceux-ci seront notamment liés à « la transparence et la bonne gouvernance ».
Le « triangle gouvernements-compagnies-société civile »
Pour ce délégué, c’est aux gouvernements africains de s’assurer que leurs populations bénéficient de l’argent du pétrole : « Les compagnies pétrolières ne peuvent pas fournir des services qui doivent normalement être assurés par les gouvernements. Le rôle de l’industrie est de générer des richesses, celui des gouvernements est de les gérer. » Autre son de cloche de la part des pétroliers européens : Odd Godal, de la Statoil norvégienne, a expliqué en détail comment les « principes de responsabilité sociale » adoptés par son groupe ont été mis en œuvre dans le delta du Nigeria en coopération étroite avec les ONG et les collectivités locales, et ont, selon lui, permis d’éviter des conflits.
Hubert Loiseleur des Longchamps, directeur de Total pour l’Angola, a de son côté développé l’idée que la présence du groupe dans ce pays constitue un « partenariat pour la prospérité ». Rappelant que le géant franco-belge est présent en Angola depuis cinquante ans – la compagnie belge Fina avait commencé ses opérations dans le pays dès 1952 –, il a affirmé que Total, 4e groupe pétrolier mondial et le premier en Afrique, s’est engagé à contribuer au développement économique et social du pays hôte. « Nous sommes prêts à faire davantage pour le peuple angolais », a-t-il dit, précisant que le groupe investit 10 millions de dollars par an dans la formation de jeunes ingénieurs et techniciens du pays, dont beaucoup sont ensuite embauchés par le groupe.
En outre, Total tient compte de la nécessité de contribuer au développement de l’industrie angolaise : comme pour Girassol, une grande partie des équipements pour Dalia, le nouveau champ du Bloc 17 qui devrait produire 240 000 barils/jour à partir de la mi-2006, sera fabriquée par l’entreprise Sonamet de Lobito, une joint venture entre Sonangol et des sociétés étrangères, qui bénéficiera d’un important transfert de technologie. Ce qui assurera 2 millions d’heures de travail – sur un total prévu de 10 millions – à un millier d’ouvriers angolais. D’autres équipements seront fabriqués sur d’autres sites au nord de Luanda.
La conférence a également discuté des mécanismes de financement qui pourraient permettre aux compagnies africaines de jouer un plus grand rôle dans l’offshore, ainsi que des moyens pour protéger non seulement les pays producteurs mais aussi les pays consommateurs, notamment enclavés, contre les variations des cours du marché pétrolier. Les perspectives de l’exploration dans de nouvelles régions ont également été évoquées. Le Maroc, qui accueillera l’an prochain à Marrakech la 8e conférence pétrolière de la Cnuced, a fait état de ses espoirs de rejoindre les nouveaux-venus du « club » des pétroliers africains, comme la Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe et le Tchad.
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Jan Kristiansen,
envoyé spécial à Luanda
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