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12/06/2003
Michel Camdessus : pourquoi Evian est un sommet positif pour l’Afrique

(MFI) Michel Camdessus, le représentant personnel ou « sherpa » pour l’Afrique du président français Jacques Chirac, estime que le sommet du G8 à Evian a marqué des avancées pour les Africains malgré quelques points d’ombre. Entretien.

MFI : Quel bilan faites-vous du Sommet d’Evian ?
Michel Camdessus
: Pour ce qui est de l’Afrique et du Nepad, le sommet d’Evian a tenu ses promesses. C’est une étape qui consolide le Nepad et assure l’élargissement de ce partenariat, au-delà des membres du G8, aux principaux pays donateurs d’aide de l’OCDE et aux grandes organisations internationales. Cette décision est importante. Nous n’avons cessé, au cours de cette année – qui a été difficile, avec les troubles en Côte d’Ivoire, au Zimbabwe, la guerre en Irak, etc. – de travailler dans l’esprit le plus constructif avec nos partenaires africains ; nous avons déjà répondu à un grand nombre d’engagements pris dans le cadre du Plan d’action pour l’Afrique de Kananaskis.
Comme dans tout bilan, il y a évidemment des points positifs et des points négatifs. J’aurais aimé, par exemple, qu’en matière d’accès aux médicaments génériques pour les pays les plus pauvres on ait pu avancer, alors que nous sommes encore sur une position de négociation difficile. J’aurais aimé que les propositions du président de la République française, concernant en particulier la suspension des subventions aux exportations agricoles vers l’Afrique, soient acceptées, après avoir été endossées comme vous le savez par l’ensemble des pays d’Europe. Ce n’est pas encore le cas.

MFI : Où en est-on concernant le financement de l’aide, le fonds de financement proposé par les Britanniques et le financement du Nepad ? Sur le premier point, l’Afrique a-t-elle commencé à recevoir les six milliards de dollars supplémentaires promis à Monterrey ?
M. C.
: La réponse est oui. Est-ce que ce sera suffisant ? Ma réponse est non. C’est un premier pas en avant tout à fait important. A Monterrey, nous avons décidé d’interrompre le mouvement à la baisse de l’aide publique au développement (APD) de ces dernières années, et d’augmenter celle-ci de 25 % sur trois ans. La France est passée de 0,32 % du PIB consacré à l’APD il y a deux ans à 0,40 % cette année, s’achemine vers 0,5 % du PIB en 2007 et vise 0,7 % en 2012. Les Britanniques et les Canadiens feront des efforts importants. Les Américains aussi ont pris des décisions budgétaires allant dans le même sens et ont pris en matière de sida une initiative spectaculaire.
Mais il faudra faire plus, et c’est là toute l’importance de l’initiative britannique : celle-ci porte sur un mécanisme, mis à la disposition des pays qui ne sont pas encore à 0,7 % de leur PIB, qui leur permettrait d’emprunter et d’utiliser cet argent pour l’APD. La France soutient cette initiative. Il faut maintenant la faire partager par un certain nombre d’autres grands pays industriels… C’est ce que nous sommes en train de négocier.

MFI : Certains projets du Nepad ont-ils déjà reçu des fonds ? Et que penser des informations selon lesquelles il faudra mobiliser, dans un premier temps, de 65 à 70 milliards de dollars pour ce partenariat ?
M. C.
: Je suis trop vacciné par ma longue expérience internationale pour ne pas émettre les réserves les plus profondes sur ces chiffres globaux ! Ils ne signifient rien… Le Nepad, c’est tout autre chose que des chèques. C’est d’abord la création, par une action en commun, des conditions qui permettront aux investissements privés et aux financements publics de se mettre en place de façon optimale. Ensuite, et simultanément, ce sont des travaux techniques sérieux, pour déceler les vraies priorités, établir l’ordre dans lequel il faut engager les projets, et évidemment identifier les projets qui sont prêts et peuvent démarrer. C’est ce qui est en cours. Ceci doit se faire, suivant la nature des projets, par des financements publics, publics-privés – et nous avons tous une préférence pour ce type de contributions – ou entièrement privés.
La France a dès à présent retenu, sur la liste proposée par les Africains, différents projets qu’elle s’apprête à financer dans les secteurs de l’énergie, de la gestion des ressources naturelles et des transports. Ce sont le régulateur régional de l’électricité en Afrique de l’Ouest, la remise en état de la centrale d’Inga, le renforcement de l’interconnexion entre l’Afrique du Sud, le Swaziland et le Mozambique. Mais aussi l’appui à la gestion intégrée de l’eau du bassin de Niger – ceci intéresse 220 millions de personnes –, la gestion durable et optimisée du massif forestier du bassin du Congo et la gestion durable des ressources de pêche en Afrique de l’Ouest. Enfin, en matière de transports, il s’agit des corridors en Afrique de l’Ouest, dont la crise en Côte d’Ivoire a bien montré combien ils étaient indispensables. Pour tous ces projets, le Nepad passe des grandes conceptions aux réalisations concrètes.

MFI : L’annexe sur le maintien de la paix en Afrique définit un cadre général pour ce qui est déjà en cours. Qu’y a-t-il de nouveau ?
M. C.
: D’abord, il est tout à fait symbolique que la première grande action entreprise en commun à la demande des Africains porte sur le maintien ou la consolidation de la paix sur le continent. Deuxièmement, c’est un programme qui va s’étaler sur la durée… On ne crée pas une armée, un équipement sérieux en un tour de main. On va créer des centres de formation, positionner des munitions et des engins modernes, entraîner des troupes, organiser les capacités stratégiques des états-majors… On va aussi mettre en place les moyens civils d’un acheminement plus rapide des moyens humanitaires. On va surtout mettre en place des moyens de prévention des conflits et des opérations de médiation de toute sorte qui pourraient les éviter.

MFI : Les anti ou alter-mondialistes ont affirmé qu’Evian était un sommet pour rien… Que va-t-il se passer maintenant?
M. C.
: D’abord, ce n’est pas l’avis des Africains, et ce n’est pas du tout l’avis de ceux qui travaillent au quotidien avec nous pour faire face aux défis de l’Afrique. Il s’agit d’arrêter ce continent sur la pente d’un déclin dramatique. Cela ne se fait pas en un tour de main. Nous, représentants du G8 pour l’Afrique, sommes invités à continuer à travailler, et à faire de nouveau un rapport, au plus tard en 2005, en continuant entre-temps la concertation que nous avons avec les Africains, pour nous assurer que le Plan d’action de Kananaskis s’approfondisse, en invitant nos amis d’autres pays à se joindre à nous. Il faudra que les Africains de leur côté fassent beaucoup d’efforts. Mais nous sommes là pour travailler avec eux, et tâcher de trouver avec eux les raccourcis vers le développement.

MFI : Il semble que les Américains, qui vont accueillir le prochain G8, souhaitent un sommet restreint et court ?
M. C.
: Tous les pays s’apprêtant à présider un sommet partent avec l’ambition d’avoir un sommet dont l’ordre du jour serait aussi allégé que possible. C’est très bien, et il faut que les Américains aient cette ambition. Mais ils savent aussi bien que nous, et ce sont presque les mots du président Bush, qu’il n’y a pas de défi plus grand pour l’humanité que celui du développement de l’Afrique, un continent qui était à la dérive. Et je suis persuadé qu’ils trouveront, d’une façon ou d’une autre, le moyen de maintenir l’impulsion pour que l’Afrique reste au premier rang des priorités l’année où les Etats-Unis président le G8.

Propos recueillis par Jan Kristiansen

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