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31/07/2003
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Les fondations d’entreprises de France s’éveillent à l’international
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(MFI) Longtemps repliées sur l’Hexagone, les fondations d’entreprises s’intéressent de plus en plus à l’international. Elles ne se contentent pas de délivrer des chèques pour se donner bonne conscience. Elles planifient sur le long terme, se font aider par des ONG et impliquent leurs salariés. Le gouvernement de Paris applaudit. Les bénéficiaires aussi.
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A vrai dire, les entreprises françaises ne sont pas les reines du mécénat humanitaire, ni du mécénat tout court. Toutes activités (humanitaires, culturelles, sportives) confondues, seules 2000 d’entre elles ont des actions de mécénat. Ce qui représente un budget global de 643 millions d’euros. Une peccadille, comparée aux 217 milliards que dépensent chaque année les sponsors américains. Là-bas, les fondations d’entreprises sont de véritables mastodontes de la charité. La plus imposante, la fondation Gates (Microsoft) est dotée de 32 milliards de dollars. Les trois suivantes, Lilly, Ford et Robert Wood, alignent respectivement 13, 11 et 9 milliards de dollars de fonds disponibles. En outre, les groupes français réservent encore très peu de moyens aux actions de solidarité internationale, préférant se faire remarquer dans leur proche environnement. Résultat : l’international ne représente que 4 % des actions de solidarité, selon les chiffres de l’Admical, l’association qui fédère les mécènes.
Mais les entreprises tricolores sont de plus en plus nombreuses à s’intéresser au Tiers-Monde. « Alors que les dix dernières années avaient été marquées par un recentrage du mécénat de solidarité sur l’Hexagone, il semble que l’action internationale reprenne, se structure davantage au travers d’ONG », peut-on lire dans le dernier rapport de l’Admical. Explication : le public est de plus en plus sensible aux problèmes internationaux, les entreprises comprennent qu’elles peuvent soigner leur image en s’engageant dans les situations d’urgence (famine, épidémies) mais aussi dans des actions d’éducation… Par ailleurs, les grands groupes français sont nombreux à accéder au statut de multinationale. Difficile alors de ne pas faire là où ils sont implantés les gestes qu’ils font à domicile. Enfin, le mécénat local aide parfois ces groupes à intégrer leurs collaborateurs dans l’environnement local. Résultat : les fondations créées au départ pour la France étendent leurs actions à l’international.
Rénover des écoles, faciliter l’accès aux soins de santé, redonner espoir aux enfants…
Un exemple parmi d’autres : le distributeur Carrefour, présent en Europe, en Amérique latine et depuis peu en Afrique. En décembre 2000, il a « mondialisé » sa fondation, en se payant au passage un conseiller (bénévole) de luxe pour le choix des projets à financer : Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général des Nations unies. Dotation : 150 millions d’euros. L’exemple de Carrefour n’est pas isolé. La fondation du Crédit coopératif de France aide plusieurs pays africains à créer des caisses d’épargne accessibles aux populations les plus pauvres. L’action est conduite avec le concours d’ONG de France, de Belgique et d’Allemagne. La fondation du groupe hôtelier Accor, bien implanté en Afrique, finance des rénovations d’écoles, organise des journées portes ouvertes au profit des enfants, les laissant patauger dans ses luxueuses piscines et leur servant des repas. Gratuitement bien sûr. Quant à la fondation Novartis France, elle participe à des actions facilitant l’accès des populations pauvres aux soins élémentaires. Elle fournit notamment des doses gratuites au programme des Nations unies pour l’éradication de la lèpre. Budget total de cette opération : 35 millions de dollars.
Fait significatif, les fondations n’interviennent pas nécessairement dans des domaines en rapport avec l’activité de l’entreprise. Ainsi Air France s’active en Asie et en Afrique dans les domaines de l’enfance maltraitée ou déshéritée. Parmi les bénéficiaires figurent le Maroc et le Sénégal. Les Mutuelles du Midi ont choisi de lutter contre le handicap qui frappe de nombreux Africains, en raison notamment des mines anti-personnel. Quant à la fondation Total, l’essentiel de ses efforts porte sur les enfants victimes de la guerre.
Les salariés peuvent prendre un « congé humanitaire »
Ce mécénat humanitaire qui monte ne se limite pas à la délivrance d’un chèque. Les entreprises planifient des actions de longue durée. Ce qui passe par des budgets pluriannuels, préférables au coup par coup sans lendemain. Plus d’une centaine d’entreprises françaises ont des budgets de solidarité internationale programmés sur plus de trois ans. C’est le cas des fondations de France Telecom, de Gaz de France, de Casino (grande distribution) ou encore de la Caisse des dépôts et consignations (CDC)…
Preuve supplémentaire de l’engagement à long terme : les entreprises sont de plus en nombreuses à associer leurs propres salariés à ces initiatives. Certains y consacrent une partie de leur temps de loisir. D’autres sont autorisés par leur employeur à faire du mécénat sur leur temps de travail. Bien sûr, rien n’empêche de faire les deux. En effet, la loi française donne aux salariés la possibilité de prendre un congé humanitaire pour se consacrer pendant un temps plus ou moins long à des actions de solidarité internationale. Tous les ans, une dizaine de salariés du Club Méditerranée en profitent. Au total, plus de 6000 salariés du Club participent aux actions du groupe. A la CDC, les salariés ont même créé une ONG, baptisée CDC Tiers-Monde. Cette association soutient financièrement des micro-projets en levant des fonds auprès du personnel, qui sont ensuite abondés par l’entreprise. Le gouvernement français souhaite renforcer ces actions. Il prépare une loi qui accordera aux fondations d’entreprises des avantages fiscaux et incitera les salariés à contribuer encore plus aux différentes initiatives.
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Yolande S. Kouamé
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