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24/10/2003
Les TIC et l’éducation en Afrique (1) : Priorité à la technologie ou au contenu ?

(MFI) L’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les systèmes éducatifs n’est pas encore effective dans toute l’Afrique. Mais elle est déjà au centre d’un débat houleux.

Avec 10 % de la population du globe, l’Afrique subsaharienne ne dispose que de 0,1 % des connexions mondiales à l’Internet, selon le Rapport annuel du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) rendu public en 2001. Et le Pnud de préciser la même année : « Seulement 0,4 % de la population africaine utilise l’Internet. » Rien d’étonnant, car le téléphone reste encore un luxe pour des millions d’Africains.
Et pour cause : l’installation du téléphone coûte cher. Selon l’Union internationale des télécommunications, la connexion téléphonique de 5 % d’Africains nécessiterait un investissement de 50 milliards de dollars. Or, selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), « ce montant dépasse largement les capacités de financement du secteur public ». Comme le téléphone, le micro-ordinateur reste hors de prix pour nombre d’Africains. « Le prix d’un ordinateur peut être égal à huit ans de salaire ou à la scolarisation de 20 enfants », affirmait, en 1999, Alpha Oumar Konaré, alors président de la République du Mali, au cours du Forum organisé à Addis-Abeba par la CEA sur le thème « Le défi de la mondialisation et l’ère de l’information ».


L’accélération de l’inclusion numérique

Dans ce contexte général, l’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les écoles africaines est-elle techniquement possible ? La plupart des experts répondent par l’affirmative. Et la réalisation de certains projets vient appuyer cette position. L’Université virtuelle africaine fonctionne depuis quelques années avec succès. Il en est de même du programme de recherche dans le domaine des TIC pour l’éducation concocté par SchoolNet Africa. Cette ONG panafricaine indépendante a pour principal objectif la promotion dans les écoles de l’enseignement utilisant les TIC, en partenariat avec un réseau de praticiens fonctionnant dans plus de 30 pays d’Afrique. Le projet baptisé « Un million d’ordinateurs pour les écoles africaines : appel aux partenaires » participe de la même philosophie. Il vise à accroître l’accès aux TIC de millions d’étudiants africains.
Comme la Banque mondiale, SchoolNet Africa milite en faveur de l’accélération de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’inclusion numérique dans les systèmes éducatifs en Afrique. Ces institutions encouragent la multiplication des projets d’appui au raccordement des écoles à Internet.
Cette position est vertement critiquée par Lalla Ben Barka. « Lorsque je travaillais au Mali dans l’éducation, nous avons reçu de nombreuses offres de donateurs, qui nous parlaient de classes du primaire équipées d’ordinateurs. Nous leur avons dit : “Merci beaucoup, nous savons que les avantages potentiels seraient énormes, mais il faut d’abord que nous y soyons préparés” », indique la secrétaire exécutive adjointe de la CEA.


Certains posent de nombreux préalables

Pour cette fonctionnaire internationale d’origine malienne, un certain nombre de dispositions devraient être prises avant de procéder à l’introduction des TIC dans les écoles. En premier lieu, la définition d’un contenu africain sur Internet. « Nous avons commis des erreurs en acceptant des informations et des connaissances de l’extérieur que nous n’avions pas assimilées ; nous devons produire nos propres connaissances », souligne-t-elle. Et d’ajouter : « Si nous n’avons pas notre propre vision d’avenir et nos propres sites, nous resterons de pauvres consommateurs, submergés par des informations mal digérées, venant de l’extérieur. » En clair, il faut accorder la priorité au contenu de l’enseignement, aux connaissances transmises aux élèves africains à travers les TIC.
Dans la même veine, Louise Fréchette, vice-secrétaire générale de l’Onu, soutient : « Si la population ne sait pas lire, les TIC – quand bien même elles seraient accessibles – resteront plus lointaines qu’aujourd’hui. » En 2003, à peine plus d’un enfant burkinabé sur trois a la chance de fréquenter l’école et sait lire et écrire ; il est même devenu rare, au sud du Sahara, de disposer d’un livre de lecture pour deux élèves de primaire. Plus grave, de nombreux pays, soumis à des plans d’ajustement structurel drastiques, semblent incapables d’augmenter leur budget de l’Education proportionnellement à la croissance de leur population d’âge scolaire. Dans tous les cas, pour Lalla Ben Barka comme pour Louise Fréchette, l’alphabétisation des jeunes Africains semble primordiale. Tout comme l’électrification des zones rurales où vivent plus de 70 % de la population africaine. « Installer des ordinateurs dans des écoles rurales africaines où il n’y a pas d’électricité tient du gaspillage », affirme Lalla Ben Barka.
Malgré ces divergences de vue, sur le continent, tous les observateurs reconnaissent que l’utilisation des TIC dans l’enseignement supérieur pourrait constituer une chance inimaginable pour la modernisation et l’essor des enseignements primaire et secondaire.


Gervais Nitcheu

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