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10/12/2004
L’impossible démobilisation des enfants soldats

(MFI) La fin de la guerre en Afghanistan, en Angola et en Sierra Leone a conduit à la démobilisation de 40 000 enfants, mais plus de 25 000 ont été entraînés dans les seuls conflits de Côte d’Ivoire et du Soudan… La Coalition pour mettre fin à l’utilisation des enfants soldats vient de rendre public son rapport 2004, qui souligne notamment le défi que représente le retour à la vie civile de ces combattants pas comme les autres.

« L’air égaré des enfants survivants nous interpelle tous et nous demande comment nous pouvons accepter de vivre dans un monde où des enfants peuvent être pris en otages, brutalisés et assassinés lors de conflits entre adultes » : fidèle à elle-même, la Mozambicaine Graça Machel, qui se mobilise depuis dix ans déjà, a gardé intacte sa capacité d’indignation face à un usage qualifié de « pratique nuisible et méprisable » par le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, ou de « forme horrible de violence » par le pape Jean-Paul II. Dans sa préface au Rapport mondial 2004, que vient de publier la Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats (1), Graça Machel écrit encore : « Les gouvernements et les groupes armés doivent être tenus responsables pour leurs actions et cependant ont besoin d’être aidés dans leurs efforts en vue de mettre fin à l’utilisation des enfants en tant que soldats et à les rendre à leurs familles et communautés. »
L’Unicef-France a consacré sa campagne 2004 à la démobilisation des enfants soldats ; l’association, qui représente dans l’Hexagone le Fonds des Nations unies pour l’enfance, a recueilli plus de 100 000 signatures pour une pétition (2) demandant, notamment, l’application immédiate de sanctions à ceux qui utilisent des enfants soldats et l’application systématique des résolutions 1379 et 1460. La première stipule qu’aucune négociation de paix « ne doit être menée sans l’intégration prioritaire de la situation des enfants et de programmes d’accompagnement " d’après-conflit " étendus à tous les enfants enrôlés (combattants ou non) ». La seconde indique que « tous les pays doivent inscrire dans leur aide le soutien à des programmes de réunification familiale, de réhabilitation (scolarisation-formation) des enfants traumatisés par leur participation à des conflits, en prenant en compte la situation particulière des filles ».


Renverser les mentalités chez les enfants mais aussi au sein des communautés

Car l’un des grands problèmes en la matière – on estime aujourd’hui à 300 000 le nombre d’enfants soldats dans le monde, dont 120 000 en Afrique – est la difficulté à faire reprendre un cours normal à la vie d’un enfant dès lors qu’il a été enrôlé. Il s’agit, explique Amnesty International (3), membre comme Unicef-France du collectif français contre l’utilisation d’enfants soldats lancé fin novembre 2004 à Paris, « de jeunes pour lesquels les idées de justice, du bien et du mal sont différentes ». Témoin et/ou acteur de violences inouïes, l’enfant soldat n’est pas toujours ravi à l’idée de réintégrer la vie civile. S’il s’est engagé « pour pourvoir aux besoins de sa famille, ou parce qu’orphelin, il recherchait la sécurité au sein d’un groupe », ces causes n’ont pas disparu avec la fin du conflit. S’il a été enrôlé de force, il a le plus souvent été obligé de commettre des exactions dans son village sinon sur sa propre famille, et son retour lui apparaît alors impossible, généralement à juste titre. « La priorité réside, écrit encore Amnesty, dans le renversement des mentalités à la fois chez les enfants mais aussi au sein des communautés. »
Comment convaincre un enfant de revenir à la vie civile ? Comment lui montrer que d’autres voies que la vie avec son fusil pour tout appui sont possibles ? D’après les expériences menées, rapporte Beth Verhey qui a travaillé sur le sujet pour la Banque mondiale, trois facteurs comptent : la réunification des familles, le soutien psychosocial et la fourniture d’opportunités d’éducation et de revenus.


Dix à trente pour cent seulement d’enfants soldats démobilisés

Au Salvador (Amérique centrale), plus de 80 % des anciens enfants soldats déclarent que la famille a joué le premier rôle dans leur retour à la vie civile, bien que cette réunification ne se passe pas sans difficultés. Elle nécessite d’ailleurs souvent le recours aux cérémonies de purification, insiste Rosalie Azar, d’Amnesty, un enfant ayant commis des exactions pouvant être considéré comme « spirituellement contaminé » et donc susceptible de transmettre ce mal à sa famille sinon à toute la communauté. Au Mozambique et en Angola, des cérémonies de guérison ont « permis de reconnaître et d’apaiser les sentiments de culpabilité ressentis par l’enfant ». Cette cérémonie de rupture nette avec le passé ne sera cependant efficace, dans les cas d’atrocités commises dans le village d’origine de l’enfant, qu’à condition d’être conjuguée avec une certaine justice, quelle qu’en soit la forme, traditionnelle ou communautaire.
Le soutien psychosocial peut être communautaire ou individuel. L’approche collective apparaît mieux adaptée dans les sociétés organisées autour des communautés, mais même dans ce cas, une prise en charge « à l’occidentale » du traumatisme vécu peut se révéler nécessaire pour un petit pourcentage des enfants concernés. Désocialisé, l’enfant soldat n’a intégré au cours de son développement affectif que les valeurs militaires et la violence comme moyen de réaliser un objectif. Son identité de soldat a écrasé celle du civil, du citoyen.
Enfin, le retour à la vie civile ne peut réussir qu’avec des perspectives scolaires ou professionnelles, susceptibles de générer à terme un métier et donc des revenus. Certains programmes de réintégration ont prévu le retour à l’école des enfants démobilisés ; mais une difficulté réside dans l’incapacité de certains à payer l’écolage, quand ce n’est pas le refus de se retrouver sur les mêmes bancs que des enfants bien plus jeunes. En définitive, on considère que 10 à 30 % seulement des enfants soldats sont effectivement démobilisés. D’où l’impérieuse nécessité de prévenir le phénomène en amont.

(1) Coalition to stop the use of child soldiers, http://www.child-soldiers.org
(2) La pétition peut être signée en ligne sur http://www.unicef.fr
(3) La Commission enfants de la section française d’Amnesty International a publié un numéro spécial de son Bulletin (n°8, janvier 2004) consacré aux enfants soldats, http://www.amnesty.asso.fr



Ariane Poissonnier

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