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15/04/2005
Éducation des sourds
Le langage des signes toujours en panne


(MFI) Le langage parlé est, aujourd’hui en Afrique, le principal moyen de transmission du savoir et des connaissances. Or il est loin d’être adapté aux élèves et étudiants souffrant de déficience auditive, lésés dans le système scolaire parce que le langage des signes n’est pas suffisamment promu. La Conférence internationale sur l’éducation des sourds, en juillet prochain aux Pays-Bas, pourrait être l’occasion de sensibiliser davantage les responsables.

D’après le livre Histoire des sourds en Belgique, en France et dans les autres pays, du Belge Bernard le Maire, les vestiges du langage gestuel primitif – par opposition au langage parlé – se retrouvent dans les systèmes de communication des Indiens d’Amérique du Nord et de certaines populations d’Afrique. En clair, l’Afrique et l’Amérique sont les berceaux des prémices du langage des signes. Paradoxalement, le continent noir est aujourd’hui à la traîne, en ce qui concerne la pratique de ce langage parfaitement adapté aux personnes déficientes auditives.
Le langage des signes est incontestablement le parent pauvre des langues d’enseignement en Afrique. A la différence des langues officielles et d’usage, il manque cruellement de moyens de promotion, par exemple de livres et jeux en langue des signes. Sur la cinquantaine de pays que compte le continent, aucun ne dispose véritablement d’un plan national de vulgarisation du langage des signes, qui soulignerait formellement la nécessité de former à la fois les sourds et leurs proches parents.


Le langage des signes britannique utilisé depuis 1846 en Afrique du Sud

La plupart des politiques menées dans quelques Etats africains limitent l’apprentissage de ce langage aux seuls sourds. En République démocratique du Congo, au Togo, au Cameroun, la langue des signes française est, depuis quelques années, à la fois une matière et la langue d’enseignement des autres matières dans les rares écoles spécialisées. C’est le cas, par exemple, au Centre de rééducation pour enfants sourds à Douala ou à l’École spécialisée pour enfants déficients auditifs à Yaoundé. Dans les Etats anglophones d’Afrique, l’on privilégie l’ASL (langage des signes américain) ou le BSL (langage des signes britannique). En Afrique du Sud, le BSL est utilisé depuis 1846 dans la première école pour sourds du pays. Hors de ces centres, point de langage des signes. Lorsqu’ils quittent les salles de cours, les sourds ne pratiquent plus leur langue. Car dans leur environnement immédiat, personne ne la parle. Ce manque de pratique les handicape et influe négativement sur leur capacité à assimiler et à maîtriser le langage des signes. En effet, comme pour toutes les langues vivantes, c’est la pratique qui compte avant tout.
C’est pourquoi de nombreux spécialistes, comme Bernard Le Maire, proposent que le langage des signes soit aussi enseigné à l’ensemble des personnes faisant partie du milieu – familial ou communautaire – dans lequel les sourds vivent. « Les proches parents devraient être formés systématiquement au langage des signes et à titre gracieux », recommande Moustapha Mbodj, un expert sénégalais. Et le réseau international Enabling education network renchérit: « Le défi des quinze prochaines années est de travailler avec les écoles spécialisées, afin de promouvoir le langage des signes au niveau familial et communautaire pour que les enfants sourds puissent être intégrés dans les initiatives de l’EPT [Éducation pour tous, ndlr] et dans leurs communautés les plus proches. » Le réseau encourage d’ailleurs les ressortissants des pays du Sud en général, et ceux d’Afrique en particulier, à porter ce message à Maastricht, aux Pays-Bas, en juillet prochain à l’occasion de la Conférence internationale sur l’éducation des sourds.


Uwakiwa, en Tanzanie : un exemple à suivre

Pour l’heure, un seul pays africain semble se préoccuper sérieusement de la formation des proches parents des sourds au langage des signes. Il s’agit de la Tanzanie. Dans ce pays d’Afrique de l’Est, des efforts sont déployés depuis quelques années. C’est le résultat de la campagne que mène Uwakiwa pour l’intégration des personnes déficientes auditives dans la société et dans leur famille. Cette structure privée dispense déjà des cours de langage des signes aux parents d’enfants sourds dans la partie septentrionale du pays.
S’il est vrai que l’action de cette association de parents d’enfants sourds ne couvre jusque-là qu’une faible portion du territoire tanzanien, il n’en demeure pas moins qu’elle commence à produire des fruits. Selon les responsables d’Uwakiwa, le nombre de parents de sourds qui savent utiliser un tout petit peu le langage des signes croît chaque mois dans les régions de Kilimandjaro et d’Arusha. Si cet exemple fait tache d’huile, le langage des signes pourrait enfin décoller sur le continent. Cette année se prête bien à ce décollage. L’Unesco a dédié la Journée de la langue maternelle au braille et au langage des signes.

Gervais Nitcheu




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