(MFI) Parmi les troubles de l’apprentissage, pour lesquels une rééducation par des spécialistes est nécessaire, on cite souvent la dyslexie, qui affecte la lecture et l’écriture. La dyscalculie, qui concerne l’acquisition des mathématiques, reste encore largement méconnue. Elle peut cependant avoir d’importantes conséquences, tant sur la scolarité que sur l’insertion professionnelle.
Elève en CE2, Julie continue à écrire le nombre quatre cent quatre-vingt treize « 40042013 », se contentant de juxtaposer les différents nombres qu’elle entend. Cet exemple est l’une des manifestations possibles de la dyscalculie. Car ce terme désigne en fait une large panoplie de troubles différents, d’autant que les spécialistes eux-mêmes, orthophonistes ou neuropsychologues, ne s’accordent pas sur sa définition.
Il existe donc plusieurs écoles sur le sujet : trouble limité à la fonction calculatrice pour les uns, allant jusqu’aux troubles du raisonnement logico-mathématiques pour les autres. « Il n’y a pas de consensus à l’heure actuelle sur la définition de la dyscalculie », confirme Irène De Zotti, professeur de mathématiques et psychologue cognitiviste, pour qui il s’agit avant tout de difficultés dans l’apprentissage du nombre et des opérations.
Des difficultés liées au nombre et au calcul
Certains enfants, explique-t-elle, ne parviennent pas à comprendre ce qu’est un nombre : incapables d’établir un lien entre le symbole et la quantité, il leur est impossible par conséquent de comparer deux valeurs, d’évaluer de petites quantités et de maîtriser le système numérique, compétence que l’on considère comme devant être acquise à la fin du CM2. D’autres sont obligés, quel que soit leur âge, de compter sur leurs doigts pour trouver le résultat d’additions, même simples – y compris des sommes inférieures à dix – et sont dans l’incapacité de retenir les tables de multiplication. D’autres types de troubles affectent les procédures de calcul : les enfants commettent des erreurs systématiques en posant leurs opérations ou les confondent. Ils peuvent par exemple commencer une soustraction qu’ils terminent en addition.
Bien sûr, ces difficultés peuvent se rencontrer chez tout enfant en phase d’apprentissage ; elles s’effacent au rythme des progrès et il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Il peut aussi s’agir d’un blocage par rapport à un enseignant ou une méthode d’enseignement, et dans ce cas, un changement de classe ou de pédagogie permet de surmonter l’obstacle. Chaque élève a son propre style d’apprentissage ; il ne faut donc jamais hésiter à recourir à différentes approches et proposer plusieurs formes d’explications. Certains enfants comprennent mieux par exemple en visualisant grâce à des schémas ou des dessins, et dans le cas des mathématiques, les manipulations manuelles avec des petits bâtonnets peuvent par exemple faciliter l’apprentissage.
Un dépistage souvent trop tardif
Ce qui distingue la dyscalculie, justement, c’est son caractère durable, explique Isabelle De Zotti : le trouble persiste dans le temps et subsiste malgré toutes les tentatives pédagogiques. Aucune forme d’enseignement, aucune méthode ne parvient à déclencher le déclic de la compréhension. Le travail du rééducateur consiste alors à fournir des stratégies pour compenser ce trouble.
« D’ailleurs, certains enfants élaborent d’eux-mêmes des stratégies parfois très compliquées qui masquent leurs difficultés. Ce qui démontre bien que la dyscalculie peut concerner des enfants tout à fait intelligents, sans pathologie particulière. Mais du coup, il arrive souvent que les problèmes de dyscalculie passent inaperçus ou ne soient mis en évidence que tardivement, deux, trois ans après le CP, parfois même plus tard, au collège », déplore cette enseignante-psychologue. Elle s’est donc lancée dans un travail universitaire dont le but est d’élaborer un outil de diagnostic de ces troubles du calcul, afin de permettre une prise en charge précoce des enfants concernés. Car, non-rééduqués, ces troubles peuvent représenter un handicap, plus ou moins sérieux en fonction de leur gravité, sur le plan scolaire, professionnel ou même de la vie courante. Les dyscalculiques peuvent par exemple se trouver en grande difficulté lorsqu’il leur faut manipuler de l’argent. Aller faire ses courses devient très compliqué…
Pour le Groupe d’études sur la psychopathologie des activités logico-mathématiques (Gepalm) et les praticiens formés par cet organisme, il existe d’autres formes de la dyscalculie pouvant affecter le raisonnement, la logique, la résolution de problèmes ou la géométrie. Quelles que soient ses formes, la dyscalculie, peu étudiée scientifiquement jusqu’à présent, garde une grande part de ses mystères : ses causes notamment restent largement méconnues.
Catherine Le Palud
Groupe d’études sur la psychopathologie des activités logico-mathématiques
60 bd Saint-Marcel, 75 005 Paris, France. Tél. : (33) 1 47 07 82 11.