(MFI) L’Unesco vient de décerner ses Prix internationaux de l’alphabétisation : deux organismes africains ont été récompensés cette année, l’Organisation pour l’alphabétisation des adultes au Zimbabwe et la Direction de l’alphabétisation et de l’éducation de base du Sénégal.
On estime aujourd’hui que 885 millions d’adultes sont analphabètes dans le monde, soit 23 % de la population mondiale. Près de deux tiers sont des femmes. Et malgré les considérables progrès de la scolarisation dans le primaire ces dernières décennies, environ 113 millions d’enfants ne sont pas inscrits à l’école actuellement. Des chiffres qui montrent bien à quel point « l’analphabétisme reste une réalité au XXIe siècle », a souligné le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la culture et la science (Unesco) à l’occasion de la récente Journée internationale de l’alphabétisation. Estimant que « la lutte est encore longue pour que la porte [de l’éducation] soit ouverte à tous », Koïchiro Matsuura a tenu à « rendre hommage, en ce jour particulier, à toutes celles et à tous ceux qui se consacrent chaque jour (…) à ce combat noble et généreux ». Car tel est en effet le rôle des Prix internationaux de l’alphabétisation, décernés chaque année depuis 1967, et qui comptent deux lauréats africains dans le cru 2000.
L’Organisation pour l’alphabétisation des adultes au Zimbabwe (ALOZ) a ainsi reçu le prix Association pour la lecture. Le jury a notamment voulu saluer la capacité de mobilisation de cette ONG, qui a « appelé un grand nombre de personnes et d’organismes à œuvrer bénévolement à la satisfaction des besoins d’apprentissage d’adultes analphabètes et semi-analphabètes, en particulier de ceux qui vivent dans les zones d’exploitation rurale et d’agriculture commerciale du Zimbabwe ».
Tout le processus se déroule en langues locales
Créée en 1970, sous le nom d’ALOR, Organisation pour l’alphabétisation des adultes en Rhodésie, devenue ALOZ à l’indépendance en 1980, cette association s’est spécialisée au fil des années dans la formation et le soutien pédagogique des animateurs, recrutés de préférence parmi les groupes cibles, et l’élaboration des matériels didactiques. Elle s’est notamment attachée à mettre au point des matériels de lecture dans les diverses langues locales et en anglais, faisant en sorte, comme le souligne le jury, que « tout le processus d’alphabétisation se déroule dans les langues locales ».
Par ailleurs, loin de considérer l’alphabétisation comme une fin en soi, ALOZ la conçoit plutôt comme un outil permettant d’améliorer la qualité de vie des participants (dont près de 85 % sont des femmes). Les programmes abordent donc diverses questions importantes pour la vie quotidenne des apprenants, comme la sensibilisation au sida et les soins à domicile pour ces malades, ou encore l’éducation des enfants. Il s’agit également de leur apporter les savoirs et compétences nécessaires aux activités productives et rémunératrices, en initiant aux techniques agricoles par exemple, ou en créant des clubs d’épargne. Les méthodes employées font également preuve d’innovation ; reposant essentiellement sur une approche participative, elles peuvent dans certains cas utiliser le théâtre pour mobiliser les apprenants.
Des contrats avec des opérateurs privés pour assurer des services éducatifs
La Direction de l’alphabétisation et de l’éducation de base du Sénégal s’est quant à elle vue remettre l’un des deux prix d’alphabétisation Roi Séjong – du nom d'un monarque coréen qui, il y a plus de cinq cents ans, inventa un alphabet de 22 lettres. Mis en place en 1971, cet organisme gouvernemental est chargé de l’ouverture de centres d’alphabétisation, de l’élaboration de matériels didactiques, de la formation des cadres et des enseignants, ainsi que de la production de cours d’alphabétisation télévisuels ou de l’édition de journaux en langues nationales. C’est d’ailleurs notamment « pour avoir reconnu l’importance des six langues nationales dans l’acquisition des connaissances pour les groupes ethniques minoritaires dans tout le pays » que ce programme a été couronné cette année, ainsi que « pour avoir adopté officiellement le concept du faire faire », permettant au gouvernement d’établir des contrats avec des opérateurs privés (ONG, associations locales…) pour assurer les services éducatifs. Le jury a également salué l’initiative consistant à associer des citoyens exerçant de multiples activités économiques et productives dans le pays, notamment des agriculteurs, des pêcheurs et des entrepreneurs, à des programmes d’alphabétisation.
Enfin, les autres lauréats de ces Prix internationaux d’alphabétisation pour l’an 2000 sont le Bureau d’éducation non formelle des Philippines (prix Noma), le programme sur l’Education des jeunes de l’Irak (deuxième prix Roi Séjong) ainsi que le Projet d’alphabétisation bilingue quechua-espagnol sur la santé génésique de Bolivie (prix Malcom Adiseshiah).
Catherine Le Palud