accueilradio  actualités  musique  langue française  presse  pro
radio
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Education Liste des articles

28/03/2002
Non, tout ne se joue pas avant trois ans !

(MFI) Les expériences vécues dans les premières années auraient un rôle déterminant sur les capacités d’apprentissage et la personnalité future. Cette idée, qui a connu un certain succès, est aujourd’hui remise en cause par un spécialiste américain de l’éducation. Pour John T. Bruer, les dernières découvertes scientifiques indiquent plutôt que le cerveau reste capable d’évolution tout au long de la vie.

Peut-on accroître l’intelligence d’un enfant grâce à des stimulations adaptées dans ses premières années ? Le développement optimal de son cerveau dépend-il de l’environnement du bébé ? C’est en tout cas ce que défendent les tenants de ce que John T. Bruer appelle, dans le livre qu’il consacre à la question et qui vient d’être traduit chez Odile Jacob, le « mythe des trois premières années ». Jusqu’à l’âge de trois ans, le cerveau est en pleine construction, argumentent-ils : au cours de cette période, il est possible, en sollicitant l’enfant, de favoriser la connexion entre les neurones, les cellules nerveuses, et ainsi d’augmenter le potentiel cérébral. En revanche, selon eux, une fois passé cet âge, les jeux seraient faits…
Multiplier les échanges avec le tout-petit, lui parler, lui chanter des chansons, lui faire écouter de la musique, jouer avec lui sont donc présentés comme des moyens d’assurer le plein développement intellectuel de son enfant. Cependant, critique John Bruer, ces conseils pratiques, peu novateurs et finalement assez vagues, laissent beaucoup de parents désemparés face à l’angoisse de ne pas savoir comment pratiquer pour être sûrs de donner toutes ses chances à leur enfant, sans parler de la culpabilité que ressentent ceux qui ne peuvent se rendre suffisamment disponibles au cours de cette période.


Une interprétation erronée des travaux scientifiques

Pourtant, s’il est prouvé que le bébé a besoin de l’affection et de l’intérêt de ses parents pour s’épanouir, en revanche, écrit-il, « rien, dans les études en cours, ne permet d’affirmer qu’[un] supplément de stimulations est utile. (…) La science ne permet pas à l’heure actuelle d’affirmer qu’il est possible d’influer sur le développement du cerveau (…) ; elle peut encore moins nous dire comment le faire. » Pour ce spécialiste, le « mythe des trois premières années » repose donc sur une interprétation erronée des travaux scientifiques.
Certes, ceux-ci, explique John Bruer, ont bien mis en évidence, il y a une vingtaine d’années, « l’existence d’une phase de croissance rapide des connexions cérébrales au début du développement humain et animal » : lorsqu’il naît, le bébé compte à peu près autant de liaisons neuronales (les fameuses synapses) qu’un adulte, puis à partir de 2 mois et jusqu’à trois ans environ, ce nombre augmente de façon considérable pour atteindre un pic supérieur de 50 % aux valeurs moyennes observées chez les adultes ; il reste alors à ce point culminant pendant quelques temps, ensuite le nombre de synapses diminue pour atteindre le niveau adulte vers 16 ans.
Cependant, poursuit l’auteur, aucune observation, aucune étude n’a permis de faire un lien entre la quantité de stimulations extérieures et la formation des synapses ; il semble plutôt que « la formation synaptique initiale est commandée par le programme génétique et le processus de développement, et non par les stimuli reçus ». Autre idée fausse véhiculée par « le mythe » : celle qui consiste à lier l’intelligence au nombre de connexions neuronales. On pense en effet souvent que plus on a de synapses, plus on dispose d’un potentiel cérébral important. Or, souligne John Bruer, cela n’a jamais été démontré scientifiquement. Si l’on a observé qu’une quantité anormalement faible de synapses se traduit par des déficiences intellectuelles, à l’inverse de récents travaux indiquent que « l’excès de synapses nuit au bon fonctionnement des facultés mentales plus qu’il n’y contribue ». Les scientifiques estiment par conséquent que « la perte de synapses est à la fois normale, inévitable et bénéfique ».


Le cerveau se réorganise tout au long de la vie

Enfin, John Bruer remet en cause l’idée selon laquelle les trois premières années de la vie constituent le seul moment où les acquisitions peuvent s’effectuer. Si cela est avéré pour certaines fonctions, comme le langage ou la vision (comme le prouve par exemple les cas d’enfants qui ont grandi dans un isolement social et linguistique : lorsque cette situation s’est poursuivie au-delà d’un certain âge, ils demeurent incapables de parvenir à une maîtrise totale de la langue), il est faux de penser, comme le sous-entend le fameux « mythe », que ce phénomène concerne tout processus d’apprentissage. Notamment, « il est hautement improbable que l’acquisition de compétences culturelles, du type de celles que l’on apprend à l’école, dépende de créneaux propices limités dans le temps ».
De nombreuses études démontrent en effet que des adultes, grâce à des programmes adaptés, peuvent améliorer significativement leurs performances intellectuelles, mesurées par des tests, ainsi que leur niveau scolaire, « même si le départ est pris relativement tard dans la vie : tout n’est donc pas perdu à trois ans ». Les travaux les plus récents indiquent que le cerveau se réorganise en permanence en fonction des expériences, même chez les individus adultes, et que par conséquent « nous sommes capables de maîtriser de nouvelles compétences et d’étendre notre gamme de comportements tout au long de notre vie ». Plus que de stimulations précoces et nombreuses, c’est bien plutôt d’attention et de stabilité affective dont le bébé a besoin pour se développer au mieux. Un message finalement rassurant : pour John Bruer, la science ne contredit pas le bon sens…

Tout est-il joué avant 3 ans ?, par John T. Bruer, Editions Odile Jacob.

Catherine Le Palud

retour

Qui sommes nous ?

Nos engagements

Les Filiales

RMC Moyen Orient

Radio Paris-Lisbonne

Delta RFI

RFI Sofia