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11/04/2002
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Crise de l’adolescence : comment réagir quand on est parent ?
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(MFI) Plus vraiment enfant mais pas encore adulte, l’adolescent se cherche, au travers de comportements souvent excessifs et de remises en cause parfois brutales. Mais si la fameuse « crise d’adolescence » est un phénomène transitoire normal, certains signes témoignent d’une profonde souffrance qu’il faut savoir reconnaître.
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L’adolescence… Voilà un mot chargé d’incertitudes, voire de quelques craintes pour plus d’un parent. Et il est vrai que la traversée de cette période charnière s’accompagne souvent de quelques turbulences dans le climat familial. Sautes d’humeurs, mutisme ou agressivité, attitudes de défi, opposition aux parents : ces réactions, si elles peuvent être déstabilisantes pour l’entourage, n’en sont pas moins caractéristiques et tout à fait normales chez l’adolescent.
Il faut dire que ce dernier doit faire face à de véritables bouleversements qui affectent tout à la fois son apparence physique, sa vie psychique, sociale et affective. Mal à l’aise dans son corps qui change rapidement, le jeune, observe le psychiatre Xavier Pommereau, spécialiste de l’adolescent et du jeune adulte, ressent une impression d’étrangeté, voire de « dépossession de lui-même ». D’autant, explique-t-il, que « le processus pubertaire entraîne l’émergence de pulsions et de représentations psychiques » que le jeune a le sentiment de ne pas davantage pouvoir contrôler que les modifications de son corps.
Privé des repères de l’enfance dont il doit faire le deuil, l’adolescent s’interroge sur son identité et la place qu’il occupe, notamment dans sa famille. Une quête qui passe fréquemment par la recherche d’expériences nouvelles, une tendance à l’excès (dans les opinions, les sentiments, les réactions aux remarques des proches) mais aussi un besoin de se confronter aux limites, quitte à « dépasser les bornes »… D’où également souvent un goût du risque qui apparaît comme un moyen pour le jeune de « se mettre à l’épreuve pour se sentir exister ».
Il faut rappeler les règles à respecter
Si « une certaine tolérance évitant le dirigisme » est nécessaire face à ce comportement, les parents ne doivent cependant pas hésiter, conseille le psychiatre, à rappeler, aussi souvent que nécessaire, les règles à respecter. « Mets ton casque ou tu ne prends pas ta moto ! », « Ne rentre pas après telle heure ce soir »… Car même mal accueilli sur le moment, ce type de remarques rassure en fait l’adolescent sur l’attachement de ses parents à son égard, alors qu’à l’inverse, le laisser faire (« Fais comme tu veux, ça te regarde ! ») est souvent interprété par le jeune comme de l’indifférence ou du rejet. Avec le danger que certains ados ne ressentent alors « l’obligation de chercher toujours plus loin leurs limites et celles de leur entourage ».
D’autant, indique Xavier Pommereau, que l’adolescent éprouvant des difficultés pour s’exprimer avec des mots, c’est souvent avec des actes qu’il le fait. Débordé par ses émotions ou éprouvant un profond mal-être, il peut alors être amené à des conduites de rupture dont « la précocité, la répétition et l’ampleur doivent inquiéter, écrit le spécialiste dans l’ouvrage qu’il consacre à « L’adolescent suicidaire », car elles signalent une souffrance qui ne peut être dite autrement ». Ces comportements, qui peuvent aller de la simple rupture brutale d’une discussion familiale en plein milieu d’un repas, en passant par le rejet scolaire ou la fugue, jusqu’à la tentative de suicide, ne doivent en tout cas jamais être banalisés, quelles que soient leur forme et leurs conséquences immédiates.
L’adolescent en crise a en effet besoin d’aide pour sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve, estime le psychiatre qui indique que, même si « sa demande est rarement manifeste, elle est pourtant exprimée sous diverses formes qui doivent impérativement être décodées ». Des plaintes répétées concernant des maux de tête ou de ventre, des allergies ou des problèmes d’insomnie, des idées noires et des propos négatifs fréquents, des troubles alimentaires, des ivresses réitérées, un absentéisme scolaire ou une rupture brutale des relations amicales et un isolement délibéré, sont des signaux d’alarme à prendre d’autant plus au sérieux qu’ils sont cumulés.
Mieux vaut de franches explications que des non-dits
Si les parents sont souvent décontenancés par le comportement adolescent, plus que jamais, estime Xavier Pommereau, il importe qu’ils jouent pleinement leur rôle et notamment qu’ils offrent au jeune les repères dont il a besoin pour se structurer. Eviter les désaccords et les conflits n’est pas une bonne chose : mieux vaut de franches explications où chacun peut s’exprimer que des silences et des non-dits qui entretiennent les tensions, avec le risque de voir ces dernières « resurgir là où on ne les attend pas ou dans des domaines qui les rendent dangereuses, voire déviantes ». La recherche d’une fausse complicité, d’une relation de copinage qui gomme les différences d’âge et de statuts est tout aussi néfaste qu’un autoritarisme intransigeant.
La qualité du dialogue, l’authenticité et la confiance sont donc des ingrédients indispensables à la réussite de la relation avec l’adolescent, « en sachant que cette dernière doit être l’objet de réajustements continuels ». Trouver la bonne distance, se montrer « vigilant sans être encombrant, présent sans être permanent » n’est cependant pas toujours chose aisée et quand la difficulté est trop grande, les parents ne doivent pas hésiter à avoir recours à un professionnel, médecin, psychologue ou psychiatre, qui les aidera à renouer le dialogue.
L’adolescent suicidaire, de Xavier Pommereau, éditions Dunod, Collection Enfances.
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Catherine Le Palud
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