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05/06/2003
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Nourriture contre scolarisation, une stratégie payante
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(MFI) L’alimentation est un moyen efficace pour améliorer le niveau d’éducation des enfants issus des familles pauvres. C’est le principal enseignement que l’on peut tirer de la mise en oeuvre de plusieurs programmes initiés en Afrique par le Programme alimentaire mondial (PAM).
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Selon le PAM, 300 millions d’enfants dans le monde souffrent de la faim chronique ; environ 170 millions d’entre eux partent à l’école l’estomac vide. L’Afrique est particulièrement touchée par la disette. En visite sur le continent au mois de mai 2003, le directeur exécutif du PAM a clairement exprimé sa préoccupation. « Cette année, j’ai besoin de 2,1 milliards d’euros pour faire face au problème de la famine en Afrique ; cette somme est plus importante que la totalité du budget consacré aux interventions internationales du PAM l’année dernière », a affirmé James Morris.
Le syndrome sans pitié de la faim immédiate
Les départements concernés de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) soulignent que les enfants qui se rendent affamés à l’école sont facilement distraits, ont du mal à rester éveillés et à se concentrer sur l’enseignement. Aboubakar, un instituteur nigérien, confirme : « Comment voulez-vous qu’un élève qui n’a pas pris de petit-déjeuner suive attentivement les explications du maître ? Ce n’est pas possible ! » En clair, les enfants qui ne mangent pas le matin ont de fortes chances de s’assoupir en classe et de ne pas intégrer les connaissances qu’on tente de leur transmettre. C’est ce que l’Unesco appelle le « syndrome de faim immédiate ». Il affecte « les fonctions cognitives des enfants et, très probablement, leur faculté d’assimilation ». Et Bello, enseignant dans une école publique de Nouadibou, en Mauritanie, de renchérir : « On ne peut pas s’attendre à un miracle de la part de ces enfants ; leurs notes ne peuvent être que catastrophiques. Ma classe est actuellement bondée d’élèves qui n’ont pas de quoi manger de la journée ; le niveau général est presque nul. »
Pour remédier à cette situation, le Programme alimentaire mondial mène, depuis quelques années, de nombreuses actions dans des pays africains. Au Niger, par exemple, le programme baptisé « Rations à emporter » est opérationnel depuis 1997. Il est destiné exclusivement aux filles. Cette action consiste en la distribution de rations aux familles en échange de la scolarisation de leurs filles. « Les familles reçoivent 150 kg de céréales par an pour une ou deux fillettes, et 300 kg de céréales par an pour trois filles ou plus », souligne un rapport du PAM. Et d’ajouter : « La ration est distribuée pendant la saison de soudure agricole, période où les stocks alimentaires des ménages sont à leur plus bas et l’aide alimentaire est particulièrement utile pour aider les familles à tenir jusqu’à la récolte suivante. » Grâce à ce programme, l’inscription des filles à l’école serait en hausse de 75 %.
Augmentation du taux de scolarisation jusqu’à + 219 %
Le même résultat est observé dans quatre provinces du Cameroun (Est, Adamaoua, Nord et Extrême-Nord) où, depuis 1992, le PAM mène le même programme d’alimentation scolaire. « Le nombre d’écoliers dans le Nord a augmenté de 84 %, et l’augmentation dans l’Extrême-Nord a été de 219 % entre les années scolaires 1997-1998 et 2000-2001 », indiquait le PAM lors de l’évaluation de mai 2001, à mi-parcours du programme.
Quelques années avant les « Rations à emporter », le PAM avait expérimenté une autre action, celle des cantines scolaires. Ce plan consiste à donner de la nourriture aux enfants inscrits dans certaines écoles en zones rurales. En contrepartie, leurs parents versent une somme, symbolique, qui dépasse rarement 500 F CFA par an. Ce système permet aux élèves qui habitent les localités très éloignées de l’école de déjeuner dans l’établissement. Au Sénégal, près de 150 cantines profitent actuellement à 56 000 élèves. Ces enfants sont disséminés à travers les régions de Fatick, Kaolack, Louga, Ziguinchor, Kolda et Tambacounda. Le repas servi chaque jour, entre 13 et 14 heures, à chaque élève doit être constitué de 150 grammes de riz, 20 grammes de lait, 15 grammes d’huile et 30 grammes de poisson. Autre exemple : la Côte d’Ivoire. A l’école d’Akroba, dans une zone située à 100 km d’Abidjan, 120 élèves bénéficient d’un repas quotidien équilibré à la cantine scolaire. Dans les deux pays, l’initiative semble connaître un franc succès auprès des familles. En septembre prochain à Dakar, le PAM va dresser le bilan exhaustif de l’ensemble de ses programmes dans le domaine scolaire en Afrique. Ce sera au cours d’une réunion avec les ministres de l’Education nationale de plusieurs pays du continent.
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Gervais Nitcheu
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