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13/08/2003
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Ecoles confessionnelles : au cœur de la transformation des sociétés africaines
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(MFI) Dans les pays au sud du Sahara, le champ scolaire est de plus en plus investi par diverses confessions. Ecoles chrétiennes, établissements musulmans sont nombreux à offrir leurs services. Par leurs enseignements, ces écoles confessionnelles se proposent de modeler la société suivant les valeurs promues par l’Evangile ou le Coran.
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En septembre 2003, un lycée privé musulman – le premier du genre en France –, situé au premier étage de la mosquée de Lille-Sud, ville du nord du pays, va démarrer ses activités, avec, en principe, 31 élèves. Cela n’a pas été facile : ce n’est qu’après avoir essuyé plusieurs échecs que les promoteurs de ce lycée musulman – l’idée est née en 1997, pendant la crise du foulard – voient enfin leur rêve devenir réalité. Il faut dire que la France est un pays de vieille tradition judéo-chrétienne, et que l’islam, bien que deuxième religion par le nombre aujourd’hui, y est d’implantation récente à l’échelle de l’histoire. En outre, comme partout ailleurs sur la planète, l’enseignement formant les citoyens de demain est un enjeu de société primordial.
Dans nombre de pays d’Afrique subsaharienne, les écoles confessionnelles – chrétiennes comme musulmanes – fonctionnent depuis des dizaines d’années. Une étude de l’Institut de recherche et de développement (IRD) indique par exemple que « 71,1 % des 1 630 individus scolarisés concernés par l’enquête effectuée à Bobo-Dioulasso, au Burkina, en 1995-1996, étaient scolarisés dans l’enseignement public et 28,9 % dans l’enseignement privé ; 73,5 % d’entre eux fréquentaient un établissement laïc durant leur scolarité, 18,7 % une école confessionnelle et 7,8 % les deux types d’établissements ».
Cours d’enseignement religieux obligatoires
Cependant, la manière dont la formation est donnée aux enfants diffère sérieusement. A Lille, au lycée Ibn-Rushd – c’est le nom arabe d’Averroès, philosophe arabo-andalou qui transmit l’œuvre du célèbre philosophe grec Aristote à l’occident médiéval –, les enseignements seront les mêmes que dans les établissements français de même niveau. Les quatre heures d’arabe et de civilisation arabo-musulmane seront facultatives, les élèves ayant le choix de suivre ou non ces enseignements. En outre, être de confession musulmane n’est pas obligatoire pour être accepté dans l’établissement. Difficile, donc, de penser que ce lycée a pour visée première d’imposer une vision islamique à une partie de la population française.
Dans les écoles confessionnelles d’Afrique au sud du Sahara, en revanche, tout porte à croire que leurs promoteurs sont pour la plupart mus par la ferme volonté d’inculquer, avant tout et absolument, les valeurs défendues par leurs confessions aux élèves inscrits. Au Burkina, au Niger ou au nord du Cameroun, par exemple, dans les écoles coraniques, qui pullulent en milieux urbain et rural parfois sans être déclarées – et dont les programmes, en conséquence, ne sont pas toujours indexés sur celui des écoles publiques –, les enfants reçoivent un enseignement laïc, en arabe et en français, ainsi qu’un enseignement confessionnel. En clair, les cours d’enseignement religieux sont bel et bien obligatoires.
Ils le sont d’ailleurs aussi dans la plupart des établissements catholiques ou protestants du Cameroun ou du Congo-Brazzaville. Dans ces deux pays, certains responsables religieux affirment d’ailleurs sans ambages qu’ils veulent aider les élèves à savoir se situer en jeunes gens de foi devant leur culture. Ils n’hésitent pas à reprendre à leur compte certains extraits du discours d’ouverture prononcé, dans le cadre d’un symposium qui s’est tenu en mai 2001 à Ottawa, au Canada, par Mgr Paul-André Durocher : « Si nos jeunes – les élèves formés dans les écoles confessionnelles, nldr – deviennent capables de s’engager dans le monde, habités par la lumière, ils sauront transformer ce monde pour qu’il puisse plus facilement recevoir l’Evangile. »
Des Etats démissionnaires
Cependant, si la tendance des écoles confessionnelles à imposer absolument une façon de voir particulière aux jeunes qu’elles forment est très forte en Afrique subsaharienne, c’est aussi parce que les Etats démissionnent de plus en plus de leur mission d’éducation des populations. Pour des raisons économiques notamment. « Les plans d’ajustement structurel ont conduit certains Etats à réduire les dépenses du secteur éducatif et à interrompre le recrutement automatique des jeunes diplômés », souligne le chercheur Etienne Gérard de l’IRD (France). Cette démission laisse donc le champ libre aux confessions religieuses, qui peuvent alors se permettre de mettre en œuvre leur propre politique et stratégie éducatives.
En outre, faute de moyens, les pouvoirs publics n’effectuent pas régulièrement, dans les établissements confessionnels, les contrôles nécessaires pour vérifier que les programmes nationaux sont bien appliqués. De ce point de vue, il devient extrêmement difficile de soutenir que ces Etats demeurent les garants de la laïcité de l’école. La définition d’un nouveau rapport entre les Etats d’Afrique au sud du Sahara et les écoles confessionnelles semble donc urgente.
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Gervais Nitcheu
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