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19/09/2003
Libye : Kadhafi s’achète une conduite

(MFI) La Libye du colonel Mouammar Kadhafi, mise au ban de la communauté internationale depuis plus de dix ans, a fini par obtenir en septembre 2003 la levée des sanctions imposées par l’Onu en 1992, moyennant des promesses de compensations financières pour les familles des victimes d’actes terroristes.

Après avoir été mise à l’écart pendant plus d’une décennie, la Libye se refait peu à peu une santé diplomatique. Elle a accepté d’indemniser les familles des victimes de deux attentats contre des avions civils perpétrés à la fin des années 80 dans lesquels étaient impliqués ses ressortissants. Mais le régime de Tripoli, toujours soumis à des sanctions bilatérales américaines, reste sous surveillance.
Les Français attendent la concrétisation des promesses faites début septembre concernant une indemnisation « équitable » des victimes, alors que les Américains veulent non seulement que le calendrier des paiements négociés soit respecté sans contrepartie, mais aussi que la Libye fasse la preuve qu’elle a véritablement renoncé à l’appui au terrorisme et à des programmes d’armements de destruction massive, en particulier dans le domaine chimique. « Washington ne manque pas de rappeler à Kadhafi qu’il peut être puni à tout moment s’il reste sur la liste des pays de l’axe du mal comme la Syrie ou l’Iran, mais cela reste de la rhétorique », estiment des diplomates européens.


Les Etats-Unis n’avaient pas hésité à bombarder Tripoli

Les services de renseignement occidentaux restent toutefois vigilants concernant les usines pharmaceutiques libyennes et l’achat de produits chimiques par Tripoli. « La Libye a renoncé à contribuer à la fabrication de la bombe (nucléaire) islamique, mais nous veillons à ce qu’elle ne puisse pas se fournir en précurseurs destinés, non pas à des médicaments, mais à la fabrications de gaz comme le gaz moutarde », précise une source diplomatique. On souligne aussi que la nature du terrorisme international a changé par rapport aux années 1970 et 1980, quand Kadhafi aidait toutes sortes de mouvements, clandestins ou non. « L’ennemi principal est désormais l’intégrisme musulman, qu’a toujours combattu le dirigeant libyen et dont il a d’ailleurs été la cible à plusieurs reprises ».
Les sanctions de l’Onu avaient été adoptées en avril 1992 en raison de la responsabilité de la Libye dans deux attentats contre un avion de la compagnie américaine Panam, en 1988, qui avait fait 270 mort au-dessus de Lockerbie en Ecosse, et contre un appareil de la compagnie française UTA en 1989 (170 morts).
Les Etats-Unis, qui n’avaient pas hésité à bombarder Tripoli en 1986 après l’ attentat contre une discothèque en Allemagne fréquentée par des militaires américains, avaient pris dès les années 80 des mesures bilatérales : telles que le gel des avoirs libyens ou l’interdiction des investissements dans le domaine pétrolier, la principale richesse du pays. On se souvient que Kadhafi avait clamé tour à tour ses ambitions panarabes, puis panafricaines, mais avait peu à peu été lâché par les siens, arabes comme africains, lassés par ses outrances et ses ingérences, sous la pression des Occidentaux tandis qu’on assistait au désengagement de ses partenaires soviétiques, principaux fournisseurs d’armes.


De fréquentes outrances verbales

Le boycott international devait se lézarder à la fin des années 1990, en commençant par l’Afrique où l’on estimait que le peuple libyen avait assez payé. Le colonel Kadhafi revenait ainsi sur la scène africaine, quelque peu assagi malgré de fréquentes outrances verbales, à coups de médiations et en déversant les pétrodollars. Il devait devenir le parrain de la nouvelle Union africaine (UA), qui a succédé en 2002 à l’Organisation de l’unité africaine (OUA), même s’il n’a toujours pas obtenu gain de cause concernant la présidence de la nouvelle organisation panafricaine ou le transfert de son siège en Libye. Un sommet extraordinaire de l’OUA à Syrte en 2001 avait permis l’adoption de la charte de l’Union africaine et Kadhafi rêve toujours d’y accueillir un des organismes de la nouvelle union.
Les sanctions internationales ont été officiellement suspendues en 1999 après que la Libye eut accepté de remettre deux suspects de l’attentat de Lockerbie à la justice écossaise pour être jugés en Hollande. L’un devait être condamné et l’autre acquitté. Parallèlement la France avait entrepris « une trajectoire de rapprochement », ce qui a permis une certaine normalisation des relations politiques et économiques et un accord juridique concernant l’indemnisation des victimes du vol d’UTA (et la condamnation par contumace de six Libyens). Le colonel Kadhafi, qui bénéficie de l’immunité accordée aux chefs d’Etat en exercice, s’était engagé de son côté à respecter toute décision de la justice française, reconnaissant ainsi tacitement, tout comme pour Lockerbie, l’implication de son pays dans des attentats qu’il réfute toujours officiellement.


« Il faut à présent que les promesses soient tenues »

La levée des sanctions a été émaillée de difficultés de dernière minute. Ainsi la France qui ne pouvait remettre en question l’accord déjà conclu avec Tripoli, a réclamé « l’équité » en apprenant que la Libye avait accepté, selon les termes d’un accord avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, de verser aux familles des victimes de Lockerbie un total de 2,7 milliards de dollars – celles de l’attentat contre le vol d’UTA ne devaient recevoir que 35 millions de dollars. Paris a même brandi la menace d’un veto au Conseil de sécurité de l’ONU et le président Jacques Chirac s’est entretenu personnellement au téléphone avec le dirigeant libyen pour obtenir que les familles des victimes puissent négocier un nouveau montant avec la fondation du fils du colonel Kadhafi. « Il faut à présent que les promesses soient tenues », souligne un observateur, faisant allusion aux déclarations parfois contradictoires qui émanent des Libyens. Ceux-ci mettent surtout en avant le fait qu’ils ont dû payer pour reprendre leur place dans le concert des nations, et que les sanctions ont coûté au pays et au peuple une perte de plus de 30 milliards de dollars.

Marie Joannidis

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