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26/09/2003
Unesco : combat pour la diversité culturelle

(MFI) Afin de préserver leur spécificité et leur identité face à la mondialisation à l’américaine, les pays francophones mènent la lutte pour l’adoption par l’Unesco d’une convention mondiale en faveur de la diversité culturelle dont les enjeux sont non seulement politiques mais aussi économiques.

Les industries culturelles qui vont des livres aux produits audiovisuels et multimédia en passant par la musique ou les films représentent un chiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollars par an et génèrent un nombre considérable d’emplois. Le sujet est en discussion à la Conférence générale de l’Unesco qui se réunit tous les deux ans (1). Les membres de la Francophonie qui ont recueilli dans cette bataille le soutien d’un certain nombre de pays en développement, africains ou non, se heurtent à l’opposition farouche des Etats-Unis, qui après avoir quitté avec fracas l’Unesco il y a 19 ans, ont réintégré à compter du 1er octobre l’Organisation des Nations-unies pour l’éducation, la science et la culture.
Le sous-secrétaire d’Etat adjoint américain Richard Terrell Miller qui dirigeait la délégation d’observateurs de son pays au Conseil exécutif précédant la Conférence générale, n’a pas mâché ses mots. Il a ainsi affirmé le 17 septembre que pour sa délégation une convention sur la diversité culturelle paraissait « une mauvaise idée » valable uniquement si on voulait « contrôler le contenu ou le flux des idées et des produits culturels ». Il a estimé que le mandat de l’Unesco « est à l’opposé », c’est-à-dire « celui de protéger la libre circulation des images et des idées ». Il a aussi indiqué que les Etats-Unis allaient proposer à la place (de la convention sur la diversité culturelle) une « solution positive », c’est-à-dire de « travailler ensemble pour renforcer les voix de ceux qui sont à la marge du village global, favorisant leur inclusion et leur participation et protégeant leur liberté individuelle plutôt que de restreindre leur choix de décider pour eux-mêmes ce qu’ils souhaitent voir ou dire ».


Paris soutient le projet de convention

Parlant au nom des pays en développement, le représentant des Philippines a pour sa part donné un autre son de cloche, soulignant que le Groupe des 77 n’avait pas d’objection quant à la préparation d’une telle convention qui pourrait être adoptée par la Conférence générale de l’Unesco en 2005, si possible. La France qui est à la pointe de ce combat avec ses partenaires francophones, mais aussi européens, en admet la difficulté mais se déclare prête à se battre comme elle l’avait fait au sein de l’organisation mondiale du commerce (OMC) pour préserver notamment le secteur de l’audiovisuel, les productions nationales de films ainsi que les trésors nationaux de valeur artistique, historique ou archéologique. D’autres biens culturels dans les domaines du spectacle, de l’édition ou de l’architecture ont en revanche été soumis à la libéralisation des biens et services.
Pour Paris l’adoption d’une convention mondiale sur la diversité culturelle, qui affirmerait qu’elle appartient au patrimoine commun de l’humanité, consacrerait en droit l’égale dignité de toutes les cultures, la possibilité pour les Etats de conduire des politiques publiques soutenant la création ainsi que le caractère exceptionnel des biens culturels. La France estime que la convention devrait viser trois grands objectifs: la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels, le droit des gouvernements à adopter ou maintenir des mesures qu’ils jugent appropriées à la préservation de leur patrimoine culturel et au développement de leurs expressions culturelles et linguistiques, et enfin la solidarité au niveau international, le tout dans un esprit d’ouverture et de transparence.
Le Québec, membre de la Francophonie, affirme de son côté que la défense de la diversité culturelle faisait partie des actions prioritaires du gouvernement et qu’il soutenait le projet de convention à l’Unesco, soulignant qu’il refusera de prendre des engagements de libéralisation et aura recours aux réserves nécessaires pour préserver ses politiques dans toutes les enceintes internationales. Sur l’initiative de l’Allemagne, du Canada, de la France, de la Grèce, du Maroc, du Mexique, de Monaco et du Sénégal, appuyée par le Groupe francophone de l’Unesco, le sujet avait été inscrit à l’ordre du jour du Conseil exécutif dès mars 2003. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dirigée par l’ancien président sénégalais Abdou Diouf, et son agence intergouvernementale (AIF) ont pour leur part tenu plusieurs réunions et séminaires, y compris en Afrique et en Europe centrale et orientale, afin de sensibiliser, ses membres au problème.
Selon les experts francophones, la mondialisation menace la diversité culturelle car le développement et la libéralisation des échanges internationaux, conjointement avec la convergence des technologies de l’information et de la communication, provoquent la concentration des industries culturelles et l’apparition d’entreprises dominantes, même si elle facilite la circulation des biens et services culturels et favorise la réduction des coûts de production. « Ces évolutions constituent une menace d’uniformisation des cultures et de marginalisation des créateurs et mettent en péril le pluralisme culturel y compris linguistique », estiment-ils.


Un enjeu économique majeur

Selon une étude de l’Unesco publiée en 2000 et portant sur la période 1980 à 1998, le commerce international des biens culturels a quadruplé au cours de ces deux dernières décennies. Les échanges commerciaux concernant les livres ainsi que les domaines de la musique, des arts plastiques, du cinéma, de la photographie, de la radio, de la télévision, des jeux et des articles de sport sont passés de plus de 95 milliards à près de 388 milliards de dollars entre ces deux dates. Le nombre des échanges s’est effectué entre un nombre réduit de pays comme les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne ou la France, même si de nouveaux venus comme la Chine ont fait une apparition importante sur ce marché.
En 1998 les ventes d’enregistrements sonores (comme les CD) ont atteint plus de 38 milliards de dollars contre 27 milliards en 1990, selon des chiffres recueillis annuellement par la Fédération internationale des industries phonographiques. En 1996, les ventes internationales des produits culturels (films, musiques, programmes de télévision, livres et logiciels) ont représenté le premier secteur d’exportation des Etats-Unis en atteignant plus de 60 milliards de dollars, dépassant les secteurs traditionnels de l’agriculture, de l’automobile, de l’aérospatiale et de la défense. Un rapport établi par l’association américaine International Intellectual Property Alliance en 1998, indiquait que le taux de croissance de ces industries, fondées sur le droit d’auteur a augmenté entre 1977 et 1996 trois fois plus vite que le taux annuel de l’économie nationale, phénomène que l’on retrouve en Grande-Bretagne par exemple.


(1) Sa 32ème session se tient à Paris du 29 septembre au 17 octobre.

Marie Joannidis

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